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Insolite et Faits divers

Gérald Darmanin et la "double peine" : le ministre de l'Intérieur face au "théorème de Pasqua"

Elle est pleine de roublardise, cette phrase prononcée par Gérald Darmanin : "C'est une politique de bon sens. Nous, on juge les étrangers pour ce qu'ils font, pas pour ce qu'ils sont", avant d'"assumer une forme de double peine."  Il y a, d'abord le contexte dans lequel est prononcée cette phrase : la polémique a été déclenchée le 24 juillet dernier par le ministre de l’Intérieur, qui avait annoncé l’interpellation d’un suspect après l’agression de policiers à Lyon. Son interpellation et son expulsion, aussi donc. Sauf que l’homme avait finalement été mis hors de cause par la Justice. Qu’à cela ne tienne, Gérald Darmanin avait maintenu sa décision, justifiant de sa situation irrégulière sur le sol français et du fait qu’il soit connu des services de police. Et pour faire oublier le cafouillage du début, le voilà qui applique désormais ce que les politiques appellent le "théorème de Pasqua" : "Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien." Et Gérald Darmanin assume donc de rétablir une forme de “double peine”, en annonçant une loi pour lever les réserves législatives. Sauf que cette "double peine" n’a jamais été supprimée. Rien n’empêche aujourd’hui, dans la majorité des cas, d’expulser un étranger qui commet un crime ou un délit. C’est l’article 131-30 du Code pénal, dont la dernière version date du 24 mars 2020, juste avant que Gérald Darmanin ne soit nommé ministre de l’Intérieur : “La peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit." Pourquoi Gérald Darmanin fait-il cela ? En "assumant une forme de double peine", Gérald Darmanin laisse à penser qu’il commet une transgression qui n’en est pas une, puisque c’est la loi. Les exceptions qu’il souhaite lever concernent les étrangers de moins de 13 ans, non-expulsables à ce stade. Qui les a mises en place ? Nicolas Sarkozy, en 2003, lorsqu’il était lui-même ministre de l’Intérieur. Si trangression il doit y avoir de la part de Gérald Darmanin, c’est davantage vis-à-vis de cet héritage, de celui qui fut son mentor. Mais alors pourquoi faire cela ? D’abord parce qu’il a fait de la provocation sa marque de fabrique. Cela fait partie de son tempérament, certes, mais c’est aussi une signature. Souvenez-vous de la polémique à l’été 2020 avec son collègue du ministre de la Justice autour de l’"ensauvagement" de la France. Cela correspond aussi à sa feuille de route, que d’étouffer la droite et de faire reculer le Rassemblement national : il avait ainsi accusé par le passé Marine Le Pen d’être "trop molle". Sauf que... ça ne marche pas forcément. En tout cas parler fort, provoquer ne suffit pas. La preuve : Marine Le Pen réalise son meilleur score à la dernière présidentielle, et elle n’a jamais eu autant de députés à l’Assemblée nationale. Autre réserve : alors que le ministre de l’Intérieur est considéré comme l’un des présidentiables de 2027, la stratégie de la provocation est à double tranchant. Elle lui permet certes d’être identifié sur le régalien, d’être l’un des visages du gouvernement les plus connus par les Français, mais ne lui permet pas de gagner les coeurs. Au contraire même : elle abîme son image lorsque Gérald Darmanin va trop loin, sur la gestion de la finale de la Ligue des Champions au Stade de France, par exemple. Attention, donc, terrain glissant.

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