news-details
Insolite et Faits divers

Procès de l'attentat de Nice : "Nous devons comprendre", témoigne Hager Ben Aouissi, rescapée qui a sauvé sa fille ce jour-là

Procès de l'attentat de Nice : "Nous devons comprendre", témoigne Hager Ben Aouissi, rescapée qui a sauvé sa fille ce jour-là Le 14 juillet 2016, Hager Ben Aouissi s'est jetée sous les roues du camion en protégeant sa fille. Miraculée de l'attentat, cette maman raconte sur franceinfo ses souvenirs de cette terrible soirée et ses attentes placés dans le procès qui s'ouvre ce lundi 5 septembre. Hager Ben Aouissi se trouvait au stand bonbons avec sa fille de 4 ans, Kenza, le 14 juillet 2016, sur la Promenade des Anglais, à Nice, quand elle a vu "le camion monter sur le trottoir". Ce jour-là, elle décide de sauter entre les roues pour "protéger sa fille", avec "son corps". Rescapée de l’attentat, présidente de l’association "Une voie des Enfants", elle s'est confiée à franceinfo lundi 5 septembre, jour de l'ouverture du procès de l'attentat de Nice devant la cour d'assises spéciale de Paris. >> Procès de l'attentat du 14-Juillet à Nice : les chiffres-clés de cette audience hors normes franceinfo : Quel est votre souvenir de cette soirée du 14 juillet 2016 ? Hager Ben Aouissi : On était comme des milliers de personnes sur cette Promenade des Anglais pour fêter la fête de la liberté de la France, en famille, avec mes parents, ma sœur, ma nièce et ma fille Kenza. C'est Kenza qui m'alerte. Elle me dit, maman, il y a un camion. À ce moment, je comprends qu'il se passe quelque chose de grave. Je suis au stand des bonbons. Je me retourne, je vois que le camion monte sur le trottoir, le temps que je me retourne, je comprends qu'il percute des gens, et qu'il nous fonce dedans. Sur le moment, je pense d'abord que c'est quelqu'un qui a perdu ses freins et puis je comprends qu'il rentre dans tout le monde. Je me dis, ma fille va mourir broyée sous mes yeux. A ce moment-là vous décidez de la protéger, et de sauter entre les roues du camion ? Je ne peux pas courir, je n'ai pas le temps, je veux protéger ma fille, je me dis que je vais la protéger avec mon corps, que je vais essayer de passer sous le camion. Je me dis que je suis peut être bien placée et que je peux passer entre les deux roues. Je me couche rapidement sur Kenza. Puis d'un coup, je vois un peu de lumière, le camion est devant moi, il me dépasse. Vous comprenez que c'est un attentat quand vous vous relevez après le passage du camion ? J'ai mis du temps à me relever. J'ai été un peu sonnée et blessée. Mais quand je me relève, ça tire de partout. Là, je comprends que c'est un attentat. Même ceux qui tirent, pour moi, ce sont des terroristes, sur le moment, je ne sais pas que c'est la police qui tire sur le conducteur du camion. Votre fille, Kenza, avait 4 ans à l'époque, elle en a 10 aujourd'hui. Comment va-t-elle ? Elle va encore très mal. J'ai l'impression que c'est comme si c'était hier dans son esprit. Elle avait 4 ans, elle ne savait pas ce qu'était la mort. Elle a su, elle l'a vu de ses propres yeux. Elle a vu des gens agoniser, mourir, déchiquetés, broyés, sous les roues de ce camion. On n'est pas prêt à ces images. Kenza se rappelle de choses horribles. Parfois, elle fait des crises de reviviscence, elle dit ce qu'elle a vu. Vous dites que votre fille est redevenue un bébé ce jour-là. Que voulez-vous dire ? Le lendemain, après l'hôpital, on était à la cellule psychologique. Elle a rencontré la pédopsychiatre qui la suit encore. La première fois qu'elle a parlé de cela, elle a dit "Maman elle a gagné le camion, elle m'a remise dans son ventre". Elle est restée dans cet état-là de bébé. Elle remet des couches, elle se fait dessus, elle ne se retient plus, elle reprend le biberon, la tétine, elle ne dort plus à part sur moi, alors que c'était un bébé très autonome. >> Procès de l'attentat du 14-Juillet à Nice : un soutien psychologique dédié aux enfants "pour préparer un accompagnement dans la réalité" Elle marchait à 9 mois, elle était propre, ne prenait pas la tétine. Aujourd'hui, elle a un trouble de l'attention énorme. Cela l'impact au niveau de la scolarité. Elle voit une orthophoniste deux fois par semaine depuis. Elle a un sentiment d'insécurité permanent, où qu'elle soit. Elle ne vit plus, elle est dans la survie. Ce procès, 6 ans après, débute sans le terroriste, tué ce soir-là, sans complice direct de l'attentat à la barre. Qu'en attendez-vous ? J'ai plusieurs attentes. Ce procès, tout d'abord, a un devoir envers la mémoire collective. C'est un procès qui est hors norme, d'envergure internationale. Ensuite, il est question de justice. La justice de la République a un rôle à jouer, elle doit nommer les choses et - par l'enquête - déterminer la culpabilité des accusés. Oui, le terroriste est mort, mais nous devons comprendre comment il a préparé ça et avec qui. On attend que la justice se fasse. C'est une étape importante pour nous, les victimes, dans notre chemin de reconstruction. C'est une clé pour pouvoir avancer. Enfin, ce procès doit permettre aux victimes de libérer leur parole.

You can share this post!