Présidentielle 2022 : la toute petite "Reconquête" d'Éric Zemmour
Longtemps crédité de 10 % dans les sondages, Éric Zemmour a fini, dimanche soir, à la quatrième place du premier tour de la présidentielle française avec 7 % des voix. Une grande déception pour le candidat d’extrême droite qui rêvait de battre Marine Le Pen. Retour sur ce revers électoral.
Le vote caché n’existait finalement pas. Longtemps crédité de quelque 10 % des intentions de vote dans les sondages et présenté un temps comme le possible troisième homme, Éric Zemmour est finalement arrivé quatrième du premier tour de l’élection présidentielle française avec 7 % des voix. Loin derrière Jean-Luc Mélenchon, arrivé en troisième position. Et très loin derrière Emmanuel Macron qu’il rêvait un temps d’affronter sur le ring du second tour.
Comète politique, ovni aléatoire d’une seule élection ? Éric Zemmour répond à ses détracteurs qu’il n’en a pas fini avec la politique. "Je ne m’en tiendrai pas là. Les drapeaux levés au Trocadérone s’abaisseront pas, a-t-il martelé le 10 avril, au sortir des résultats. Nous sommes les seuls à défendre notre civilisation et notre identité […]. Il y a quelque chose de plus grand que nous, la France." La déception est pourtant bien là. Le chantre du "grand remplacement" remplacé par ses électeurs au profit de son adversaire Marine Le Pen. Humiliation ultime : celui qui raillait un temps la "ménagère de plus de cinquante ans" tout juste bonne "à caresser ses chats" en est réduit à appeler ses électeurs à voter pour elle.
L’instrumentalisation du vote caché
Comment expliquer une telle dégringolade ? D’abord, il n’y a pas eu le fameux vote caché sur lequel le candidat comptait. L'ancien éditorialiste assurait, en effet, que les sondeurs sous-estimaient les intentions de vote en sa faveur du fait du caractère inédit de sa candidature. Et aussi en raison de la réticence que les électeurs auraient à avouer aux sondeurs qu’ils voteraient pour lui. "Il se trouve qu'Éric Zemmour a été correctement évalué par les sondeurs. Le discours sur un éventuel vote caché est une instrumentalisation propre à démontrer qu’il va se produire un raz-de-marée électoral pour entretenir de manière artificielle une dynamique", explique Olivier Rouquan, politologue, à France 24.
Crédité au plus haut de sa campagne à 13 et 14 % des intentions de vote dans les sondages, l'apôtre de l’identité nationale a vu sa ritournelle souverainiste balayée par l’arrivée de la guerre en Ukraine et la question du pouvoir d’achat dans l’actualité. Ses intentions de vote n’ont ensuite fait que chuter. "Lorsqu’il a commencé à baisser dans les sondages, les électeurs d’extrême droite qui l’ont un temps soutenu ont pu voir que la candidature de Marine Le Pen était plus solide et sont revenus à elle, assurant un vote utile à l’extrême droite car ce sont des électeurs qui veulent gagner", poursuit l'enseignant-chercheur en sciences politiques et chercheur associé au Cersa (Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques).
De nombreuses fautes politiques et une image négative
Il a également fait des erreurs lourdes de conséquences. Manque de clarté sur le dossier ukrainien, contre-vérités historiques, notamment sur le rôle de Vichy sous la Seconde Guerre mondiale, polémique lancée le jour de l’anniversaire des attentats de novembre 2015, doigt d’honneur à une opposante lors d’un déplacement à Marseille, fusil pointé sur des journalistes lors du salon Milipol... Les fautes politiques - et de communication - ont jalonné sa campagne, et le candidat n'a pas su rassurer. Pire, "il souffre d’une très mauvaise image d’homme trop radical, il est inquiétant pour l’opinion publique, selon Olivier Rouquan. Et puis il n'a pas la stature d’un homme d’État. Enfin, il est incapable d’élargir ses idées pour agrandir son électorat".
Celui qui a salué ces électeurs qui ont réalisé "un vote pionnier, un vote d’avenir, un vote d’espoir" veut tout de même croire que sa Reconquête! est possible. Les yeux rivés sur le troisième tour, les élections législatives en ligne de mire, l’ancien polémiste veut y croire. Sur les réseaux sociaux, les cadres du parti appellent des candidats aux législatives à venir grossir les rangs. Reste à savoir "si ses 100 000 adhérents sont des militants investis sur le terrain ou des sympathisants éphémères", s’interroge Olivier Rouquan. C'est maintenant au parti de montrer sa capacité à trouver des candidats crédibles et créer un réseau solide implanté localement. Ce n’est pas le plus facile. Marine Le Pen y travaille avec difficulté depuis des années".