Pourquoi le scrutin des régionales ne dit presque rien sur la présidentielle de 2022
Même si certains, à droite comme à gauche, aimeraient voir dans les résultats des régionales une préfiguration de la présidentielle, les résultats du scrutin de dimanche ne permettent de tirer en réalité aucune conclusion. Bien au contraire, tout reste à faire dans la course à l’Élysée.
La droite est désormais "la seule force d’alternance", le Parti socialiste est "la force motrice" à gauche, "l’écologie est la seule force en dynamique"… À l’issue des élections régionales, plusieurs responsables politiques voulaient voir dans les résultats du scrutin la preuve d’un bouleversement du paysage politique en vue de la présidentielle de 2022.
À les écouter, les partis historiques – Les Républicains à droite et le Parti socialiste à gauche – seraient revenus au centre du jeu à la faveur de ces régionales. Et le second tour de la prochaine présidentielle n’opposerait pas nécessairement Emmanuel Macron à Marine Le Pen, contrairement aux prévisions publiées depuis des mois par les instituts de sondages.
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"Ce que certains vont présenter comme le retour de la gauche et de la droite ne se traduit pas dans les sondages pour 2022. Les élections sont de plus en plus déconnectées les unes des autres", nuance Chloé Morin, politologue associée à la Fondation Jean-Jaurès, auprès de l'AFP.
D’autant que l’abstention record des élections régionales complique l’analyse du scrutin. En réalité, les vérités de ce début d’été 2021 risquent d’être rapidement démenties quand viendra l’automne. France 24 vous explique pourquoi.
Avec un taux d'abstention de 66 %, les élections régionales ont été marquées par un fort désintérêt, ou désamour, des Français pour la politique – bien que les enjeux de ce scrutin touchent de près à leur quotidien. Avec autant d’électeurs ayant choisi de ne pas se rendre aux urnes, impossible d’analyser sérieusement les résultats. Inutile, donc, d’en tirer des conclusions concernant la présidentielle de 2022 – élection qui, traditionnellement, mobilise davantage.
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Les 15 à 20 millions d'électeurs qui se sont abstenus dimanche et voteront en 2022 vont "peser de manière déterminante" sur le scrutin présidentiel, souligne ainsi Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l'innovation politique. Or, étant issus "plutôt des catégories populaires et moyennes", ils exprimeront "sans doute [leur] insatisfaction plutôt que leur contentement", a-t-il prédit sur Europe 1. Traduction : si les sortants ont été reconduits aux régionales, il n’en sera pas forcément de même pour la présidentielle.
"Ce qui frappe dans cette élection, c'est une forme de résignation, voire de tristesse, y compris chez les votants", considère la politologue Céline Braconnier (Sciences Po Saint-Germain-en-Laye), spécialiste de l'abstention. "Il faut rester humble à l'égard de ces résultats qui ne disent pas grand-chose à part la distance à l'égard des institutions et des élus", poursuit-elle auprès de l’AFP.
Outre la participation qui sera plus élevée en 2022, l’élection présidentielle est avant tout une élection nationale. Les enjeux, mais aussi les ressorts d’une accession au second tour et d’une victoire ne sont pas les mêmes que pour les régionales.
Ainsi, les perdants de 2021 seront peut-être les gagnants de 2022. La République en marche et le Rassemblement national ont échoué aux régionales : le parti présidentiel n’a pesé sur aucun scrutin, hormis en Provence-Alpes-Côte d’Azur où une alliance avait été nouée dès le premier tour avec Renaud Muselier (Les Républicains). Il a été éliminé avant même le second tour dans trois régions et a totalisé moins de 7 % des suffrages, dimanche 27 juin, sur l’ensemble du territoire. Quant au RN, il n’a remporté aucune région et n’a été en position de force qu’en Paca.
