La campagne de vaccination en France à l'épreuve des milliers de créneaux disponibles
Des patients attendent dans un centre de vaccination contre le Covid-19 à Sainte-Geneviève-des-Bois, en région parisienne, le 24 avril 2021.
Quatre mois après la première injection en France, plusieurs centres de vaccination contre le Covid-19 proposent de nombreux créneaux qui peinent à trouver preneurs. Face à ce constat, plusieurs élus et membres de la communauté scientifique appellent à élargir les conditions d'accès à la vaccination. Mais pour l'heure, le gouvernement maintient son cap.
Les chiffres sont impressionnants. À Rouen, en Seine-Maritime, 6 591 créneaux de vaccination contre le Covid-19 étaient disponibles mercredi 28 avril, selon le site Vite ma dose qui recense tous les créneaux libres dans des centres de vaccination ou en pharmacie. À Marseille, le nombre grimpe à 11 700. Plus vertigineux encore, à Lyon, 43 000 rendez-vous sont proposés. Au total, pour cette journée, la plateforme recensait ainsi 273 163 créneaux de vaccination en France.
Alors que le gouvernement veut accélérer sa campagne de vaccination – le pays a dépassé mardi la barre symbolique des 20 millions d'injections – certaines personnes semblent aujourd'hui rechigner à sauter le pas.
Depuis quelques jours, sur les réseaux sociaux, des internautes partagent ainsi des captures d'écran de ces dizaines de créneaux laissés libres. Sous le hashtag #LesJeunesVeulentLeVaccin, plusieurs d'entre eux appellent à assouplir les critères d'accès, pour offrir, notamment aux jeunes volontaires, la possibilité de recevoir leur première dose.
Pour rappel, à ce jour, seules les personnes de plus de 55 ans, les personnes de plus de 50 ans avec une comorbidité et sous présentation d'un justificatif médical, les personnes de tout âge avec une pathologie à haut risque, ainsi que certains professionnels peuvent être vaccinées.
"On a une épidémie qui cause actuellement, en moyenne, 300 morts par jour", rappelle Catherine Hill, épidémiologiste, interrogée par France 24. Et de marteler : "Il faut donc vacciner la population le plus rapidement possible".
"Il était logique, au départ, de vacciner les personnes les plus à risque", poursuit-elle. Mais si, désormais, on a des doses disponibles qui ne sont pas administrées aux personnes prioritaires, alors autant les administrer à des plus jeunes", poursuit-elle.
"Débrider la question de l'âge"
Parmi les centres de vaccination qui peinent à trouver des volontaires : le gigantesque vaccinodrome du Stade de France. Une situation ubuesque, alors que le taux d'incidence en Seine-Saint-Denis est de 550 cas pour 100 000 habitants, selon les données publiées par Santé Publique France.
La population est "plus jeune qu'au niveau national", justifie Stéphane Troussel, président du département. "Avec les vaccinodromes qui se multiplient en Île-de-France et l'attribution de doses supplémentaires, il est urgent d'assumer l'élargissement de la vaccination en particulier aux actifs qui sont en première ligne dans les territoires les plus touchés et les plus jeunes !", a-t-il ainsi affirmé, sur Twitter.
Si sa première adjointe à la Santé, interrogée sur FranceInfo mardi 27 avril, assure que toutes les doses trouvent actuellement preneur, elle concède "mobiliser les listes d'attente de plus en plus souvent", quitte à vacciner des personnes "hors cible."
L'appel de Stéphane Troussel est partagé par la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui souhaite"débrider la question de l'âge". "C'est quand même un scandale que des doses ne soient pas utilisées alors que beaucoup de gens souhaitent se faire vacciner. Il est temps d'être plus souple et pragmatique", a-t-elle déclaré, interrogée sur FranceInfo.
