news-details
Actualités

L'interdiction des manifestations propalestiniennes en France devant le Conseil d'État

Les craintes d'une importation en France du conflit entre Israël et le Hamas justifient-elles d'entraver la liberté fondamentale de manifester ? La plus haute juridiction administrative en France doit se prononcer mardi, en pleine polémique sur l'interdiction générale des rassemblements propalestiniens. Une manifestation propalestinienne interdite à la place de la République à Paris, le 12 octobre 2023. La liberté de manifester en France devant le Conseil d'État. La plus haute juridiction administrative doit se prononcer, mardi 17 octobre, sur l'interdiction générale des rassemblements propalestiniens décidée par Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur a annoncé jeudi cette interdiction, estimant qu'elles "sont susceptibles de générer des troubles à l'ordre public". Avec cette "consigne stricte", selon Gérald Darmanin lui-même, la France se démarque d'autres pays occidentaux : des milliers de personnes ont défilé légalement ces derniers jours en Espagne, en Angleterre, aux Pays-Bas ou aux États-Unis "contre le colonialisme israélien" et en "soutien au peuple palestinien". "La France fait ses propres choix", a noté le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani, "mais interdire les manifestations dans un pays démocratique quand ce ne sont pas des manifestations violentes ne me semble pas être juste". Le gouvernement français craint des débordements dans un pays qui compte la plus importante communauté juive d'Europe – quelque 500 000 personnes – ainsi que de nombreux musulmans  – près de 9 % de la population de confession ou de tradition musulmane sur son territoire métropolitain, soit quelque six millions de personnes. Gérald Darmanin a annoncé lundi que 102 personnes avaient été interpellées pour des actes antisémites ou d'apologie du terrorisme depuis les attaques sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre. Plus de 1 400 personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées en Israël depuis l'attaque et le Hamas a capturé 199 otages, selon Israël. Les représailles israéliennes ont tué au moins 2 750 personnes à Gaza, en majorité des civils palestiniens, dont des centaines d'enfants, selon les autorités locales. "Impression que l'expression palestinienne n'a pas le droit de cité" en France La plus haute juridiction administrative française doit trancher mardi matin : une association propalestinienne a saisi le Conseil d'État en urgence sur la directive du ministre qu'elle juge contraire au droit français, comme l'affirme Vincent Brengarth, l'un de ses avocats. "Cela donne l'impression que l'expression palestinienne n'a pas le droit de cité" en France, "c'est démocratiquement problématique", note-t-il. Un tribunal administratif avait validé l'interdiction d'une manifestation parisienne jeudi dernier, face à "des risques avérés de l'exportation de cette violence" sur le sol national et le "regain d'actes antisémites". Ce qui n'avait pas empêché des milliers de manifestants de se rassembler. À la fin de la décision, le tribunal précisait toutefois, comme un avertissement : "Cette interdiction circonstanciée ne pouvant, au demeurant, s'analyser comme une interdiction de principe de toute manifestation ayant le même objet". Dans le "contexte extrêmement sensible", Nicolas Hervieu, professeur de droit public à Sciences Po, imagine mal le Conseil d'État infliger un "camouflet frontal au ministre" mais il devrait s'en sortir avec une "pirouette" en "faisant dire au ministre ce qu'il n'a pas écrit", tout en faisant "respecter les règles de la liberté de manifester, qui exigent un contrôle au cas par cas". Car pour Roseline Letteron, professeure de droit public à la Sorbonne, cette interdiction "générale" est "surprenante". "Qu'est-ce qu'une manifestation propalestinienne ?", interroge-t-elle. Un "soutien à l'action terroriste du Hamas ? Aux victimes du conflit" ? "La compassion pour les enfants sous les bombes, est-ce propalestinien ?", demande-t-elle, avant de rappeler la règle : "Vous ne pouvez interdire l'exercice de la liberté de manifester", qui découle de la liberté d'expression, "que s'il existe une menace à l'ordre public". "Toute mesure d'interdiction doit être strictement justifiée, et proportionnée, au regard des circonstances de chaque manifestation", insiste Nicolas Hervieu. "On ne peut pas interdire de façon générale et absolue". Responsable du programme "Libertés" chez Amnesty international France, Fanny Gallois dénonce elle une "entrave à la liberté d'expression" de ceux qui "souhaitent actuellement exprimer pacifiquement leur soutien au peuple palestinien". "Les appels à la haine et les propos discriminatoires ne sont évidemment pas protégés par cette liberté d'expression", souligne-t-elle, "mais présumer que les manifestants tiendraient nécessairement de tels discours participe d'un amalgame dangereux". Avec AFP

You can share this post!