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Pour autant, imagine-t-on Emmanuel Macron et Marine Le Pen relégués au rang de seconds rôles dans la future course à l’Élysée ? Bien au contraire, le chef de l’État et la candidate déclarée du RN devraient mener la danse. Le politologue Jérôme Sainte-Marie (PollingVox) voit en effet deux "logiques perpendiculaires" qui "s'affirment" : le "vieux clivage" droite-gauche toujours omniprésent localement, aux régionales comme aux municipales, et le "nouveau clivage" national entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, qui ont dominé 2017 et les européennes de 2019.
De plus, la présidentielle est un scrutin qui repose beaucoup plus sur la personnalisation que les régionales. Et à ce petit jeu, Jean-Luc Mélenchon, dont le parti, La France insoumise, est plutôt resté en retrait de la campagne qui vient de s’achever, tentera de tirer son épingle du jeu. Comme il l’avait fait en 2017.
Si les régionales ont permis à la droite de retrouver le sourire et de reprendre confiance, les raisons mentionnées précédemment invitent à la prudence. Non seulement la droite n’est en rien assurée de figurer au second tour de la présidentielle, mais son candidat autoproclamé, Xavier Bertrand, n’est pas du tout assuré d’être le porte-drapeau de cette famille politique dans six mois.
Pour Chloé Morin, l'ex-LR Xavier Bertrand "pose les bases d'un récit intéressant" car "il triomphe contre le RN" dans une région "où il y avait un vrai risque". Mais si sa réélection dans les Hauts-de-France était "une condition nécessaire", elle "n'est pas encore suffisante".
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Xavier Bertrand a appelé lundi matin la présidente réélue de l’Île-de-France, Valérie Pécresse (Libres !, ex-LR), et son homologue en Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), à former "une belle équipe" avec lui pour 2022. Réponse de Valérie Pécresse dans la foulée : "Il n’y a pas d’homme providentiel aujourd’hui", "pour moi, tout commence". Quant à Laurent Wauquiez, il refuse "ces espèces de course de vitesse où à peine élu, on passe à autre chose".
Cela tombe bien : le patron de LR, Christian Jacob, prévoit de déterminer qui sera le candidat de la droite en novembre. Même si Xavier Bertrand clame à l'envi qu’il sera, quoi qu’il arrive, candidat à la présidentielle, il sait aussi très bien qu’il ne pourra pas faire campagne sans la machine financière et humaine que représente LR.
Une partie de la gauche espérait que les régionales permettent de déterminer quelle formation pouvait prendre le leadership en vue de la présidentielle. Dimanche soir, le Parti socialiste (PS) comme Europe Écologie-Les Verts (EELV) revendiquaient ce statut, tandis que La France insoumise, dont la figure de proue Jean-Luc Mélenchon a déjà déclaré sa candidature pour 2022, s’était volontairement mis hors jeu de ce scrutin.
Invité dans les médias à livrer son analyse du second tour, le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, n'a pas mâché ses mots. "La réalité, c'est que quand l'accord se réalise [entre écologistes et socialistes, NDLR], il y a un plafond de verre, ou même un plafond vert, ce qui fait que les socialistes sont aujourd'hui les plus crédibles pour conduire ces rassemblements", a-t-il jugé.
De son côté, le patron d’EELV, Julien Bayou, a présenté dimanche soir l’écologie comme " la seule force en dynamique". Son prédécesseur, David Cormand, a quant à lui répondu lundi matin aux attaques d’Olivier Faure : "Les régions où les socialistes nous ont laissé mener étaient très dures à aller chercher, contre la droite et l'extrême droite", a insisté l'eurodéputé auprès de l'AFP. "Et si on n'a pas gagné, c'est parce que c'est du côté du PS que ça s'est effondré", a-t-il ajouté, attribuant les réussites socialistes à la "prime au sortant" qui a bénéficié aussi à la droite.
Retour à la case départ, donc, pour le PS et EELV. La candidature commune de la gauche non-mélenchoniste, ce n’est pas pour tout de suite.