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Le "grand remplacement" où la machine à fantasmes de l'extrême droite

Popularisé par l'écrivain Renaud Camus, la théorie du "grand remplacement" est régulièrement convoquée par le candidat à la présidentielle, Eric Zemmour. Pour un candidat à l’élection présidentielle, le choix des mots est rarement anodin. Tout au long de la campagne, France 24 vous explique les raisons ayant poussé un candidat à l’Élysée à prononcer un mot ou une expression. Cette semaine, Éric Zemmour et son leitmotiv du "grand remplacement". Une théorie d'extrême droite sans fondement, mais dont l'usage se répand dans la classe politique.  Difficile d’écouter le candidat d'extrême droite Éric Zemmour sans entendre parler du "grand remplacement." Dans son premier discours de campagne à Villepinte, au début du mois de décembre, l’ancien journaliste s'est dit une nouvelle fois "prêt à prendre les manettes" du pays pour répondre à deux "craintes" qui "hantent les Français" : "celle du grand déclassement avec l'appauvrissement des Français, le déclin de notre puissance et l'effondrement de notre école" et "celle du grand remplacementavec l'islamisation de la France". La théorie du "grand remplacement" remonte au XIXe siècle. On retrouve ses premières traces dans les écrits de l’homme politique nationaliste et auteur français Maurice Barrès. À cette époque, le concept ne vise que les juifs. Après les attentats du 11 septembre 2001, la même théorie ressurgit en prenant cette fois pour cible les musulmans. C’est Renaud Camus qui a popularisé cette notion à travers son opuscule publié en 2011. Condamné en 2014 pour "provocation à la haine et à la violence contre un groupe de personnes en raison de leur religion", l’auteur d’extrême droite a largement décrit ce processus, qui substituerait des Français d'ascendance par une population étrangère venue principalement d'Afrique subsaharienne et du Maghreb. Le "grand remplacement" repose en effet sur l’idée xénophobe que des flux migratoires accrus participeraient au déclin démographique de l'Occident : les arrivées massives d’immigrés ajoutées à leur taux de fécondité plus élevé que celui des Français risqueraient, à terme, de faire des populations blanches et chrétiennes une minorité. Ces dernières se verraient dès lors imposer une culture qui n'est pas la leur.  >>  "Le grand remplacement" : la théorie française qui séduit l'extrême droite mondiale Dans une version plus complotiste, le "grand remplacement" atteste l’idée que les élites du monde entier favoriseraient sciemment une "colonisation" arabo-musulmane de l’Europe. Dans les faits, cette théorie a inspiré le terroriste responsable de l’attentat de Christchurch qui a fait 51 morts, en mars 2019, en Nouvelle-Zélande.  Mais ce concept se heurte aux données démographiques des flux migratoires. Selon l’Insee, quelque 6,8 millions d'immigrés vivaient en France en 2020, soit 10,2 % de la population totale. Sur ces immigrés, seuls 46 % d'entre eux provenaient d'Afrique, le reste étant essentiellement d'origine européenne, asiatique, américaine et d'Océanie. Il s’agit surtout d’une "peur qui échappe à toute argumentation rationnelle", selon François Héran, professeur au Collège de France, dans un article du Monde du 3 novembre.   Fidèle à a son objectif d’expulser deux millions d’étrangers en cinq ans, le candidat du parti Reconquête! fait du "grand remplacement" son thème majeur de campagne et rêve que ce sujet devienne la question centrale de la présidentielle de 2022. Pari en partie réussi puisque Valérie Pécresse a, elle, aussi braconné sur ce terrain cher à l’extrême droite à plusieurs reprises. Dans son meeting du 13 février à Paris, elle a martelé qu’elle ne se résignait "ni au grand remplacement ni au grand déclassement." Malgré ses propos visant à discréditer la théorie dégainée par Éric Zemmour, la candidate n’a recueilli qu’une salve de critiques des observateurs politiques.  "Qui s’attendait à entendre ce bébé Chirac reprendre à son compte le terme de 'grand remplacement' que même Marine Le Pen n’utilise pas parce qu’elle juge qu’il a des relents complotistes ?", commente-t-on dans un édito de Libération publié le 14 février. Une notion décidément explosive. Les autres "Mots de la campagne" sont à retrouver sur ce lien. 

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