Guadeloupe : le procureur de la République dénonce des violences urbaines "planifiées et organisées"
Un magasin et d'un bâtiment calcinés dans une rue de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, le 21 novembre 2021.
En Guadeloupe, le procureur de la République a assuré vendredi que les violences en cours depuis trois mois, sur fond de contestation contre l'obligation vaccinale pour le personnel soignant et les pompiers, ne sont pas spontanées. Selon lui, elle ont été "parfaitement planifiées et organisées", avec notamment "la complicité, voire l'implication active d'un fonctionnaire de police", placé désormais sous mandat de dépôt.
Les violences qui secouent la Guadeloupe depuis près de trois mois, sur fond de contestation de l'obligation vaccinale, ont été "parfaitement planifiées et organisées", avec notamment "l'implication active" d'un fonctionnaire de police, a accusé, vendredi 21 janvier, le procureur de la République.
Une information judiciaire a été ouverte, confiée à deux juges d'instruction, et huit personnes, interpellées lundi, ont été mises en examen après 96 heures de garde-à-vue. Quatre ont été placées en détention provisoire.
"Aucune scène de violence" y compris les plus récentes "n'a été spontanée" a insisté le procureur Patrick Desjardins. "Dans les surveillances qui ont été mises en place", suite aux premières émeutes de novembre, "nous avons compris qu'il était question d'un partage des rôles entre les jeunes", notamment des gangs de Baie-Mahault, de Pointe-à-Pitre et de Grand-Camp (aux Abymes, NDLR).
"On est sur de la trahison"
Après une nuit d'émeutes, fin novembre, émaillée de tirs contre les forces de l'ordre et où le SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation) a été incendié, "les investigations se sont intensifiées", tenues "dans le plus grand secret". Car est apparu, selon le parquet, "la complicité, voire l'implication active d'un fonctionnaire de police", placé désormais sous mandat de dépôt.
"On est sur de la trahison", a précisé le procureur. "Nous savons qu'il était à l'origine de nombreuses opérations, celle contre le SPIP mais également de celle qui était prévue le 30 décembre dernier".
Ce jour-là, la manifestation du collectif d'organisations mobilisé contre l'obligation vaccinale devait arriver jusqu'à l'aéroport, "avec un mode opératoire déterminé entre les manifestants et les membres de gangs, qui eux devaient occuper les pistes avec des véhicules volés" et enflammés. Des échauffourées ont eu lieu entre les manifestants et les forces de l'ordre. Le leader syndical Elie Domota avait été arrêté, puis libéré dans la soirée.
Par ailleurs, la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre était une des prochaines cibles, selon l'enquête.
"Une volonté claire d'enrichissement"
"Dans l'esprit des personnes impliquées l'objet de ces émeutes était clair" a encore expliqué le procureur. Si la "bataille idéologique" et l'obligation vaccinale de même que la question de la jeunesse, restent en toile de fond, "ce qui est sûr, c'est une volonté claire d'enrichissement".
Selon l'enquête, le but était d'obtenir "des sommes conséquentes de la part de grands groupes en échange de la promesse de ne pas lancer les émeutiers contre leurs intérêts". Ce qui explique l'absence d'attaque des grands centres commerciaux de l'île.
D'autre part, a affirmé Patrick Desjardins, le but était de "bénéficier de subvention par le biais d'associations utilement créées à la faveur de négociations à venir, avec l'État, mais aussi à la faveur de relations parfois troubles avec certains élus locaux", via, des "pressions importantes".
À ce stade de l'enquête, 8 personnes ont été mises en examen notamment du chef d'"association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes et délits en bande organisées".
Réagissant à ces mises en examen, le député Olivier Sevra a indiqué avoir rencontré certains jeunes "dans le cadre des négociations de sortie de crise" et désormais placés en garde à vue ou en détention préventive. Il appelle à une "justice impartiale ne négligeant pas leur rôle dans ce processus d'apaisement et compte tenu de leur volonté de se réinsérer".
Toute la journée, devant le tribunal, une centaine de personnes, dont des leaders du syndicalisme local, était présente "en soutien" aux personnes déférées.
Avec AFP