En Belgique, la chasse à l'homme continue et l'extrême droite sort du bois
À la Pentecôte, trois jours de suite, une bonne centaine de personnes ont marché sous la pluie pour dire leur soutien au caporal Jürgen Conings. Un fugitif vu par les manifestants comme un nouveau Rambo, un “combattant de la liberté”, voire un héros. Les rassemblements se sont tenus en bordure de la gigantesque forêt de 12 000 hectares près des Pays-Bas, où la traque se poursuit depuis le 18 mai. "Tous comme un seul homme aux côtés de Jürgen" : ce slogan sur une pancarte brandie dans le défilé est aussi le nom d'un groupe Facebook qui en quelques jours a rassemblé 45 000 membres. Le réseau social l'a fermé hier.
Ce soutien massif inquiète les autorités. "Soutenir cet homme, c'est soutenir un homme qui menace de blesser et de tuer des innocents", a affirmé la ministre de la défense Ludivine Dedonder lors d'une conférence de presse au siège de l'état-major de la Défense belge. Parce que Jürgen Conings est fiché pour sa proximité avec l'extrême droite ; parce qu'il a déjà été sanctionné par l'armée pour avoir tenu des propos racistes ; parce que cet ancien tireur d'élite qui a fait le Kovoso, l'Irak et l'Afghanistan s'est enfui avec des lance-roquettes volées à sa caserne; parce qu'il est soupçonné de vouloir projeter un attentat contre un virologue et des représentants de l'État.
Les autorités dénoncent aussi le fait que des militaires – ou anciens militaires – affichent ouvertement leur sympathie pour Conings tout en propageant l'idée que la faiblesse des politiques mène le pays dans le mur et que seule l'armée peut prendre les choses en main. Un discours qui émerge ailleurs, y compris en France.
L'extrême droite sort du bois
Ce fait-divers qui met la Belgique en émoi a surtout braqué les projecteurs sur les mouvements d'extrême droite dans la partie néerlandophone du pays. Dans les Flandres, les groupes d’extrême droite ne se retrouvent plus uniquement sur d’obscurs forums pour parler "grand remplacement", ils se rassemblent dans l'espace public.
Une confiance et une visibilité qu'ils doivent en grande partie au Vlaams Belang, un parti nationaliste qui s'est largement imposé aux élections générales il y a deux ans et qui ne cesse de gagner en popularité, en surfant sur la frustration liée à la crise sanitaire. Un électeur flamand sur deux est prêt aujourd'hui à voter pour lui.
Le Vlaams Belang est le seul parti à avoir gardé le silence sur l'affaire Conings. Mais il peut se frotter les mains : chaque jour le nom du fugitif en liberté s'étale à la une des médias belges. Chaque jour, les dirigeants actuels perdent un peu plus de crébilité.