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Coups d’éclat, propositions et obstruction : des députés insoumis hyperactifs pendant cinq ans

LFI À L'ASSEMBLÉE Les députés LFI Clémentine Autain, Mathilde Panot, Adrien Quatennens, Éric Coquerel, Caroline Fiat et Jean-Luc Mélenchon (de haut en bas et de gauche à droite), le 25 février 2020, à l'Assemblée nationale. Les 17 députés de La France insoumise, élus en 2017, ont fait preuve d’une très grande activité à l’Assemblée nationale. Très rapidement, ils se sont faits remarquer par leur capacité à créer le buzz, mais aussi en bloquant certains textes du gouvernement. Législatives 2022 © Studio graphique FMM Une centaine de propositions de loi, plus de 60 propositions de résolution, plus de 60 000 amendements déposés, quatre commissions d’enquêtes et des milliers d’interventions dans l’hémicycle : malgré un effectif restreint, le groupe La France insoumise (LFI) à l’Assemblée nationale a fait preuve d’hyperactivité ces cinq dernières années. En juin 2017, Jean-Luc Mélenchon, sénateur de l’Essonne pendant 18 ans, est le seul des 17 députés insoumis à connaître le Parlement. Si bien que l’inexpérience de ses collègues n’a pas manqué d’être raillée lors des premiers mois de la mandature. Aide-soignante avant son élection, Caroline Fiat a ainsi été surnommée par certains opposants "la députée Bac –2", tandis qu’Adrien Quatennens, auparavant conseiller clientèle entreprises pour EDF, s’est vu affubler du sobriquet "député call-center". >> À lire : Les débutants de 2017 : "Leur inexpérience les a pénalisés" Les moqueries ont toutefois rapidement cessé devant la volonté des députés LFI de se positionner tout au long du quinquennat d’Emmanuel Macron en opposition frontale à sa majorité présidentielle et de jouer pleinement leur rôle. "Les députés LFI ont vraiment été très actifs, très présents et très investis dans leur rôle, aussi bien en commission que dans l’hémicycle, en effectuant un travail de fond sérieux", juge Olivier Rozenberg, professeur à Sciences-Po et spécialiste de la vie parlementaire. "Notre objectif était simple : être premier opposant et premier proposant", résume la députée du Val-de-Marne Mathilde Panot, présidente du groupe LFI. "Nous voulions à la fois combattre le gouvernement en faisant entrer à l’Assemblée nationale les différentes luttes sociales du pays tout en veillant, à chaque fois, à proposer une autre vision en déclinant notre programme en propositions de loi, poursuit-elle. Nous sommes par exemple le seul groupe à avoir présenté un contre-budget tous les ans et un contre-plan de gestion du Covid." "Notre parole a vocation à être entendue par le plus grand nombre" Mais ce sont surtout les coups d’éclat des députés LFI qui ont marqué les esprits. Très tôt dans la législature, les Insoumis ont su profiter de la tribune médiatique offerte par le Palais-Bourbon pour faire parler d’eux. Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis, interpellant le gouvernement sur la baisse des APL en sortant un panier de courses. Adrien Quatennens, député du Nord, encourageant les députés La République en marche à "s'insoumettre" lors de la révision du Code du travail. Ou encore François Ruffin, député de la Somme, portant le maillot d’un club de football amateur pour évoquer le financement du sport non professionnel. Autant de séquences qui ont créé le buzz, avec des vidéos largement partagées sur les réseaux sociaux. "C’est vrai que certaines de nos interventions ont fait plusieurs millions de vues, ce qui était assez inédit dans l’histoire de l’Assemblée nationale, se réjouit Mathilde Panot. Nous partons du principe que la parole que nous portons dans l’hémicycle a vocation à être entendue par le plus grand nombre, donc vous ne nous entendrez jamais parler de l’amendement n° 6147 visant à supprimer l’alinéa 4 de l’article 2. Quand Alexis Corbière sort son panier de courses, notre but premier, c’est de ramener du réel dans les débats." "Cette stratégie a été efficace puisqu’on en parle et qu’on s’en souvient, analyse Olivier Rozenberg. Mais surtout, cela a aussi été l’occasion de faire émerger, à côté de Jean-Luc Mélenchon, des nouvelles personnalités au sein de LFI qui n’auraient pas pu exister autrement. Le résultat au bout de cinq ans est donc plutôt bénéfique. Une relève a été formée." Les Insoumis ont également su tirer profit de leurs niches