news-details
Sports

France - Nouvelle-Zélande, "la plus belle rivalité de l'histoire de la Coupe du monde"

MEILLEURS ENNEMIS Le match d'ouverture de la Coupe du monde 2023 de rugby opposera, vendredi soir au stade de France, les Bleus aux All Blacks. Une rencontre qui se disputera à guichets fermés, signe de l'engouement autour de ce huitième match entre la France et la Nouvelle-Zélande, dont la rivalité régale les fans des deux pays et de l'ovalie. De la première finale de l'histoire de la Coupe du monde de rugby, en 1987, à celle de 2011 en passant par le "miracle de Twickenham", la rivalité entre la France et la Nouvelle-Zélande s'est écrite à force de passes d'armes mémorables dans la compétition. Le match du vendredi 8 septembre, en ouverture de la Coupe du monde en France, promet déjà d'en rédiger un nouveau chapitre. Un miracle à Twickenham Pour les fans des All Blacks et des Bleus, la demi-finale de 1999 restera un match à part. Pour cette compétition en terre anglaise, les Néo-Zélandais s'avançaient en favoris indiscutables. La campagne s'apparentait à un remake de l'invasion normande de 1066 avec, dans le rôle de Guillaume le Conquérant, l'ailier Jonah Lomu, auteur de six essais avant même le dernier carré : le XV de la Rose facilement battu, 100 points enfilés à l'Italie… Tout se déroulait comme prévu – jusqu'au match contre la France. Ian Borthwick, un journaliste néo-zélandais travaillant pour le quotidien sportif français L'Équipe, était présent ce 31 octobre 1999 au stade de Twickenham, tout comme 73 000 supporters : "De ce jour, il n'y a pas grand-chose à dire", explique-t-il. "La France a marqué 33 points en deuxième mi-temps sans qu'il y ait de réaction. Elle a fait exploser la Nouvelle-Zélande." Les deux essais de Jonah Lomu en première période ne suffisent pas à stopper la démonstration française, qui se conclut sur le score de 43-31. Mais ce match, rapidement surnommé le "miracle de Twickenham", est loin d'être le seul à avoir marqué les esprits. "Ils font ressortir le meilleur et le pire l'un de l'autre" Si en tant qu'équipe de l'hémisphère sud, les Springboks d'Afrique du Sud sont souvent considérés comme les plus grands rivaux des All Blacks, l'histoire est différente si on considère seulement la Coupe du monde. Les matches entre Français et Néo-Zélandais atteignent généralement des sommets de surprises, d'excitation mais aussi de déceptions gravées dans les esprits des fans. "Ils font ressortir le meilleur et le pire l'un de l'autre", résume Ian Borthwick. "C'est la plus belle rivalité de l'histoire de la Coupe du monde !" Sur le total des sept rencontres, l'avantage va aux All Blacks, qui ont remporté cinq duels. À commencer par le premier d'entre eux, en 1987. Un match à fort enjeu, puisqu'il s'agit de la toute première finale de l'histoire de la Coupe du monde. Celle-ci se dispute en terre néo-zélandaise, au stade de l'Eden Park d'Auckland, à un moment où les tensions géopolitiques entre les deux pays sont au plus haut. Deux ans plus tôt, en 1985, deux agents français ont posé une bombe sur le "Rainbow Warrior", un bateau de Greenpeace amarré dans le port d'Auckland, tuant une personne. L'incident avait entraîné la démission du ministre français de la défense, Charles Hernu. Le contexte sportif n'est pas plus léger. Campbell Burnes, rédacteur en chef du Rugby Almanack et ancien international des Samoa, se souvient avoir regardé le match à la télévision alors qu'il n'avait que treize ans. Il se souvient surtout de la dramaturgie autour de la rencontre, marquée par le souvenir récent dans l'hémisphère sud de la "bataille de Nantes" – une victoire surprise des Français à la fin de 1986, considérée comme l'un des matches les plus violents de l'histoire du rugby, dans la plus pure tradition de l'ovalie. Wayne "Buck" Shelford, qui avait perdu quatre dents et s'était déchiré le scrotum pendant le match, a déclaré plus tard qu'il soupçonnait les Français d'avoir pris des amphétamines. Côté Bleus, on continue encore aujourd'hui de nier tout excès d'engagement. Le XV de France ne réédite cependant pas son exploit et ce sont les All Blacks qui s'imposent confortablement 29 à 9. Une passe en avant non sifflée pour l'Histoire Après 1987 et 1999, il y a eu 2007 à Cardiff. Pour les supporters néo-zélandais les plus superstitieux, ce match a été marqué dès le départ par de mauvais présages. Tout d'abord, les All Blacks ont