Le spectre de la désunion plane sur la rentrée politique des partis de la Nupes
POLITIQUE FRANÇAISE
Les partis membres de la Nupes organisent chacun de leur côté leur propre université d’été après une saison estivale marquée par les tensions au sein de la coalition de gauche. Les insoumis reprochent notamment à leurs partenaires de faire bande à part aux élections sénatoriales de septembre et aux européennes du printemps 2024.
"Un nouveau souffle pour la Nupes !" : l’intitulé de cette conférence, organisée samedi 26 août à l'université d'été de La France insoumise (LFI), à Châteauneuf-sur-Isère, se veut volontairement optimiste. Toute la Nupes y sera représentée : outre Aurélie Trouvé pour LFI, seront présents Sandrine Rousseau pour Europe Écologie-Les Verts (EELV), Jérôme Guedj pour le Parti socialiste (PS), Elsa Faucillon pour le Parti communiste (PCF) et Benjamin Lucas pour Génération.s. Les cinq députés débattront de l’avenir de la coalition de gauche née au lendemain de l’élection présidentielle 2022 et qui a permis l’élection de 151 députés à l’Assemblée nationale.
Et si chaque parti composant la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), à l’occasion de sa rentrée politique, a pris soin d’inviter, à l’image de La France insoumise, des représentants de ses partenaires, c’est bien la désunion qui menace la Nupes.
Les socialistes à Blois, les écologistes au Havre, les communistes à Strasbourg et les insoumis près de Valence : chacun lance de son côté, mais en même temps, cette nouvelle année politique après un été marqué par de nouvelles tensions, dont un échange d’invectives sur X (ex-Twitter) entre l’ancien candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon et le patron du PS Olivier Faure.
Ce dernier, qui commentait le soutien de Nicolas Sarkozy au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, a posté le 17 août : "Les hostilités à droite ne font que commencer. À la gauche et aux écologistes de ne pas tomber dans la spirale mortifère de la division".
"Incorrigible double langage ! Faire l'union en se divisant aux élections sénatoriales et européennes ?", lui a rapidement répondu Jean-Luc Mélenchon, avant qu’Olivier Faure ne réagisse à son tour. "Cher JLM, j'ai toujours le même tél et t'ai récemment envoyé un message t'invitant à échanger. On se voit si tu veux. On peut ne pas partager les mêmes analyses sans avoir besoin de s'invectiver sur Twitter, pour le plus grand plaisir de la droite et le désespoir de la gauche."
"Olivier Faure, je ne t'invective pas, au contraire de tes amis qui nous ont expulsés des listes aux sénatoriales et se préparent à en faire autant aux européennes et aux municipales. Si tu veux revenir sur ces choix sectaires adresse toi aux responsables de la FI : Bompard, Panot, Aubry. Moi, je donne mon avis", a poursuivi le leader "en retrait mais pas à la retraite" de La France insoumise.
Accusation de "double langage"
Socialistes, communistes et écologistes ont trouvé un accord partiel dans plusieurs départements en vue des élections sénatoriales du 24 septembre, sans inclure les insoumis, qui ne disposent à l’heure actuelle d’aucun sénateur.
Et alors que LFI plaide depuis de nombreux mois pour une liste unique de la Nupes aux élections européennes en 2024, ses partenaires préfèrent s’y présenter chacun de leur côté. Les écologistes et les communistes ont d’ailleurs déjà présenté leur future tête de liste, tandis que les socialistes voteront fin septembre pour approuver une liste autonome.
"Mon sentiment, c’est qu’il y a un double langage chez nos alliés, avec des discours unitaires mais des actes qui ne le sont pas. Au moment où ils parlent d’union, les mêmes organisent sciemment la désunion", abonde le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, dans un entretien avec Libération publié le 20 août, faisant valoir que tous les sondages indiquent qu’une liste unique de la gauche arriverait en tête des européennes.
Écologistes, socialistes et communistes font valoir quant à eux que les divergences sur l’Europe entre alliés de la Nupes sont trop importantes pour faire liste commune et que les sondages montrent également que des listes séparées permettraient, à défaut d’arriver devant le Rassemblement national et Renaissance, de gagner davantage de sièges d’eurodéputés.
À ces divergences de vue, la polémique à propos du rappeur Médine est venue souligner les tensions et les divisions qui minent le rassemblement de la gauche depuis des mois. Invité des universités d’été d’Europe Écologie-Les Verts, jeudi, et de La France insoumise, samedi, le rappeur a déclenché une polémique en répondant par un tweet jugé antisémite à des attaques personnelles de l’essayiste Rachel Khan, juive et petite-fille de déportés qualifiée de "resKHANpée".
Le parti écologiste s’est divisé sur l’opportunité d’accueillir et de débattre avec Médine, quand Jean-Luc Mélenchon a donné le ton côté LFI, jugeant que "Médine n'est pas raciste" et que les Verts sont "soumis au qu'en-dira-t-on des hypocrites", tandis que Manuel Bompard dénonçait des écologistes qui "cèdent à une campagne orchestrée par l'extrême droite et reprise par la macronie".
"Le chemin de crête pour gagner en 2027 existe"
Les dissonances ne sont pas nouvelles à la Nupes. La stratégie insoumise d’obstruction dans la bataille des retraites à l’Assemblée nationale avait été critiquée par les partenaires de LFI, tout comme le refus, à commencer par celui de Jean-Luc Mélenchon, d’appeler au calme durant les émeutes urbaines ayant suivi la mort de Nahel.
Le clivage sur la police n’est d’ailleurs pas résolu. LFI et EELV organisent le 23 septembre une marche "contre les violences policières" et la loi surnommée par les insoumis "permis de tuer" accordée aux policiers en 2017 par le Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve. Ni le PS ni le PCF n’ont souhaité s’associer à cette manifestation.
Pour autant, les dirigeants des partis de la Nupes assurent que l’union survivra aux tensions actuelles et que l’objectif d’un candidat commun de la gauche à la présidentielle 2027 reste d’actualité.
Olivier Faure promet, dans un entretien publié jeudi dans Libération, de faire "tout ce qui est en (s)on pouvoir pour maintenir le cap du rassemblement de la gauche et des écologistes". "C'est un impératif si nous voulons gouverner demain. Le rassemblement pour 2027 n'est pas une option mais une obligation", martèle-t-il.
"Le travail commun que nous menons est un bien précieux", a déclaré le même jour la patronne des Verts, Marine Tondelier, en ouverture des journées d'EELV au Havre, estimant que "le chemin de crête pour gagner en 2027 existe", à condition de "renforcer" la coalition des partis de gauche.
Les futures batailles parlementaires contre le gouvernement, notamment sur le budget 2024 ou la future loi Immigration, devraient y contribuer. Un séminaire de rentrée des députés de la Nupes est d’ailleurs programmé le 18 septembre à Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne.