CRIMES DE FEMMES. Andrea Yates, cette maman qui a transformé ses enfants en poupées

C’est un fait incontestable de la criminologie : les femmes résistent à l’appel du crime. Depuis toujours, et ce peu importe où dans le monde, la grande majorité des méfaits violents est commise par des hommes. En France, par exemple, 85% des crimes commis en 2020 l’ont été par des descendants d’Adam, soit un total de 148 130 infractions pénales contre « seulement » 26 361 pour les filles d’Ève. L’écart entre les sexes dans les crimes « semble être quelque chose qui résiste vraiment au changement« , souligne Jukka Savolainen, ex-directeur des Archives nationales des données sur la justice pénale dans le Michigan. Cela ne veut néanmoins pas dire que les femmes ne tuent pas. À travers l’histoire, des exceptions ont fait preuve d’un grand machiavélisme, sabotant l’image de douceur et de maternalisme souvent donnée aux femmes. C’est notamment le cas de Jane Toppan, Fabienne Kabou ou encore Andrea Yates. Au début des années 2000, cette mère de famille de 36 ans a commis l’impensable : ôter la vie à ses cinq enfants. Andrea Yates et son époux, Rusty Yates, vivaient le rêve américain. Lui travaillait à la NASA comme ingénieur, elle consacrait ses journées à l’éducation de leurs cinq enfants magnifiques. Ils prévoyaient d’« avoir autant d’enfants que la nature le leur permettrait ». Mais un mardi matin, peu après 9 heures, cette vie parfaite s’est effondrée. « J’ai vu cette toute petite tête. J’ai cru que c’était une poupée » C’est à Houston, au Texas, que cette affaire prend racine. Dans la matinée du 20 juin 2001, un étrange appel est passé à la centrale téléphonique d’urgence 911. Au bout du fil, une voix femme hésitante. Elle donne son adresse, demande une intervention, mais refuse de donner plus d’explication. Malgré le manque d’information, un officier de police, Frank Stumpo, est envoyé au 942 Beachcomber Lane. Il est alors loin de se douter que cette intervention va changer sa vie. « Elle était assise sur le canapé. Elle ne m’a jamais regardé, racontera-t-il plus tard dans la série documentaire Crimes of the Century. Je suis entré dans la pièce et (…) j’ai vu cette toute petite tête. La petite tête me regardait droit dans les yeux. Je me suis dit ‘Qu’est-ce que c’est que ça ?’, j’ai cru que c’était une poupée minuscule. (…) J’ai soulevé la couverture, et j’ai découvert les corps les uns après les autres. Un, deux, trois, quatre… Je suis retourné dans le couloir, j’ai tourné à droite dans la salle de bain et j’ai trouvé le plus âgé, le visage immergé dans la baignoire. » Satan lui a dit de le faire Cinq corps d’enfants sont découverts au domicile familial : Noah, 7 ans, John, 5 ans, Paul, 3 ans, Luke, 2 ans, et Mary, 6 mois. Tous ont été noyés dans la baignoire de la salle de bain par leur mère. Andrea Yates, 36 ans, ne nie pas. Au contraire, elle avoue les meurtres ainsi que la préméditation, déclarant avoir attendu que son époux quitte la maison et avoir enfermé le chien de la famille pour passer à l’acte. Elle explique que Satan lui a parlé et qu’elle a tué ses enfants pour leur épargner « les flammes éternelles« . Elle déclare s’être sacrifiée, elle qui était une mauvaise mère, pour s’assurer que Noah, John, Paul, Luke et Mary aillent au paradis. « Mes enfants n’étaient pas à la hauteur. Ils peinaient parce que j’étais diabolique. Ils n’auraient jamais pu être sauvés, vu comment je les éduquais. Ils étaient condamnés à périr dans les flammes de l’enfer« , affirme-t-elle en prison à l’un de ses psychiatres. Psychose et dépression post-partum L’enquête révèle une dépression post-partum chez la jeune maman, qui a déjà fait deux tentatives de suicides et un séjour en hôpital psychiatrique. Après la naissance son quatrième enfant, son médecin lui avait conseillé de ne plus tomber enceinte. Cependant, la petite Mary est née début 2001, juste avant que le père d’Andrea ne décède, le 12 mars de cette année-là. Il apparaît que la mère de famille souffre également de psychose, en partie liées à ses croyances religieuses. Des symptômes pour lesquels il lui avait été prescrit de l’Haldol dès 1999. Jugée en 2002, Andrea Yates plaide non coupable pour cause d’aliénation mentale. Néanmoins, le jury ne reconnaît pas son irresponsabilité pénale et la condamne à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de 40 ans. Quatre ans plus tard, en appel, Yates parvient à se faire déclarer folle. Elle est placée en hôpital psychiatrique. Vingt-et-un ans plus tard, Andrea Yates réside toujours au Kerrville State Hospital, au Texas. Elle est divorcée de Rusty Yates depuis 2005. Vous pouvez retrouver ici le précédent papier de notre série d’été CRIMES DE FEMMES : Ludivine Chambet, cette aide-soignante angélique qui semait la mort en maison de retraite