De son côté, Vincent Maréchal, professeur de virologie à l'université Paris-Sorbonne, craint que cette période d'attente ne décourage les jeunes de se faire vacciner l'heure venue. "Nous sommes dans un pays où il existe une vraie défiance vis-à-vis du vaccin", rappelle-t-il auprès de France 24. "Là, nous avons des gens prêts à aller se faire vacciner mais qui ne peuvent pas. Il ne faut pas que dans quelques semaines, cela provoque un flottement avec des gens découragés."
"On sait que vacciner permet de protéger des formes graves du Covid-19", rappelle-t-il. "On a aussi de plus en plus de signes que la vaccination permet de limiter la circulation du virus. Mais pour cela, il faut vacciner massivement", insiste-t-il.
Une réelle pénurie de patients ?
Lors d'une conférence de presse organisée mercredi, le patron de Doctolib, une plateforme de prise de rendez-vous en ligne, Stanislas Niox-Chateau, a cependant tenu à rassurer. "La vaccination contre le Covid-19 ne souffre pas d'un manque de demandes. Tout du moins, dans les centres de vaccination proposant des vaccins Pfizer et Moderna", a-t-il précisé.
Plutôt qu'une pénurie de volontaires, il rappelle ainsi qu'il est "normal" qu'un nombre croissant de rendez-vous soient disponibles chaque jour, le nombre de doses livrées à la France augmentant chaque semaine.
"Tous les jours, Doctolib offre environ 250 000 rendez-vous. Mais tous les jours, ces rendez-vous sont donnés", assure-t-il, précisant que le temps d'attente entre la prise de rendez-vous et l'injection est actuellement, en moyenne, de neuf jours.
Stanislas Niox-Chateau explique cependant ne pas avoir de visibilité sur le profil des personnes qui jouissent des rendez-vous, notamment ceux pris à la dernière minute, pour le jour même. "Doctolib met en relation les individus avec les centres de vaccination, après ce sont eux qui choisissent s'ils acceptent des personnes hors cible ou non."
"Il serait par ailleurs très difficile d'accélérer la vaccination sur Pfizer et Moderna", a-t-il ajouté, mettant en avant les taux d'utilisation très hauts de ces deux vaccins. Selon les chiffres diffusés par la Direction régionale de la Santé, celui de Pfizer était ainsi de 91 %, contre 89 % au 30 mars. Il s'établit à 82 % pour le Moderna, contre 65 % un mois auparavant.
"Les approvisionnements en vaccins s'améliorent de jour en jour", abonde Vincent Maréchal. "Si la demande est là, pourquoi ne pas étendre la vaccination dès à présent ?", questionne-t-il. "Pourquoi ne pas, par exemple, ouvrir la vaccination mais créer un système de coupe-file pour que les personnes prioritaires restent prioritaires."
Rassurer sur le vaccin AstraZeneca
Plutôt que d'élargir la vaccination, Stanislas Niox-Chateau, le patron de Doctolib, rappelle qu'il reste de nombreux créneaux disponibles pour AstraZeneca en ville, chez les médecins et les pharmaciens.
Le vaccin britannique est injecté au rythme de 45 000 doses par jour, quand "on pourrait en faire 100 000 à 150 000", a-t-il estimé, s'appuyant sur les chiffres de la Direction régionale de la Santé. Le 25 avril, le taux d'utilisation du vaccin AstraZeneca, boudé par une partie de la population, s'élevait à 73 %.
Cette marge devrait cependant, selon lui, d'abord servir aux "7 millions de Français de plus de 60 ans qui n'ont toujours pas de rendez-vous".
Olivier Véran a par ailleurs appelé les personnes éligibles à la vaccination "à se précipiter sur leur téléphone ou sur leur ordinateur pour regarder si le centre le plus proche d'eux n'a pas de créneaux."
"Un élargissement de la vaccination" serait "prématuré" à ce stade, a quant à lui répondu Jean Castex à la sortie du Conseil des ministres, mercredi, sans toutefois fermer la porte "à un élargissement des publics" s'il se confirmait qu'un "certain nombre de rendez-vous" disponibles n'étaient "pas honorés".