parlementaires, ces journées accordées aux groupes d’opposition pour qu'ils puissent fixer l’ordre du jour à l’Assemblée nationale – d'ordinaire établi par le gouvernement. Ces journées ont permis de mettre sur le devant de la scène des propositions de loi sur lesquelles le gouvernement n’était pas à l’aise : reconnaissance comme maladies professionnelles des pathologies psychiques résultant de l’épuisement professionnel, mise en place d’un récépissé dans le cadre d’un contrôle d’identité, interdiction du glyphosate, plafonnement des frais bancaires, élargissement du RSA aux jeunes de 18 à 25 ans ou encore création d’une taxe sur les profiteurs de crise. "Tous ces textes ont été rejetés mais comme ils étaient populaires dans l’opinion, ils leur ont permis de prendre à défaut le gouvernement", explique Olivier Rozenberg. La députée de Seine-Saint-Denis, Clémentine Autain, a toutefois réussi à faire voter, en janvier 2022, une résolution visant à reconnaître l’endométriose comme une affection longue durée (ALD). Deux jours après la présentation par le président de la République d’un plan lui étant consacré, ce sujet était au centre de l’attention médiatique. Il était donc très difficile pour la majorité présidentielle de voter contre cette reconnaissance, réclamée par les associations depuis plusieurs années. "Bloquer les délibérations, ça pose question" L’activité des députés insoumis a toutefois aussi été marquée par de nombreuses obstructions. Dans l’impossibilité de bloquer un projet de loi par le vote en raison de son infériorité numérique, le groupe LFI n’a pas hésité à multiplier les amendements et les rappels au règlement pour ralentir l’examen de certains textes. Début 2020, la réforme des retraites a ainsi donné lieu au dépôt de 19 000 amendements par les seuls députés insoumis. "Nous allons assumer que nous faisons de l’obstruction, avait alors expliqué Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV. Parce que, de la même manière qu’un syndicaliste fait grève pendant quarante-trois, quarante-cinq, cinquante jours et perd tout son salaire, les députés manqueraient à leur devoir s’ils n’utilisaient pas toutes les armes possibles pour retarder la décision finale qui pourrait s’imposer sans ça mécaniquement dans l’hémicycle. Si on laissait faire, en trois jours ils ont fini." "Ils ont vraiment tout fait pour bloquer l’adoption de la réforme et pousser le gouvernement à utiliser le 49-3, pour ensuite dénoncer son utilisation et accuser le gouvernement de déni de démocratie. C’est un bon coup stratégique car c’est toujours mauvais pour le pouvoir d’utiliser le 49-3. Mais ils l’ont fait au prix d’une certaine contradiction avec ce que les insoumis disent du rôle que devrait tenir le Parlement. Bloquer les délibérations, ça pose question", souligne Olivier Rozenberg. À tel point que la perspective de l’arrivée d’un très grand nombre de députés insoumis au Palais-Bourbon après les élections législatives (12 et 19 juin) donne des sueurs froides à la majorité présidentielle. "Les Insoumis sont dans une stratégie de bordélisation. (…) Il y a un risque de guérilla politique permanente sur le fond et sur la forme", prévient l’ancien président macroniste de l’Assemblée nationale, François de Rugy, dans un article publié le 16 mai par L’Opinion. >> À lire : Les débutants de 2017 : révélations, déçus du macronisme et erreurs de casting D’autant que le statut de premier groupe d’opposition lui offre en principe la présidence de la commission des finances, autre sujet d’inquiétude de la majorité présidentielle sortante. "Les Insoumis pourraient en profiter pour enquêter à Bercy afin de mettre en avant tel ou tel problème de dépense publique ou pour connaître dans le détail le bilan de la suppression de l’ISF, détaille Olivier Rozenberg. Mais je n’y vois pas un risque de chienlit. C’est plutôt l’occasion de voir des choses importantes se passer au Parlement." "C’est vrai qu’être 150 ou 200, ça change tout, car les votes où on nous écrase par le nombre, ça devient impossible. Et puis avoir la présidence de la commission des finances nous permettrait d’être des opposants à un niveau encore plus fort", convient Mathilde Panot. "Cela dit, reprend-elle, les Marcheurs ont raison d’avoir peur car nous ne souhaitons pas être le premier groupe d’opposition : nous voulons la majorité."

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