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Covid-19 : pourquoi le retour à la vie normale passe désormais par 90 % d’adultes vaccinés

Le scénario central d'une étude sur la modélisation des stratégies vaccinales indique qu'il faudrait vacciner 90 % des adultes français avant de pouvoir revenir à la vie d'avant la pandémie de Covid-19. Une nouvelle étude, publiée mardi sur le site de l’Institut Pasteur, conclut qu’en raison du variant dit “anglais”, il faudrait que 90 % de la population adulte soit vaccinée avant de pouvoir revenir à une vie normale sans risque de rebond épidémique. Fichu variant B.1.1.7, dit “anglais”. Sa propagation sur le sol français rend très précaire l’espoir,évoqué par certains scientifiques en début d’année, d’un retour à la “vie d’avant” la pandémie à l’automne 2021, selon les résultats des nouvelles modélisations publiées sur le site de l’Institut Pasteur, mardi 6 avril. Avec un variant anglais devenu dominant en France, il faudrait que 90 % de la population adulte française soit vaccinée contre le Covid-19 à la fin de l’été pour pouvoir faire table rase de toutes les mesures de distanciation sociale sans provoquer une nouvelle flambée de l’épidémie, concluent les auteurs de cette étude.  Le variant “anglais” a fait bondir le taux de reproduction du virus Ce qui - entre les problèmes de livraison de doses, le calendrier officiel de vaccination du gouvernement, et les réticences d’une partie de la population - est un objectif quasi-impossible à atteindre d’après plusieurs spécialistes interrogés par France 24. “Le message principal de nos travaux est que la vaccination va certes nous permettre de sortir de la crise, mais qu’il faut encore s’attendre à vivre avec certaines contraintes cet automne”, souligne Pascal Crépey, chercheur en épidémiologie et biostatistiques à l'École des hautes études en santé publique à Rennes et coauteur de l’étude publiée sur le site de l’Institut Pasteur, contacté par France 24. Alors comment ces chercheurs sont-ils parvenus à ce 90 %, alors qu’il était encore récemment admis qu’il fallait viser un taux de protection de la population contre le virus compris entre 60 et 70 % (la fameuse immunité collective) pour mettre à mal l’épidémie de Covid-19 ? Pour le comprendre, il faut se rendre compte à quel point le variant B.1.1.7 a changé la donne… et plus spécifiquement son impact sur le célèbre R0, c’est-à-dire le nombre moyen de personnes infectées par un cas en l’absence d’immunité et sans mesure de contrôle de l’épidémie. “Le R0 de la souche majoritaire qui circule en France a changé. Il était d’environ 3 pour le virus historique et il est estimé entre 4 et 5 pour le variant ‘anglais’”, explique Amaury Lambert, professeur de mathématiques à l’Université de la Sorbonne, contacté par France 24. Ce bond du R0 a été calculé en “prenant en compte les estimations scientifiques selon lesquelles le variant ‘britannique’ se propage 60 % plus facilement”, précise Pascal Crépey. Si les enfants pouvaient être vaccinés À partir de là “cela fait augmenter mécaniquement le seuil de vaccination à atteindre pour pouvoir envisager un retour à la vie normale sans risque de rebond épidémique”, conclut Amaury Lambert. C’est ainsi qu’on est passé, avec le modèle de l’étude mise en avant par l’Institut Pasteur, à un objectif de 90 % des personnes de plus de 18 ans vaccinées dans le scénario central de l’étude qui fait du variant “anglais” la souche majoritaire en France. Les chercheurs reconnaissent cependant que ce seuil à atteindre serait moins élevé si les enfants étaient également vaccinées. En effet, “si seuls les adultes sont vaccinés, une épidémie importante est malgré tout attendue chez les enfants, contribuant à l’infection des parents et des grands-parents non protégés”, notent les auteurs de l’étude. En incluant les moins de 18 ans, “la vaccination de 60-69 % des 0-64 ans et de 90% des plus de 65 ans pourrait permettre le relâchement complet des mesures de contrôle” dès septembre, reconnaissent les auteurs de l’étude.  Mais c’est une discussion purement théorique puisqu’à l’heure actuelle “aucun vaccin n‘a d’autorisation de mise sur le marché pour les enfants en France”, rappelle Pascal Crépey. En effet, les résultats de tests cliniques pour prouver que les remèdes de Moderna, Pfizer ou encore AstraZeneca sont aussi efficaces et sûrs chez les mineurs que chez les adultes n’ont pas encore été publiés. “Il est évident que si on connaissait l’efficacité de ces vaccins chez les enfants, cela pourrait permettre d’adapter la stratégie vaccinale”, résume Jean-Stéphane Dhersin, directeur adjoint scientifique de l’Institut national des sciences mathématiques et spécialiste de la modélisation d’épidémies, contacté par France 24. Des vaccins plus protecteurs ? Un autre paramètre qui pourrait influencer les priorités de la campagne de vaccination est le niveau de protection procurée par les injections. “À l’origine, on savait que les vaccins réduisaient fortement le nombre de cas sévères de Covid-19, mais on manquait de données pour savoir s’ils étaient aussi efficaces pour limiter la transmission [l’infectivité], ou pour empêcher la contamination [la susceptibilité] de la personne vaccinée. C’est pourquoi il a été décidé de vacciner en priorité les personnes fragiles et âgées afin de limiter le nombre de décès et d’hospitalisations”, rappelle Pascal Crépey. Les observations depuis le début des campagnes de vaccination un peu partout dans le monde suggèrent que les vaccins disponibles offrent aussi une bonne protection contre le risque de contamination. Le modèle retenu par l’étude indique que, dans le cas d’un vaccin efficace pour prévenir les formes graves et qui empêche d’être infecté, “l’ordre de priorité des populations à vacciner devient moins important”, souligne Pascal Crépey. Autrement dit, étendre la vaccination à toute la population adulte procure les mêmes avantages - limiter le nombre de décès ou d’hospitalisation - qui si on vaccine en priorité les personnes les plus à risque. “En effet, la vaccination des personnes plus jeunes, qui ont un risque plus faible de développer des formes sévères mais jouent un rôle important dans la transmission, permet de réduire la circulation du virus et donc de protéger de façon indirecte les plus fragiles”, écrivent les auteurs de l’étude. “Si le fait que les vaccins ont un réel impact sur la susceptibilité d’être contaminé se confirme, on pourrait réfléchir à ouvrir plus rapidement la vaccination aux plus jeunes”, affirme Pascal Crépey. Ce qui permettrait d’atteindre plus vite l’objectif de 90 % de la population adulte protégée. Mais même si ce seuil n’est pas atteint à l’automne, “on va tout de même tirer les bénéfices de la campagne de vaccination, car chaque personne ainsi protégée réduit la vitesse de propagation du virus”, souligne Jean-Stéphane Dhersin. Les autorités devraient, d’après lui, lentement mais sûrement pouvoir lever les contraintes ou les adapter. “On peut imaginer une réouverture des lieux de culture, mais où le public doit porter un masque, par exemple”, détaille-t-il. Il faudra juste pendant un certain temps redéfinir le concept de “vie normale”.

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