"On nous a volé la vie de nos enfants, on essaie de voler notre procès" : à la barre, les larmes et la colère des familles de l'accident de Millas
"On nous a volé la vie de nos enfants, on essaie de voler notre procès" : à la barre, les larmes et la colère des familles de l'accident de Millas
Le tribunal de Marseille a entendu, mercredi, les parents des enfants disparus dans le drame de Millas, qui se poursuit malgré l'hospitalisation de la prévenue. Cette collision entre un car scolaire et un train dans les Pyrénées-Orientales avait fait six morts en 2017.
Beaucoup de larmes ont été versées dans la salle d’audience du tribunal correctionnel de Marseille. La parole est aux familles des victimes ce mercredi 28 septembre, au procès du drame de Millas, cette collision entre un train et un car scolaire qui a fait six morts en 2017. La prévenue – la conductrice du car, Nadine Oliveira, jugée pour homicides et blessures involontaires – est toujours hospitalisée après un malaise cardiaque jeudi 22 septembre lors de son audition et toujours absente du procès. Après avoir examiné la personnalité de la conductrice, lundi, le tribunal a entendu les parents des enfants disparus.
Pères, mères, tous ont rendu hommage à leurs enfants disparus. Essoufflé et ému, Fabien, le papa de Loïc, se tient droit, les mains cramponnées à la barre du tribunal. Ce qu’il à dire ne concerne pas directement cette journée terrible du 17 décembre 2017. Mais les dix premiers jours de ce procès. "On reçoit des insultes, des menaces, les enfants rescapés sont accusés de toucher de l'argent de la SNCF", s’insurge cet ancien pompier père de deux autres enfants.
Sur internet, la version de la prévenue est en effet encore très relayée sur les réseaux sociaux. Une version qui affirme que la barrière du passage à niveau était ouverte juste avant la collision avec le train. "Mon rôle aujourd’hui c’est de me battre contre cet acharnement, poursuit ce père en colère. On nous a volé la vie de nos enfants et aujourd’hui on essaie de voler notre procès." La présidente tente de l'interrompre, sans réussite.
"Nous ne vivons plus, nous survivons", résume sa compagne Marjorie. Le prénom de son fils, Loïc, est inscrit en grosses lettres rouges sur son t-shirt noir. Depuis le drame, Marjorie a fondé une association de protection animale et passe son temps avec ses chiens. "Je ne suis plus compatible avec les gens", dit-elle, comme une sentence. Puis la mère de Loïc évoque sa déception liée à l’absence de la prévenue, toujours hospitalisée : "On a attendu quatre ans et demi pour lui parler et aujourd’hui, elle n’est pas assise derrière nous. Je voudrais lui dire : il faut avouer, il faut se libérer. Nous, on a besoin de ça… On a besoin qu’elle dise la vérité."
Les familles de victimes dénoncent un suivi défaillant le soir du drame
Les témoignages de ces parents soulignent aussi les maladresses voire les défaillances du suivi des familles des victimes le soir de l’accident. Les récits de cette soirée atroce sont assez similaires, et le traumatisme toujours important, même cinq ans après les faits. Peu après l’accident, ce jour-là, les photos des jeunes victimes défilent déjà sur les réseaux sociaux. Mais les parents, eux, attendent fébrilement pendant des heures à l’hôpital sans obtenir d'information. "On nous a annoncé la mort de notre enfant tardivement, sans ménagement, sans humanité", explique Sandra, la maman de Teddy dont le visage lumineux apparait sur les écrans de la salle d’audience. Il leur a fallu faire ensuite deux heures de route pour se rendre à Montpellier et retrouver la morgue où les corps ont été transférés. "Je n'ai pu voir mon fils que le lendemain à 15 heures. Puis nous avons repris la voiture en suivant les pompes funèbres pour rapatrier le cercueil", raconte la mère de famille.
Sandra et d’autres parents seront ensuite convoqués au tribunal avant même d'avoir pu enterrer leur enfant : "Tout est allé trop vite, pour les obsèques... Nous n’avons rien décidé." "C’est scandaleux et très difficile à accepter", expliquent la plupart des personnes qui défilent à la barre. "Nous nous sommes sentis coupables et pas victimes", conclut entre deux sanglots le père d’une jeune fille disparue. L'audition des familles des victimes du drame de Millas doit se poursuivre jeudi matin au tribunal correctionnel de Marseille.