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Le maire de Marseille dénonce une justice "sous-dotée" pour lutter contre le trafic de drogue

Un officier de police prend part à une opération anti-drogues dans la cité des Oliviers, à Marseille. Alors que trois personnes sont mortes dans la nuit de samedi à dimanche au cours de règlements de comptes sur fond de trafic de stupéfiants à Marseille, le maire de la ville, Benoît Payan, réclame "un parquet spécial". Les magistrats, quant à eux, dénoncent une "justice à l'asphyxie". Alors que Marseille connaît depuis la fin du mois de juin une recrudescence des violences liées au trafic de stupéfiants, le maire socialiste de la ville, Benoît Payan, a réclamé, lundi 23 août, sur Franceinfo, la création d'un "parquet spécial pour lutter contre les trafics de drogue" dans la cité phocéenne.  "Il faut que l’État, et je pense qu’il en a conscience, prenne la mesure de ce qui est en train de se passer", a insisté le maire socialiste. "On ne parle pas de 2-3 adolescents qui courent avec des barrettes de shit dans les poches. On a affaire à un crime organisé de niveau international. On parle de trafics qui génèrent des millions d'euros de revenus tous les mois." "La procureure de la République fait ce qu'elle peut, mais elle n'a pas les moyens de taper fort. La justice est sous-dotée. On ne lutte pas contre des trafics de cette dimension avec des moyens qui ne sont pas à la hauteur", a-t-il poursuivi. Au total, la police judiciaire a dénombré 15 décès liés au trafic de stupéfiants depuis le début de l'année. Dans la nuit du samedi 21 au dimanche 22 août, deux personnes ont été tuées au cours d'une fusillade dans la cité de la Marine bleue, l'une des plus paupérisées de la ville. Quelques heures plus tard, un troisième individu était enlevé puis brûlé vif dans sa voiture.  Ces deux nouveaux règlements de compte sont intervenus trois jours seulement après la mort d'un adolescent de 14 ans, tué par balles alors qu'il se trouvait sur un point de guet à l'entrée de la cité où il vivait, dans les quartiers nord de la ville. Deux autres jeunes, un adolescent du même âge et un enfant de 8 ans, ont aussi été blessés. L'affaire a provoqué une onde de choc dans la ville. "Je ne vais pas rester les bras ballants, regarder les balles passer et compter les morts tous les jours", a encore martelé l'édile. "Il faut s'attaquer à la racine des trafics. Il faut taper là où ça fait mal, c'est-à-dire avec l'argent et avec les armes." Un tribunal au bord de l'asphyxie Cette demande de Benoît Payan intervient alors que les magistrats de la ville tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs mois sur la situation au tribunal judiciaire de Marseille, le troisième de France après Paris et Bobigny.  En mars 2021, son président, Olivier Leurent, dénonçait auprès du journal Le Monde, un manque de moyens criant de l'institution, aussi bien en matière d'effectifs, que de matériel ou de salles d'audience disponibles.  Pour cause, le tribunal de Marseille, ville souvent surnommée "la Bobigny du Sud" dans le monde judiciaire en raison de la masse d’affaires et de la pauvreté de sa population, doit s'occuper de dossiers venant de tout l'arc méditerranéen, soit 22 départements.  Et contrairement à Bobigny, la juridiction a aussi des compétences élargies. Elle dispose ainsi déjà d'un pôle chargé de la lutte contre la criminalité organisée, mais celui-ci voit arriver des dossiers venant de plusieurs cours d'appel, comme Perpignan, Aix-en-Provence, ou encore de Corse. Si le ministère de l'Intérieur avait fait le choix de renforcer les effectifs de police engagés dans la lutte contre le trafic de drogue dans la cité phocéenne, les quatre magistrats qui sont affectés à ce pôle ne suffisent pas à traiter tous les dossiers. Et faute d'espaces disponibles, certaines affaires doivent attendre des années avant un procès.  Par ailleurs, cette juridiction spécialisée ne prend en charge que les affaires de grande ampleur. La majorité des homicides sont traités par le parquet classique. Et là aussi, les affaires se bousculent.  Pour Nathalie Roche, juge d’instruction et co-déléguée de la section du Syndicat de la magistrature de Marseille, la mise en place d'un parquet spécialisé, comme le propose Benoît Payan, serait ainsi insuffisante. "Un parquet, c'est quelqu'un qui poursuit. Quand on a poursuivi et qu'on doit vraiment faire face à des trafics internationaux de stupéfiants, des flux financiers importants, on a besoin d'enquêtes, de juges d'instruction. On a besoin d'un tribunal qui puisse accueillir de grandes salles sécurisées avec suffisamment de juges", explique-t-elle, au micro de Franceinfo.  "Il faut plus d'effectifs, plus de personnels, il faut des juges d'instruction, des juges correctionnels, des greffiers, des agents qui sont en capacité de traiter ces procédures. Il faut des locaux parce que le tribunal de Marseille aujourd'hui ne dispose pas de suffisamment de salles pour juger tous les dossiers", résume-t-elle. Face à cette situation, les chefs de la juridiction avaient demandé un audit au ministère de la Justice. Celui-ci devrait rendre ses résultats prochainement. Des salles d'audience supplémentaires ont par ailleurs été promises pour 2022. Les magistrats espèrent désormais voir arriver des effectifs supplémentaires. 

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