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Insolite et Faits divers

Incidents au Stade de France : comment la finale de la Ligue des champions s'est transformée en crise politique (et diplomatique)

Les chefs de file de l'opposition dénoncent avec virulence la gestion des supporters en marge de la finale de la Ligue des champions, samedi soir au Stade de France, alors que le ton se durcit avec Londres. "Bienvenue à la Ligue des champions." Avec ce tweet, posté le lendemain du début de la guerre en Ukraine, Jean-Michel Blanquer n'imaginait pas un seul instant le fiasco que susciterait la finale délocalisée de la compétition, samedi 28 mai, de Saint-Pétersbourg à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Trois mois après ce message très critiqué de l'ancien ministre de l'Education, l'exécutif tente de se remettre d'une soirée cauchemardesque, entre retard du coup d'envoi, utilisation de gaz lacrymogènes et agressions de supporters au Stade de France. La gestion de la soirée par le gouvernement, très critiquée, est devenue une véritable affaire politique sous les coups de boutoir de l'opposition et du Royaume-Uni. Franceinfo vous résume en six actes la transformation de cette prestigieuse soirée sportive en un sujet d'actualité brûlant, à moins de deux semaines du premier tour des élections législatives. Acte 1 : pendant le match, un député britannique s'en prend aux organisateurs Parmi les milliers de supporters contraints de devoir attendre aux portes du Stade de France, samedi soir, il y a Ian Byrne. Ce député de Liverpool, comme de nombreux fans des Reds, est au cœur d'une gigantesque pagaille aux abords de l'enceinte depuis la fin de l'après-midi. Après la mi-temps du match, dont le coup d'envoi a été retardé de 36 minutes, le parlementaire britannique évoque sur Twitter "l'une des pires expériences de (sa) vie". "D'horribles conditions de sécurité et d'organisation ont mis des vies en danger", reproche-t-il à l'UEFA, l'instance qui organise la compétition. Acte 2 : Darmanin et Oudéa-Castéra ciblent les "supporters" britanniques Après la rencontre retardée, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, et Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports, se félicitent le soir même de la gestion de crise par les autorités et s'en prennent explicitement aux supporters. "Les tentatives d'intrusion et de fraude de milliers de supporters anglais ont compliqué le travail des stadiers et des forces de police mais ne terniront pas cette victoire", assure ainsi la ministre des Sports sur Twitter. Le ministre de l'Intérieur pointe quant à lui le fait que "des milliers de 'supporters' britanniques, sans billet ou avec des faux billets, ont forcé les entrées et, parfois, violenté les stadiers". Acte 3 : l'opposition s'empare de ce fiasco pour charger le gouvernement Le Real Madrid est à peine sacré champion d'Europe que les opposants à Emmanuel Macron dénoncent déjà un fiasco dans l'organisation de l'événement. Citant le tweet de Gérald Darmanin sur les "milliers de supporters britanniques sans billets", Eric Zemmour assure peu après minuit, dimanche, que "des racailles sautent par-dessus les barrières et agressent autour du Stade de France". Dimanche matin, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, les deux principaux opposants au chef de l'Etat, s'en prennent au gouvernement, responsable selon eux de l'image "lamentable" donnée par la France à l'étranger, à deux ans des Jeux olympiques de Paris 2024. La candidate du RN à l'élection présidentielle fustige "l'incompétence" de Gérald Darmanin et du préfet de police de Paris, Didier Lallement. Le leader de La France insoumise acte pour sa part l'"échec complet de la stratégie policière". Acte 4 : les autorités britanniques répondent à la France La version du gouvernement français, qui explique les débordements observés samedi par le très grand nombre de faux billets, est de plus en plus contestée. La colère gronde outre-Manche. Ian Byrne, le député britannique présent au Stade de France pour le match, écrit dimanche après-midi à Liz Truss, la ministre britannique des Affaires étrangères, pour demander une enquête sur l'ensemble des faits reprochés aux organisateurs et aux autorités françaises. La maire de Liverpool, Joanne Anderson, lui emboîte le pas dans la foulée pour demander "une enquête sur les scènes honteuses" observées à Saint-Denis. Dimanche, la secrétaire d'Etat britannique chargée de la Culture et des Sports, Nadine Dorries, demande "instamment à l'UEFA de lancer une enquête officielle pour savoir ce qui s'est mal passé et pourquoi". Lundi, en milieu de journée, c'est au tour du cabinet de Boris Johnson de se dire "extrêmement déçu" par le traitement infligé aux supporters anglais. "Ils méritent de savoir ce qui s'est passé", explique le porte-parole du Premier ministre britannique, exhortant l'UEFA à "travailler étroitement avec les autorités françaises dans une enquête complète" et à en publier les conclusions. Acte 5 : le gouvernement tente de contre-attaquer Attaqué par l'opposition, mis en cause par les autorités britanniques, le nouveau gouvernement français tente de reprendre la main. Les ministères des Sports et de l'Intérieur organisent une réunion ministérielle, lundi, à 11 heures, pour "cerner les dysfonctionnements" après les incidents. Amélie Oudéa-Castéra estime en amont de cette réunion que "Liverpool a laissé ses supporters dans la nature". Elle cite par ailleurs le chiffre de "30 à 40 000 personnes avec de 'faux billets' ou 'sans billets'". Après cette réunion ministérielle, Gérald Darmanin et Amélie Oudéa-Castéra tentent d'éteindre l'incendie lors d'une conférence de presse, à la mi-journée. "Ce qui a été constaté, c'est une fraude massive, industrielle et organisée, de faux billets", accuse le ministre de l'Intérieur. Pas moins de "70%" des billets papiers présentés au pré-filtrage étaient des "faux", selon lui, et, "une fois passé ce pré-filtrage, plus de 15%" étaient des faux. Acte 6 : le Sénat s'en mêle et va auditionner les deux ministres Pas de répit pour l'exécutif. Le Sénat décide, lundi après-midi, de convoquer les ministres Amélie Oudéa-Castéra et Gérald Darmanin. Les deux membres du gouvernement seront auditionnés mercredi à 16h30, pour "s'assurer que toutes les leçons de cette soirée soient tirées rapidement pour rassurer le monde sur la capacité de la France à accueillir de grands événements", expliquent les présidents des commissions des lois et de la culture du Sénat. "L'événement survenu samedi a suffisamment créé la polémique pour que le Parlement exerce son droit de contrôle", ajoute le sénateur LR du Rhône François-Noël Buffet. Le gouvernement, lui, ne rêve que d'une chose : sortir de cette polémique pour ne pas risquer de perdre des points à l'approche des élections législatives.

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