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Économie et marchés

Haidach, l’immense réservoir à gaz autrichien qui attise toutes les convoitises

CRISE ÉNERGÉTIQUE Le réservoir de Haidach, en Autriche, est le deuxième plus grand d'Europe occidentale et pourrait jouer un rôle stratégique en cas de pénurie de gaz cet hiver. Vienne a décidé, lundi, de raccorder son réservoir à gaz géant de Haidach au réseau énergétique autrichien. Une action jugée légitime puisque le réservoir se trouve sur son territoire national, sauf qu’il était jusqu’à présent utilisé par l’Allemagne. Mais la guerre en Ukraine et la crise énergétique ont tout changé. À 32 km de la frontière allemande, dans l’arrière-pays autrichien, non loin de la ville de Salzbourg, se dresse un exemple concret des problèmes occasionnés par la guerre du gaz menée par la Russie. Un imbroglio autour du gigantesque réservoir à gaz de Haidach est en train de se former alors que Moscou a annoncé, lundi 25 juillet, une importante réduction de la livraison du précieux hydrocarbure à l’Europe par le gazoduc Nord Stream 1. Quelques heures avant cette décision russe, Leonore Gewessler, la ministre autrichienne de l’Énergie et de l’Environnement, faisait savoir à la presse allemande que le réservoir de Haidach servirait dorénavant aussi à subvenir aux besoins en énergie des Autrichiens. Deuxième plus grand réservoir à gaz d’Europe occidentale Une annonce qui a fait froid dans le dos aux habitants de plusieurs Länder (régions administratives allemandes) du sud de l’Allemagne, à commencer par la très puissante Bavière. En effet, pour des raisons historiques et économiques, le site de Haidach, bien que situé en Autriche, n’était jusqu’à présent relié qu’au réseau énergétique allemand et servait essentiellement à alimenter en électricité la Bavière. "Nous observons l’évolution de la situation [à Haidach, NDLR] avec beaucoup d’inquiétude", a reconnu Markus Söder, le ministre-président de Bavière. Cette région s’était habituée, au fil des ans, à sa dépendance énergétique à Haidach. Ce réservoir peut contenir 2,9 milliards de m3 de gaz, ce qui en fait le deuxième plus important d’Europe occidentale derrière celui de Rehden (nord de l’Allemagne). Il y avait donc largement de quoi étancher la soif énergétique du Sud allemand. Depuis sa mise en service en 2007, le site est exploité par Wingas et Astora, deux filiales de Gazprom Germania (nationalisée par Berlin en avril 2022) et GSA, une autre branche du géant russe. L’Autriche ne fait que gérer techniquement l’installation. Une répartition des tâches très germano-centrée qui explique, en partie, pourquoi ce gaz repartait ensuite plutôt vers l’Allemagne au lieu de rester en terre autrichienne. De quoi faire les affaires de la Bavière, qui ne manquait pas une occasion de rappeler que l’Autriche bénéficiait aussi de ce système puisque le surplus de gaz était ensuite réexpédié à deux régions autrichiennes (le Tyrol et le Vorarlberg) raccordées au gazoduc allemand. Mais la guerre en Ukraine a changé la donne pour Vienne. L’Autriche dépend à 80 % du gaz russe, ce qui place le pays tout en haut de la liste de ceux qui ont le plus à perdre si la Russie venait à couper complètement le robinet. La Bavière, d’enfant gâté à parent pauvre du gaz ? En mai, le gouvernement autrichien a donc concocté un plan censé permettre de faire baisser cette dépendance à… 70 %. Pour grappiller ces quelques pourcentages d’"indépendance" énergétique, Vienne a besoin d’augmenter au maximum ses réserves stratégiques afin d’avoir un matelas de sécurité gazier. Le plan prévoit de les multiplier par trois, explique le quotidien autrichien Salzburger Nachrichten. L’immense réservoir de Haidach joue, à ce titre, un rôle central. Le gouvernement autrichien est prêt à