Nouvelle loi antiterroriste : "On a le sentiment qu'on légifère à chaque attentat", déplore l'ancien député socialiste Sébastien Pietrasanta
Un projet de loi sur le renseignement et la lutte contre le terrorisme sera présenté mercredi 28 avril en conseil des ministres. Des dispositifs existent déjà, rappelle ce spécialiste du terrorisme.
Un projet de loi sur le renseignement et la lutte contre le terrorisme sera présenté mercredi 28 avril en conseil des ministres, a annoncé au Journal du dimanche, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur. Le projet vise à "pérenniser" des mesures contenues dans la loi antiterroriste de 2017 et la loi renseignement de 2015, moins d'une semaine après l'attaque de Rambouillet.
"On a le sentiment qu'on légifère à chaque attentat", regrette ce dimanche sur franceinfo, Sébastien Pietrasanta, ancien député socialiste, rapporteur d’une commission d’enquête sur les moyens de lutte contre le terrorisme, aujourd’hui consultant spécialisé dans les domaines de l'intelligence économique, de la sécurité et du terrorisme.
franceinfo : Ce texte va reprendre plusieurs mesures d'une proposition de loi qui voulait imposer des mesures de sûreté aux personnes condamnées pour terrorisme après leur sortie de prison. Est-ce nécessaire aujourd'hui ?
Sébastien Pietrasanta : L'enjeu des détenus condamnés pour terrorisme qui sortent de prison est un vrai sujet parce qu'il y a effectivement plusieurs dizaines d'individus qui ont été condamnés pour terrorisme ces dernières années qui sortent chaque année.
Aujourd'hui, on a au total, à peu près 500 détenus condamnés pour terrorisme en prison. On sait que depuis 2016-2017 a été mis en place, au sein de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLA), une cellule spéciale qui a pour objectif de suivre et de préparer la sortie de ces condamnés pour terrorisme avec le service de renseignement pénitentiaire et avec la DGCIS, la Direction générale de la sécurité intérieure. Ils ont pour objectif de préparer cette sortie à la fois en milieu carcéral et de suivre évidemment les individus qui ont été condamnés et qui ont purgé leur peine. Donc, légiférer pour légiférer, je ne vois pas où est le sens de cette loi, sachant que des dispositifs existent et sont importants et qu'ils sont renforcés.
Pour les condamnés pour terrorisme, qui sortent de prison par exemple, il y a déjà des dispositifs. Mais il ne faut évidemment pas être naïf. Rappelons que, par exemple, la pose de bracelet électronique n'a jamais empêché le passage à l'acte. Souvenons-nous de ce qui s'est passé en juillet 2007 à Rouvray où le père Hamel avait été tuépar quelqu'un qui portait déjà un bracelet électronique. Méfions-nous des réponses toutes faites et des réponses qui ne sont pas vraiment des solutions en matière de lutte contre le terrorisme.
Sur la surveillance numérique par l'Etat, Gérald Darmanin affirme que toutes les grandes entreprises en utilisent et qu'il ne voit pas pourquoi l'Etat ne pourrait pas le faire. Vous êtes d'accord ?
Honnêtement, je suis un peu surpris par ce genre de propos. En réalité, les services de renseignement utilisent déjà des algorithmes et surveillent ce qui se dit sur la Toile. Et notamment la Loi sur le renseignement de 2015 a permis de donner les moyens techniques et juridiques aux services de renseignement pour établir ce genre de choses.
La prise en charge des détenus radicalisés est-elle aujourd'hui satisfaisante ?
Clairement non. Il y a quatre quartiers d'évaluation de la radicalisation qui concernent uniquement les condamnés pour terrorisme. On oublie qu'il y a à peu près 1 000 individus de droit commun qui sont répertoriés comme radicalisés islamistes. Et donc, eux, ils passent un peu en dessous des radars. En tout cas, ils ne sont pas suffisamment pris en charge parce qu'on n'a pas de quartiers d'évaluation de la radicalisation. Enfin, dernière chose, le renseignement pénitentiaire n'est pas suffisamment doté en termes de moyens humains et de moyens techniques et financiers, ce qui ne permet pas d'être suffisamment efficace.