Fillette blessée par un tir de LBD en 2020 : la famille dépose une nouvelle plainte pour relancer l'enquête
Une première plainte, déposée juste après les faits en 2020, avait été classée sans suite par le parquet de Versailles.
Les parents d'une fillette de cinq ans grièvement blessée à la tête par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) en avril 2020, à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), ont déposé une plainte avec constitution de partie civile contre X pour "violences volontaires aggravées", commises sur une mineure de moins de 15 ans, avec usage d'une arme et par une personne dépositaire de l'autorité publique, selon la plainte que franceinfo a pu consulter lundi 3 janvier, confirmant une information du Parisien-Aujourd'hui en France. Ce type de plainte permet l'ouverture quasi-automatique d'une information judiciaire indépendante et de ce fait la réalisation de nouveaux actes d'enquête.
La famille a décidé de déposer cette nouvelle plainte le 6 décembre car sa première, portée juste après les faits, a été classée sans suite en avril 2021 par le parquet de Versailles, au motif que l'auteur du tir de LBD n'avait pas pu être identifié. Mais l'avocat des plaignants, Me Yassine Bouzrou, rappelle qu'un ADN "exploitable" a été retrouvé sur le projectile, et dénonce une décision de justice "scandaleuse".
Après les faits, l'oncle de la victime avait en effet retrouvé un projectile et l'avait remis aux enquêteurs. "Une trace d'ADN masculin exploitable était identifiée sur le projectile mais, sans aucune explication, le procureur de la République" Maryvonne Caillibotte "refusait qu'il soit procédé à une expertise génétique. Une telle expertise aurait pourtant pu permettre d'identifier si cet ADN correspondait à celui de l'un des policiers tireurs", assure la famille dans sa plainte avec constitution de partie civile. Pour l'avocat, la procureure de la République qui a classé l'affaire a donc fait le "choix délibéré" de "ne pas identifier" l'auteur du tir et de "créer une impunité pour un policier", a-t-il déclaré à franceinfo.
Une première plainte classée sans suite
D'autant que les constatations ont montré que "plusieurs tirs de LBD avaient été effectués dans la direction où" l'enfant "se trouvait", et qu'une expertise médicale a permis de "confirmer que les lésions présentées par l'enfant étaient compatibles avec un impact de lanceur de balles de défense et que les blessures qu'elle présentait étaient particulièrement graves", ajoutent les parents dans leur plainte.
Leur avocat estime que ce classement sans suite "leur montre qu'ils n'ont malheureusement pas les mêmes droits que les autres". Il précise que les parents de la victime "n'accusent pas les policiers d'avoir délibérément visé leur fille", mais "ils estiment que lorsqu'on tire à l'aveuglette dans une cité, dans un endroit où des gens habitent, on ne peut pas ignorer qu'on peut toucher un civil".
Contactée par franceinfo, la procureure de la République de Versailles qui a classé l'affaire, Maryvonne Caillibotte, répond que "la saisine du juge d'instruction est un droit qui leur appartient et dont" la famille "fait l'usage qui lui paraît opportun". Elle estime que le classement de l'enquête a été notifié "de manière transparente à la famille".
Par ailleurs, Me Yassine Bouzrou va déposer une autre plainte pour faux et usage de faux par personne dépositaire de l'autorité publique, car un policier a reconnu avoir menti, dans son rapport d'utilisation de LBD et lors de ses auditions par les enquêteurs. Celui-ci a dit avoir effectué son dernier tir de LBD depuis la rue, alors qu'il l'a fait en réalité depuis un véhicule à l'arrêt. Il n'a reconnu ce mensonge qu'une fois confronté à l'existence d'une vidéo qui le montre en train de tirer. L'avocat dénonce également la dissimulation aux enquêteurs de cette vidéo, tournée par les policiers.
Me Yassine Bouzrou demande également le dépaysement de l'affaire pour que le parquet de Versailles ne soit plus du tout lié à l'enquête, pendant l'information judiciaire.
La victime gardera des séquelles à vie
Le 4 avril 2020, la fillette était descendue en bas de chez elle, avec son père notamment, pour prendre l'air pendant le confinement. À une centaine de mètres, des affrontements avaient éclaté entre les forces de l'ordre et plusieurs jeunes, sans lien avec l'enfant. Les policiers avaient alors "fait usage du LBD à 14 reprises" et lancé "deux grenades de désencerclement à mains, cinq grenades à gaz lacrymogène MP7 et deux grenades à gaz lacrymogène CM6", selon la synthèse de l'enquête datée de 10 jours après les faits, que franceinfo a pu consulter. Pendant ces affrontements, l'enfant avait reçu un projectile à la tête. Un scanner avait révélé une fracture du crâne et un saignement des méninges. Dans le coma, la fillette, avait été opérée et avait passé 26 jours à l'hôpital.
Un an et demi après les faits, la victime a des troubles neurologiques, dispose toujours d'un suivi médical et psychologique et aura des séquelles toute sa vie, regrette l'avocat des plaignants.