La crise du Covid-19, accélérateur des violences anti-LGBT à huis clos
Un passage piéton de Périgueux, en France, aux couleurs du drapeau LGBT pour célébrer la Journée internationale de lutte contre l'homophobie, le 17 mai 2018.
Les violences au sein des familles ont été favorisées par les confinements liés au Covid-19 en France durant l'année 2020. Particulièrement sollicitées, les associations d'aide ont dû reloger en urgence des jeunes jetés à la rue en raison de leur orientation sexuelle.
L’année 2020 en France, marquée par plusieurs confinements dus au Covid-19, a exacerbé les violences anti-LGBT au sein même des familles, selon les associations françaises de défense des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres. “Nous n’avons jamais été autant sollicités pour des agressions intra-familiales”, indique Matthieu Gatipon-Bachette, porte-parole du collectif associatif Inter-LGBT, contacté par France 24. “Pour certains, très jeunes, le coming-out s’est mal passé. Habituellement ils ont une soupape avec l’école, un soutien des amis, mais avec le confinement ils se sont retrouvés seuls face aux violences. D’autres ont été carrément mis à la porte de chez eux par leurs familles”.
Président d’un centre d'accueil des LGBT à Metz, Matthieu Gatipon-Bachette a reçu des sollicitations inédites de la part de jeunes habitants des zones périphériques et périurbaines. Membre de l’association Au-delà du genre, qui accompagne de jeunes transsexuels, Clémence Zamora-Cruz fait le même constat auprès de France 24 : “Durant le confinement, des jeunes ont fait appel à nous pour qu’on fasse de la médiation avec leurs familles et nous avons eu quelques cas d’enfants chassés de chez eux. Nous avons réussi à les mettre à l’abri, mais ça a été très difficile.”
Une baisse des actes anti-LGBT en "trompe l'œil"
Après des années de hausse, les actes anti-LGBT recensés en France ont pourtant baissé de 15 % en 2020, a annoncé, le 12 mai, le ministère de l'Intérieur. Cette baisse marque un coup d'arrêt à l'augmentation continue constatée depuis 2016, lorsque ces chiffres ont commencé à être publiés, et qui avait été particulièrement forte les deux dernières années (36 % en 2019 et 33 % 2018).
Quelque 1 590 victimes de crimes ou délits à caractère homophobe ou transphobe ont été dénombrés en 2020, contre 1 870 en 2019. Selon le ministère, près d'un tiers des victimes a subi des injures "anti-LGBT" (31 %) et un quart des violences physiques non sexuelles (26 %). Parmi les victimes de violences physiques, la moitié (51 %) a eu une incapacité totale de travail (ITT).
Des chiffres “en trompe l'œil" puisqu’ils sont basés sur le nombre de plaintes déposées, préviennent les associations. Le ministère de l'Intérieur lui-même prévient du décalage entre ce bilan et la réalité des agressions anti-LGBT. "Le dépôt de plainte est une démarche très peu effectuée par les victimes", souligne-t-il.
D'après une enquête menée sur la période 2012-2018, "environ 20 % des victimes de menaces ou violences ‘anti-LGBT’ et seulement 5 % des victimes d'injures ‘anti-LGBT’ déclarent avoir porté plainte en moyenne", rappelle le ministère.
"Le confinement a pesé lourdement sur les dépôts de plaintes”, détaille Matthieu Gatipon-Bachette. “La circulation du Covid-19 a dissuadé les gens de se déplacer et de se regrouper or, souvent, les victimes nous sollicitent pour les accompagner dans ce genre de plaintes. Elles préfèrent ne pas y aller seules."
Améliorer la formation des policiers
L’autre difficulté réside dans la formation des policiers “qui ne vont pas toujours retenir la circonstance homophobe de l’agression”, ajoute Matthieu Gatipon-Bachette. Même si le plan gouvernemental 2020-2023 prévoit une série de mesures, comme le développement de la formation continue des référents LGBT+ au sein des commissariats de police et des brigades de gendarmerie pour améliorer l’accueil des victimes. “Elle doit maintenant être déclinée”, insiste Matthieu Gatipon-Bachette.
Sur le terrain, les associations n’ont pas attendu. L'association LGBT+ des agents des ministères de l'Intérieur et de la Justice, Flag, a développé sa propre application, grâce à laquelle les victimes peuvent dans un premier temps signaler anonymement les violences qu'elles subissent au quotidien. “Puis à la fin de chacun des signalements, des contacts étatiques ou associatifs sont préconisés afin que la victime puisse solliciter de l'aide et ne plus être seule, isolée”, précise l’association.
Des violences intra-familiales mais pas de plaintes
D’autres freins sont plus difficiles à lever. “On n’est parfois pas conscient qu’on est victime d’homophobie quand on est traité de ‘tarlouze’ ou de ‘pédé’. Cela demande d’avoir un peu de recul pour s’en rendre compte”, Étienne Deshoulières, avocat de Stop Homophobie, contacté par France 24. L’association, qui a accompagné des procédures judiciaires pour injures homophobes, reçoit environ 2 500 appels chaque année. Un chiffre qui ne faiblit pas.
Lorsque la victime est jeune et qu’elle n’est pas soutenue par sa famille, la démarche est encore plus compliquée. “Quand l’entourage n’est pas au courant, les jeunes ne souhaitent pas que leurs proches sachent que l’agression ou le vol dont ils ont été victimes avait un caractère homophobe”, explique le porte-parole d’Inter-LGBT.
Dans ce contexte, il est encore plus compliqué d’évaluer les violences anti-LGBT au sein même des familles. “Il est extrêmement difficile de dénoncer ses proches”, relève Clémence Zamora-Cruz. Difficiles à quantifier, les violences intra-familiales échappent donc aux chiffres officiels.
Avec AFP