"Pour son plaisir personnel" : cette exigence malsaine de Benoît Jacquot avec Vahina Giocante
Une survivante. Dès sa plus tendre enfance, Vahina Giocante a été victime de la violence des hommes. Cela a commencé avecson père, qui a abusé d’elle dès ses cinq ans et contre qui elle a déposé plainte à l’âge de 17 ans. Un inceste qui a forcément laissé des traces. Des séquelles. A l’instar de ce corps qu’elle a tant de mal à aimer. "Ce corps a accumulé des mémoires de honte, de culpabilité, de plaisir qui n’était pas à sa place, de charge émotionnelle très lourde, de la responsabilité de briser une famille, d’être rejetée… Tout cela est imprimé dans les cellules", confirme-t-elle dans les colonnes de Paris Match ce jeudi 21 mars.
Un corps qui a continué d’être objectivé dans son métie r. "On a sexualisé mon image à l’écran très jeune", déplore-t-elle. C’est le cas par exemple de Benoît Jacquot. Le réalisateur a usé de son pouvoir pour mettre sous son emprise de jeunes actrices, dont Judith Godrèche, Julia Roy etIsild Le Besco. Vahina Giocante, elle, a réussi à s’opposer à cet homme. C’était sur le tournage de Pas de scandale.
La réaction de Vahina Giocante face à Benoît Jacquot
Le cinéaste a alors exigé qu’elle soit nue sous son t-shirt. "Une exigence absurde puisque le public n’en saura jamais rien. C’était pour son plaisir personnel", s’énerve-t-elle. Et d’expliquer : "J’avais 17 ans et j’étais en train de porter plainte contre mon père. Je n’étais donc pas dans un état d’esprit victimaire, et encore moins focalisée sur un plan de carrière (que je n’ai jamais eu). Alors quand Benoît Jacquot me dit : ‘Si tu es gentille, tu feras mon prochain film’, je n’ai pas de mal à lui répondre : ‘Je ne suis pas une ‘gentille fille’, ça tombe mal.’"
Elle qui venait "d’envoyer son père en taule" était plus forte que jamais. "Tous ces hommes qui, ensuite, ont essayé de m’atteindre ou de me mettre à terre ont échoué", lâche-t-elle. Et des anecdotes du genre qui font froid dans le dos, Vahina Giocante en a pléthore. Pour autant, elle ne souhaite pas forcément nommer ces hommes. "Je ne pointe pas tant des individus qu’un système dans lequel tout le monde, moi compris, a sa part de responsabilité. J’ai tourné trois fois avec Gérard Depardieu que j’ai vu faire des choses, et je suis restée silencieuse", confie-t-elle.
Vahina Giocante dénonce un métier qui est "la porte ouverte à tous les abus"
Et puis, elle ne veut pas non plus "mettre tous les réalisateurs dans le même panier". Néanmoins, elle reconnaît que ce métier est " la porte ouverte à tous les abus ". "C’est quand même le seul métier où votre supérieur hiérarchique peut vous demander de simuler un acte sexuel ou de vous mettre nue", souligne-t-elle. Alors, certes, "on est dans une période polarisante, clivante, où il y a autant d’agitation que de confusion parce qu’une immense colère doit sortir et s’exprimer". Mais c’est également une "purge bénéfique et juste", un "processus de guérison collective".
Et il suffirait de peu pour qu’un pas immense soit fait. "À ce jour, pas un homme mis en cause n’a présenté ses excuses. Si seulement un ou deux assumaient leur part de responsabilité et présentaient des excuses, il y aurait un début d’apaisement. Au lieu de quoi, on considère celles et ceux qui parlent (car il y a également des hommes parmi les victimes) comme assoiffés de notoriété. Qu’on me cite une seule plaignante qui a vu sa carrière décoller… Elles sont au contraire traînées dans la boue, méprisées, traitées d’affabulatrices", déplore Vahina Giocante, à juste titre.