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Digital World

Le metavers, pas encore lancé, déjà sombre

Meta, la maison mère de Facebook, achèvera cet été l’assemblage de l’un des supercalculateurs les plus puissants au monde, indispensable pour faire tourner le metavers, cet univers virtuel présenté par Mark Zuckerberg comme l’avenir de l’Internet. Mais ce monde immersif, partiellement accessible, révèle déjà son côté obscur. 60 secondes. Il a suffi de 60 secondes dans le metavers pour que la visite de Nina Jane Patel, comme elle l’écrit, tourne au cauchemar surréaliste. Cette Londonienne, spécialiste de la réalité virtuelle, venait d’entrer dans le monde virtuel de Meta (le nouveau nom du groupe Facebook) pour réaliser des tests. À peine a-t-elle eu le temps d’ajuster son casque VR qui ressemble à un gros masque de ski, et de positionner ses mains autour des manettes, que 3 ou 4 inconnus – 3 ou 4 avatars masculins, des personnages virtuels correspondant à de vrais utilisateurs comme elle – lui sont littéralement tombés dessus : une agression verbale et physique, virtuelle mais tellement réelle, qu’elle qualifie de “viol collectif“. Elle a même été prise en photo, en partie dénudée, par ses agresseurs alors qu’elle essayait de leur échapper. Bulle de protection activée par défaut Le seul moyen de s’en sortir pour Nina, c’était d’éteindre son casque et de le retirer. Ce témoignage (précisons quand même qu’il est invérifiable en l’absence de témoins) fait froid dans le dos, alors que le metavers n’est accessible qu’à une poignée d’utilisateurs. Quand on sait que la réalité virtuelle a été précisément conçue pour que l’esprit et le corps ne puissent plus faire la différence entre ce qui se passe dans le monde réel et dans les univers virtuels, on mesure le traumatisme de cette femme, tellement prise au dépourvu qu’elle n’a pas pu se mettre en sécurité. En effet, il existe un moyen de se protéger dans le metavers de Meta baptisé Horizon. C’est là que se trouvait Nina Jane Patel quand elle a été agressée mais elle n’a pas été en mesure d’activer ce dispositif de sécurité. Depuis son agression, la règle a changé. Oculus, le fabricant de casques de réalité virtuelle dont Facebook a fait l'acquisition en 2014 et qui donne accès à Horizon, l'a annoncé le 4 février : cette bulle individuelle qui maintient 2 avatars à 1m30 minimum, l’un de l’autre, est désormais activée par défaut, pour protéger les participants mais aussi pour éviter à Facebook qui n’en a pas besoin en ce moment, un autre très mauvais buzz. Au-delà de l’intérêt immédiat du groupe de Mark Zuckerberg, il existe évidemment un enjeu à bien plus long terme : éviter que le métavers ne devienne une zone de non-droit, c’est l’une des conditions de son succès futur. Et c’est aussi le risque mis en évidence par l’agression de Nina Jane Patel. Un nouveau cyber-terrorisme ? Le metavers risque d’attirer tous ceux qui cherchent à tirer profit de la discrétion qu’il offre pour prospérer illégalement. Dans le metavers, vous pouvez changer de nom, de sexe, d’apparence : le rêve pour les trafiquants et blanchisseurs d’argent. Pour les terroristes, le metavers pourrait aussi devenir à la fois une plateforme de recrutement et d’entraînement, mais aussi une cible et donc, le nouveau terrain d’expression d’un cyberterrorisme réinventé. Heureusement, tout n’est pas sombre dans cet embryon de metavers. Le 6 février 2022, un couple d’Indiens s’est marié virtuellement devant une foule d’avatars constitués de leurs proches et de leurs amis : les 2.000 invités n’auraient pas pu assister à la fête physiquement, à cause des restrictions liées au Covid-19, qui a fait déjà plus de 500.000 morts dans le pays. Pour les amateurs de musique, Foo Fighters donnera un concert gratuit en réalité virtuelle, sur Horizon Venues, la nuit prochaine (dimanche 13 - lundi 14 février 2022) à 4h du matin (heure de Paris). Et donc, n’enterrons pas le métavers trop vite. Selon Meta qui souhaite pourtant aller très vite, il pourrait s’écouler 15 ans avant qu’il n’arrive à maturité.

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