"On voit les corps qui sortent des roues" : au procès de l'attentat de Nice, deux policiers qui ont poursuivi le camion décrivent l'horreur de cette soirée
Magali et Clément, deux policiers qui ont intercepté le terroriste le 14 juillet 2016, sont venus témoigner à la barre. Ils ont été profondément marqués par cette soirée, entre horreur et sentiment d'impuissance.
Les deux policiers nationaux sont encore éprouvés mardi 18 octobre au matin quand ils se présentent à la barre. La voix de Magali se brise dès ses premiers mots. En 2016, cette gardienne de la paix avait 33 ans. Onze ans de métier. Clément, lui, était un bébé, comme il dit, 22 ans à l'époque, et six mois seulement de terrain comme agent de sécurité contractuel. Il est aujourd'hui désormais gardien de la paix.
Le 14 juillet 2016, tous les deux sont dans le même équipage. Un équipage de trois policiers sur la Promenade des Anglais. Ils racontent l'un après l'autre ce qu'il s'est passé ce soir-là. Juste après le feu d'artifice, Clément entend un message hachuré sur sa radio. Un camion a franchi un barrage dit ce message. Un message qui n'arrive pas à Magali, car sa radio est en panne. Elle ne voit que le mouvement de foule, les gens paniqués qui courent et s'échappent. Les policiers, eux, partent vers la promenade des Anglais et la remontent en sens inverse. Ce soir-là, 86 personnes sont mortes lors de l'attentat et des centaines d'autres ont été blessées.
L'impuissance après l'attaque
Le camion arrive par leur droite. Magali mime le geste du conducteur. Il prend une arme et leur tire dessus. Clément se souvient de la vitre qui se brise et des étincelles. À ce moment-là, les agents restent pétrifiés, figés. Puis ils s'élancent derrière le camion. "On voit les gens, les corps qui sortent des roues, qui se font projetés", raconte la policière en essuyant ses larmes. Quand le camion s'arrête, Magali arrive à la cabine. Elle tire sur le terroriste.
Après cette fusillade, chacun des agents va au secours des victimes avec un sentiment d'impuissance décrit par Magali et Clément. Lui se livre mardi matin : "J'ai tenu des personnes en joue avec mon arme. Je leur hurlais de dégager avec une rage folle". Ils craignaient en effet que des terroristes surgissent d'ailleurs sur la promenade. À la barre, le policier demande pardon à cette personne qu'il a pointé avec son arme. Des gens qui cherchaient sans doute leurs proches et qui se sont retrouvés face à un policier qui les menace.
Un dispositif de sécurité "habituel" mais "trop léger"
"Ce dispositif de sécurité vous semblait-il habituel et suffisant ?", demande le président à Magali, la plus expérimentée des deux en 2016. "C'était tout le temps comme ça", répond la gardienne de la paix. Ce n'était pas la première fois qu'elle participait à la sécurisation du 14 juillet, et c'était, selon elle, tout le temps le même dispositif, avec cinq équipages de police nationale. Sur l'Euro de football juste avant, il y avait pourtant une grosse tension, un gros dispositif pour éviter justement un attentat. Après la compétition, "ça a été un gros soulagement", explique-t-elle. Pour le 14 juillet, "finalement, quand on voit le résultat, évidemment, on se dit que c'était trop léger", regrette la policière.
Le président l'interroge sur sa formation reçue après les attentats en 2015. "On a fait des exercices, par exemple en intérieur type Bataclan", explique Magali. "Pour arrêter un camion, on peut faire toutes les formations qu'on veut, ça ne changera rien", poursuit-elle. Les deux policiers reviennent aussi sur le problème avec les radios défaillantes que racontait Magali, "un problème récurrent", selon elle. Elle l'avait d'ailleurs signalé, ça l'avait énervé vu les conséquences, dit-elle encore. Les radios à Nice ont été changées ensuite. Clément, au contraire, garde toujours de l'aigreur à ce sujet. Il est depuis venu à Paris et dans son service de police judiciaire aujourd'hui, il a encore ces mêmes radios avec des pannes.