été contraints de jouer en gris, un sacrilège à l'encontre même de leur surnom. Puis, juste avant le coup d'envoi, le XV de France a décidé de défier les Néo-Zélandais lors de leur haka : les joueurs se sont avancés jusqu'à la ligne médiane pour défier leurs adversaires les yeux dans les yeux. Une mise en scène considérée comme irrespectueuse et provocatrice par les supporters. Superstition ou pas, le match s'est perdu sur un coup du sort pour les All Blacks. À la 68e minute, l'arrière français Damien Traille réalise une passe en avant, non sifflée par l'arbitre, à Frédéric Michalak, qui en profite pour marquer l'essai décisif du quart de finale. Pour la Nouvelle-Zélande, il s'agit alors de l'élimination la plus précoce dans une Coupe du monde. Les fans des All Blacks en veulent éternellement à Wayne Barnes, l'arbitre anglais de la rencontre. L'ancien international des Samoa et journaliste Campbell Burnes, en observateur un peu plus objectif que les fans des deux camps, estime qu'il y avait définitivement un en-avant. Mais, rappelle-t-il, les All Blacks "n'ont vraiment pas bien joué alors que les Français plaquaient comme des démons… De la composition à la tactique, les Néo-Zélandais ont fait plein d'erreurs." Quatre ans plus tard, c'est une nouvelle fois au sommet de la compétition que les deux équipes se retrouvent, et une nouvelle fois à l'Eden Park d'Auckland. Après avoir facilement disposé des Bleus en poule, les Néo-Zélandais connaissent une finale un brin plus stressante. Et à la fin, les All Blacks ne s'imposent que sur la plus petite des marges (8-7) dans un match disputé. Campbell Burnes, qui couvrait le match pour le New Zealand Herald, le décrit comme "presque impossible à regarder... Le dernier quart-temps, tout le monde était très stressé." Pour lui, "la France, encore une fois, emmenée par Thierry Dusautoir, a joué de manière exceptionnelle... C'était vraiment serré." Même le taciturne coach néo-zélandais Graham Henry est en ébullition sur son siège. Heureusement, il peut compter sur son capitaine, Richie McCaw, élu plus tard joueur de la décennie 2010. Il joue le match de manière héroïque avec un pied cassé. Malgré tout, il décrit la fin de rencontre à couteaux tirés comme "les 20 meilleures minutes de [sa] vie". Un écart comblé entre les deux équipes À l'approche du coup d'envoi de la Coupe du monde 2023, Ian Borthwick estime que l'écart entre les deux équipes est désormais quasiment comblé. Par le passé, explique-t-il, "la France n'a jamais eu la régularité que les All Blacks ont pu avoir. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui." Aux premières loges de la rivalité Bleus-All Blacks depuis les premières heures, il détaille les raisons du succès tricolore : le rugby français brasse désormais plus d'argent, ce qui permet un meilleur développement. Le Top 14, le championnat français, est un atout majeur : considéré comme le meilleur championnat au monde, il attire les talents étrangers, ce qui permet d'améliorer le niveau des joueurs français grâce au transfert de compétences. Mais pour le journaliste, la réelle révolution française se situe ailleurs : dans l'esprit et la culture d'équipe qu'ont su insuffler le sélectionneur Fabien Galthié et le manager Rafael Ibañez. "Ils ont regardé attentivement ce que fait la Nouvelle-Zélande en termes de culture d'équipe. Les Bleus savent maintenant qui ils sont." La dynamique positive du rugby français a également lancé un cercle vertueux : les résultats boostent le soutien du public qui renforce à son tour la confiance de l'équipe de France et ainsi de suite. Pour Ian Borthwick, le tournant a eu lieu en 2021 lors de la dernière rencontre entre les deux équipes. La France a battu la Nouvelle-Zélande de manière convaincante (40-25), avec une fougue caractéristique de la façon dont les All Blacks ont dominé le rugby durant le dernier demi-siècle. "Il y avait une passion de la part du public que je n'avais jamais ressentie en France. À partir de la Marseillaise, et tout au long du match, l'ambiance était électrique", déclare Ian Borthwick. "Ces dernières années, les Bleus ont battu la Nouvelle-Zélande, ils ont battu l'Irlande, ils ont mis 50 points à l'Angleterre..." Et de conclure que tout autre résultat qu'une victoire dans la compétition serait désormais une contre-performance dans cette Coupe du monde. Adapté de l'anglais par Romain Houeix.

You can share this post!