Covid, conflits, organisation, répression... les défis du Cameroun pour la CAN-2022
Un vendeur de produits dérivés de la CAN, à Yaoundé, le 5 janvier 2022.
Entre pandémie de Covid-19 et contexte sécuritaire tendu, les défis à relever ne manquent pas pour le Cameroun, pays organisateur de cette nouvelle Coupe d'Afrique des nations de football qui débute le 9 janvier. Côté politique, si l'évènement a permis à Paul Biya de redorer son blason, l'opposition lui demande déjà des comptes sur le coût de l'organisation de cette compétition.
La Coupe d'Afrique des Nations de football (CAN)s'ouvre dimanche 9 janvier au Cameroun, après un report en 2021 pour cause de Covid. Mais les défis demeurent multiples pour ce vaste pays d'Afrique centrale peuplé de 27 millions d'habitants et dirigé d'une main de fer depuis 39 ans par le même homme.
L'évolution de la pandémie de Covid-19 et son variant Omicron, dans un pays dont les habitants se protègent et se font vacciner très peu, est "un énorme challenge", estimait le 21 décembre Patrice Motsepe, le président de la Confédération africaine de football (CAF), quand la rumeur insistante prédisait un nouveau report ou une annulation.
Dans ce contexte, les règles draconiennes instaurées par son institution risquent de dissuader les supporters de venir massivement au stade. Il faudra cumuler un cycle complet de vaccination et un test PCR négatif de moins de 72 heures. Une jauge de remplissage à 60 % sera également instaurée, montée à 80 % quand les Lions indomptables du Cameroun joueront. Or, M. Motsepe a déjà admis être au courant de la prolifération de "faux tests".
Le Cameroun a enregistré près de 110 000 contaminations et 1 840 décès depuis le début de la pandémie. Selon les derniers chiffres du ministre de la Santé, environ 6 % de la population âgée de plus de 18 ans est vaccinée.
Des séparatistes armés anglophones, les jihadistes de Boko Haram et de l'organisation État islamique (EI) mènent des attaques meurtrières respectivement dans l'ouest et l'extrême-nord. Les experts redoutent qu'ils ne profitent de l'organisation d'une compétition très médiatisée pour en commettre dans les grandes villes.
Depuis quatre ans, les régions - habitées principalement par la minorité anglophone - du Sud-Ouest et du Nord-Ouest sont en proie à un sanglant conflit entre des groupes armés qui réclament l'indépendance et les forces de sécurité, les deux camps commettant crimes et atrocités, accusent les ONG et l'ONU.
Certains groupes armés ont promis de perturber la compétition et envoyé des lettres de menace aux équipes qui vont jouer à Limbé et s'entraîner à Buea, dans le Sud-Ouest.
Les retards successifs dans la construction des stades et le coût des infrastructures font régulièrement polémique.
Choisi en 2014 pour accueillir la CAN-2019, le Cameroun a été remplacé par l'Égypte car il n'était pas prêt. Deux ans plus tard, nouveau report, de l'édition 2021, cette fois officiellement à cause de l'épidémie de Covid-19 mais alors que des infrastructures majeures n'étaient pas achevées.
À titre d'exemple, les retards dans l'achèvement du complexe sportif d'Olembé à Yaoundé. Le plus grand stade de cette CAN accueillera finalement le match d'ouverture dimanche, après de nombreux doutes alors que ses abords ne sont pas encore achevés.
Le président Paul Biya, 88 ans, dirige autoritairement son pays depuis près de quatre décennies. Or, il a fait ostensiblement de l'organisation de la CAN une priorité pour redorer son blason, considérablement écorné sur la scène internationale depuis une énième victoire très contestée à la présidentielle de 2018 et une répression féroce de toute opposition depuis.
Fin décembre, des dizaines de militants du principal parti d'opposition ont écopé de peines allant jusqu'à sept ans de prison pour des "marches pacifiques" contre le régime.
À Yaoundé, le portrait de Paul Biya accompagne bien souvent les affiches de publicité de la CAN. "Il s'est toujours servi du football comme instrument politique pour rassembler les Camerounais et surfer sur leurs succès", rappelle Jean-Bruno Tagne, auteur de la "Tragédie des Lions indomptables".
Or une partie de l'opposition et de la société civile ont dénoncé l'"indécence" du coût de l'organisation de la CAN dans un pays où le taux de pauvreté atteint près de 40 % et un tiers des habitants vit avec l'équivalent de moins de deux euros par jour, selon la Banque mondiale.
"Si le Cameroun gagne, les Camerounais peuvent tout oublier. Mais si cela se passe mal, il faudra des boucs-émissaires et des têtes tomberont sûrement", estime le politologue Stéphane Akoa.
Avec AFP