Procès des attentats du 13-Novembre : les images glaçantes de revendication et de propagande de Daech projetées à l’audience
Nouvelle journée d'audience vendredi 24 septembre au procès des attentats du 13 novembre 2015, qui se tient depuis le 8 septembre au palais de justice de Paris, sur l'Ile de la Cité. Après avoir entendu un expert des relevés ADN et un expert en explosifs qui a étudié les gilets explosifs des commandos, la cour entend le policier qui a analysé les revendications des attaques terroristes par le groupe État islamique. Des documents riches pour l'enquête, à commencer par le message audio diffusé dès le lendemain matin des attaques de Paris.
Le président prévient les parties civiles qu'elles peuvent sortir si elles veulent s'épargner cette écoute. Puis l'audio est lancé. Une partie est lue, l'autre chantée, le tout par les Français Fabien et Jean-Michel Clain, tués en 2017. Ces frères convertis étaient devenus des hauts cadres de Daech, le deuxième étant spécialisé dans ces chants religieux très entêtants et belliqueux – extrait : "La France continuera à sentir l'odeur de la mort. Avance guerrier, sans jamais capituler. Tends la main pour l'allégeance…" - qu'on nomme les anasheeds.
Cet audio a été enregistré avant les attentats et en cela il a donné des éléments qui ont aidé les enquêteurs à l'époque. Le chant parle de huit héros martyrs. Or, le lendemain des attaques, on sait qu'ils ne sont que sept à avoir été tués ou à s'être fait exploser. Le chant indique donc qu'il y a au moins un terroriste en fuite. En l'occurrence, c'était Salah Abdeslam. Le bilan mentionné dans cette bande sonore est de 200 morts. On sait dès le 14 novembre qu'il y en a autour de 130. Troisième bizarrerie qui saute à l'oreille tout de suite, la revendication parle d'actions dans les 10e, 11e et 18e arrondissements. Or, rien ne s'est produit dans le 18e. C'est juste là qu'Abdeslam a abandonné sa voiture. Une partie du plan initial semble donc avoir échoué.
Après les attentats, des mois de propagande
Et puis, après ce message, il y a eu comme un feuilletonnage de ces revendications avec, les semaines et les mois qui ont suivi les attentats, une vraie propagande du groupe Etat islamique sur plusieurs supports, avec parfois des vidéos très professionnelles. Daech a voulu capitaliser sur ce qui était pour lui un succès, pour galvaniser sa base, favoriser le passage à l'acte de partisans et semer l'effroi chez son ennemi. Il y a eu les vidéos isolées de combattants en Syrie rendant hommage aux martyrs du 13-Novembre. Il y a eu des reportages photo de 30 pages dans les revues de propagande du groupe État islamique, mettant notamment en Une cette photo de deux policiers parisiens en larmes qui se prennent dans les bras.
Et puis, le 24 janvier 2016, deux mois après les attaques, il y a cette longue vidéo de 17 minutes, sanglante, macabre. Sa diffusion à l'audience a été expurgée des insoutenables scènes de décapitation. Malgré cela, elle laisse celui qui la regarde en proie à un réel écœurement. Les codes, eux, sont empruntés au rap, aux jeux vidéo, au cinéma américain. Retouches, effets spéciaux, la réalisation de cette vidéo a nécessité des centaines d'heures de travail, précise l'enquêteur, qui livre une analyse très détaillée.
Que voit-on sur ces images ? Des extraits des chaînes d'info le soir des attentats, sur fond de chants appelant au martyre là encore. Et puis on voit les protagonistes des attentats dans le désert syrien, livrant des messages de menaces qui, rétrospectivement, sonnent comme des revendications. Presqu'à chaque fois, le message est ponctué par l'exécution, la décapitation d'un otage en tenue orange. Tout au long, ce même raisonnement, ce même message : "Nous alllons vous égorger jusque sous la Tour Eiffel (...) Mécréants, le président que vous avez élu tue nos femmes et nos enfants sur nos terres. Pour cette raison, vous allez vous aussi goûter à la terreur." Ce raisonnement basé sur l'idée de vengeance, c’est précisément celui que Salah Abdeslam a développé lors de ses quelques prises de parole depuis le début du procès. Vendredi après-midi, comme les autres accusés, il a semblé attentif, mais impassible dans le box. L'audience reprendra mardi avec les premiers témoignages des parties civiles.