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Malgré les pressions sur sa droite, Emmanuel Macron résiste à décréter l’état d’urgence

MORT DE NAHEL Le président de la République a annoncé vendredi, lors d’une cellule interministérielle de crise, le déploiement de "moyens supplémentaires". Mais il n’a pas accédé aux appels de la droite et de l’extrême droite, qui réclament depuis deux jours l’instauration de l’état d’urgence. La Première ministre Élisabeth Borne, le président de la République Emmanuel Macron et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, le 30 juin 2023, dans la cellule interministérielle de crise du ministère de l'Intérieur. Emmanuel Macron se donne encore un peu de temps : le chef de l’État a annoncé, vendredi 30 juin, à l’issue d’une deuxième cellule interministérielle de crise en deux jours, le déploiement de "moyens supplémentaires" pour tenter de mettre fin aux émeutes qui secouent la France depuis trois nuits, mais se refuse toujours à décréter l’état d’urgence. Bâtiments publics dégradés, magasins pillés, véhicules incendiés... De nombreuses villes de la région parisienne et de province se sont réveillées vendredi matin avec les stigmates d'une nouvelle nuit de violences. Les forces de l'ordre ont procédé à 875 interpellations dans la nuit de jeudi à vendredi, Gérald Darmanin évoquant dans un tweet "une rare violence". Côté forces de l'ordre, au total, 249 policiers et gendarmes ont été blessés dans la nuit. Un dispositif massif avait, pourtant, été mis en place pour endiguer une "généralisation" des violences urbaines, avec 40 000 policiers et gendarmes mobilisés, ainsi que des unités d'intervention d'élite comme la Brigade de recherche et d’intervention (BRI), le Raid (police) et le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Insuffisant. Des "moyens supplémentaires" vont donc être déployés par le ministère de l’Intérieur. Mais Emmanuel Macron en appelle également aux parents. "Il est clair que le contexte que nous vivons, on le voit, est la résultante de groupes parfois organisés, violents et équipés, que nous condamnons, que nous appréhendons et qui seront judiciarisés, mais également de beaucoup de jeunes. Un tiers des interpellés de la dernière nuit (jeudi à vendredi) sont des jeunes, parfois des très jeunes", a observé le chef de l’État. "C'est la responsabilité des parents de les garder au domicile. Donc il est important pour la quiétude de tous que la responsabilité parentale puisse clairement s'exercer. (...) La République n'a pas vocation à se substituer à eux". Le président de la République a également dit attendre un "esprit de responsabilité" des grandes plateformes des réseaux sociaux, citant notamment Snapchat et TikTok où s'organisent "des rassemblements violents" et qui suscitent "aussi une forme de mimétisme de la violence, ce qui conduit chez les plus jeunes à une forme de sortie du réel". "Nous prendrons dans les prochaines heures plusieurs dispositions (...) d'abord en lien avec ces plateformes, d'organiser le retrait des contenus les plus sensibles", a-t-il annoncé. Comparaisons avec les émeutes de 2005 Depuis les premières violences qui ont suivi la mort de Nahel, tué par un policier, le 27 juin, pour un refus d’obtempérer, les comparaisons avec les émeutes de l’automne 2005 sont dans tous les esprits. À l’époque, le président Jacques Chirac avait attendu douze nuits de violences pour instaurer l’état d’urgence. Concrètement, l’état d’urgence, qui n’a été instauré que sept fois – en comptant l'état d'urgence sanitaire de 2020 pour faire face au Covid-19 – dans l’histoire de la Ve République, est un régime d’exception qui permet de renforcer les pouvoirs des autorités civiles et de restreindre certaines libertés publiques ou individuelles. Il permet notamment d’interdire les manifestations et les rassemblements de personnes dans la rue, la mise en place de périmètres de protection pour assurer la sécurité d’un lieu, l’interdiction de certaines réunions publiques ou la fermeture de lieux publics ou de lieux de culte ou encore des assignations à résidence. D’une durée initiale de douze jours, l’état d’urgence peut par la suite être prolongé par le Parlement. En 2005, il avait notamment permis l’instauration de couvre-feux et l’interdiction des rassemblements. Il avait tout de même fallu attendre dix jours de plus pour que cessent les émeutes. Convaincues qu’il s’agit de l’unique façon de répondre à cette crise, la droite et l’extrême droite multiplient les appels à l’instauration de l’état d’urgence et rivalisent dans la surenchère sécuritaire. "Nous demandons l'instauration de couvre-feu d'abord, et puis de l'état d'urgence et la mobilisation de tous les moyens de sécurité dans notre pays", a déclaré vendredi matin le député du Rassemblement national (RN) et vice-président de l'Assemblée nationale, Sébastien Chenu. L’état d’urgence serait "un aveu d’échec" Un durcissement de ton notable, puisque jeudi encore, le vice-président du RN Jordan Bardella préférait botter en touche, estimant certes qu'il ne fallait "rien exclure", mais qu'il n'avait "pas les informations dont dispose Gérald Darmanin". De leur côté, Les Républicains (LR) ainsi que Reconquête n’avaient pas perdu de temps. Le président de LR, Éric Ciotti, avait réclamé dès jeudi que cet état d'urgence soit imposé "sans délai" et "partout où des incidents ont éclaté". Un cran plus haut dans l'indignation, le président de Reconquête, Éric Zemmour, premier à plaider pour l'état d'urgence, a appelé vendredi à une "répression féroce" contre les auteurs des violences, décrites comme les prémices d'une "guerre civile", évoquant une "guerre ethnique" ou "raciale". Mais Emmanuel Macron écarte pour le moment toute thérapie de choc. Surtout, il tente de prendre le contrepied de ce qui avait été fait en 2005. Contrairement aux membres du gouvernement de Dominique de Villepin – en particulier du ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy – qui avaient multiplié les déclarations incendiaires attisant la colère, Emmanuel Macron poursuit une stratégie qui entend mêler apaisement et fermeté. "Les mots du gouvernement, les mots du président de la République, les mots de la Première ministre sont des mots justes, de solidarité envers cette famille, de justice qui passe et qui passe vite. Donc l’histoire ne bredouille pas. Je suis fier des mots employés par le président de la République", a ainsi estimé, vendredi matin sur France Inter, le ministre du Logement, Olivier Klein, pour qui l’état d’urgence serait "un aveu d’échec".

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