sortir l’artillerie lourde en évinçant Gazprom du tableau pour que ce réservoir permette au pays de passer l’hiver au chaud. En effet, le géant russe n’approvisionne plus ce réservoir qui est quasiment vide, a constaté le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung en épluchant les données de la plateforme européenne Gas Infrastructure Europe (GIE). L’Autriche a ainsi adopté une loi permettant de mettre l’exploitant d’un réservoir en demeure de le remplir. Si ce dernier ne s’exécute pas, le gouvernement s’arroge le droit d’aller proposer à d’autres d’y stocker leur gaz. Si cette menace peut paraître importante, il n’en demeure pas moins "qu’on ne sait pas qui pourrait remplir ce réservoir à part les Russes", note le Bayerischer Rundfunk, la radio publique bavaroise. Il n’empêche que tout ce dispositif a suffi pour faire peur à la Bavière, qui se voit déjà passer du statut d’enfant gâté du gaz russe à son parent pauvre. Vienne et Berlin ont cherché à rassurer le puissant Land du sud de l’Allemagne. Le ministre allemand de l’Économie, Robert Habeck, s’est rendu à Vienne le 12 juillet pour évoquer l’épineuse question du devenir de ce réservoir avec la ministre autrichienne de l’Énergie, Leonore Gewessler. Un accord pour une utilisation conjointe germano-autrichienne de Haidach aurait été conclu à l’occasion de cette rencontre, a appris la Süddeutsche Zeitung. Mais Munich – la capitale du Land de Bavière – veut des preuves. Markus Söder, qui a peu goûté de ne pas avoir été convié à cette rencontre germano-autrichienne, voudrait "plus de transparence au sujet de cet accord et une mise au point claire sur la quantité de gaz de Haidach réservée pour l’Allemagne". Chantage économique Pour le ministre-président de la Bavière, le réservoir de Haidach pourrait très rapidement illustrer les "limites de la solidarité" énergétique prônée par l’Union européenne, a-t-il déclaré au quotidien munichois Merkur. Il craint que, l’hiver venu, le gouvernement autrichien soit tenté de faire fi de son accord avec Berlin pour satisfaire les besoins en énergie de sa population grâce aux réserves de Haidach. L’inquiétude bavaroise s’explique aussi par le fait que le changement de donne à Haidach met en lumière l’extrême fragilité de l’approvisionnement énergétique du sud de l’Allemagne. Ces régions – Bavière et Bade-Wurtemberg essentiellement – sont très loin des grands réservoirs du nord du pays comme Rehden. "Nous sommes les derniers maillons de la chaîne et si, au nord, ils se servent sans retenue, il ne nous restera plus aucune goutte, ce qui serait inacceptable", a prévenu Nicole Hoffmeister-Kraut, la ministre de l’Économie du Land de Bade-Wurtemberg. Les terminaux de gaz liquéfié, en cours d’installation sur la côte du nord de l’Allemagne pour accueillir le gaz naturel nord-américain, sont aussi "trop éloignés de la Bavière pour desservir convenablement cette région", note le quotidien Die Zeit. Sentant que l’hiver allait être particulièrement rude pour lui et ses compatriotes bavarois, Markus Söder a lancé un dernier avertissement, assurant que "si la Bavière était privée de gaz, c’est toute l’Allemagne qui en souffrirait". Le Land représente à lui seul, il est vrai, 18,3 % du PIB allemand, notamment grâce à son industrie chimique et son secteur automobile, rappelle la Süddeutsche Zeitung. À quelques kilomètres de la frontière autrichienne se trouve ce que les Allemands appellent le "triangle d’or de la chimie allemande". Une zone d’activité qui est l’un des fleurons de tout le Land et qui a pris de l'importance grâce à un accès facile au gaz venu de Haidach. Si ce "triangle d'or" venait à être privé de l'énergie venue d'Autriche, ce sont près de 20 000emplois qui seraient menacés.

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