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Contrôle au faciès : que font les autres pays pour y mettre fin ?

profilage racial La mort de Nahel, tué à 17 ans par le tir d’un policier, a déclenché des émeutes à travers la France et ravivé dans le même temps l’épineuse question des discriminations policières, notamment celle du contrôle au faciès dans l'Hexagone. Les autres pays d’Europe ou d’Amériques font-ils mieux en la matière ? France 24 apporte quelques éléments de réponse. Il aura suffi d’une étincelle pour que la colère sous-jacente des jeunes de quartiers populaires refasse surface. Cette fois, l’élément déclencheur fut la mort de Nahel, tué à 17 ans par le tir d’un policier le 27 juin à Nanterre. Pour nombre d’observateurs, les contrôles de police récurrents et les discriminations de tous ordres expliquent en partie la flambée de violences qui a embrasé de nombreuses villes françaises.   Car le contrôle au faciès est une discrimination qui perdure. En France, les jeunes hommes perçus comme noirs et arabes ont une probabilité vingt fois plus élevée que les autres d’être contrôlés, selon une étude menée en 2016 par le Défenseur des Droits. Le recours au matricule des policiers et au code de déontologie en France  Lors de la campagne présidentielle de 2012, François Hollande avait fait la promesse d’y mettre fin. Force est de constater que la pratique demeure. "Les contrôles d'identité au faciès qui se multiplient, c'est le terreau sur lequel le feu se répand aujourd'hui", analyse le sociologue spécialiste des questions de sécurité et de police Sébastian Roché, invité de l'émission Ma France, le 30 juin sur France Bleu.   Pour y mettre fin, des solutions ont bien été avancées. Le président socialiste avait proposé l’idée de remettre un récépissé contenant le motif de chaque contrôle d'identité ainsi que le nom du policier afin de mieux encadrer la pratique. L’idée, jugée trop bureaucratique, a finalement été enterrée par Manuel Valls en septembre 2012, au grand dam des associations. Il a aussi été question de placer une caméra-piéton sur chaque policier. Testé dans certaines villes, le dispositif, onéreux, n’a eu aucun effet positif en la matière, de l’aveu même du directeur général de la police nationale (DGPN) Éric Morvan. Ce système n’a en effet pas permis de déterminer le caractère abusif du contrôle. Manuel Valls a finalement mis en place l’affichage du matricule des policiers. Son principe ? Si une personne estime avoir été victime d’un contrôle abusif, elle peut prendre en note le numéro de l’agent qui figure sur son uniforme et saisir directement l’IGPN, la "police des polices" sur Internet.  Enfin, le code de déontologie de la police a été réformé.   Moins d’insulte, mais une discrimination toujours présente  "On a pu voir que les programmes visant à sensibiliser la police sur cette question ont eu un effet sur les pratiques, indique Anaik Purenne, sociologue, chargée de recherche à l'Université de Lyon. On constate moins d’insultes lors des contrôles en France. Néanmoins, ce racisme se manifeste, comme dans le reste de la société, de manière plus voilée. Les policiers français ont tendance à employer un langage plus relâché ou un recours au tutoiement plus fréquent avec certains. Une attitude beaucoup moins professionnelle que celle constatée dans des pays anglo-saxons".   Est-ce à dire que le problème est mieux géré à l’étranger ? Pas sûr. Un rapport publié un an après les manifestations de Black lives matter établi sur 35 000 citoyens de l’Union européenne (UE) a montré que les agents de police des États-membres ont contrôlé l’identité de 34 % des personnes issues de minorités ethniques, contre seulement 14 % de l’ensemble de la population de l’UE. Parmi les plus mauvais élèves : l’Italie, la Suède, les Pays-Bas et le Portugal. Chez ces deux derniers, les Roms ont signalé des niveaux élevés de discrimination. Respectivement 86 % et 84 % des personnes roms interrogées déclaraient avoir été victimes de profilage racial par la police.  Des récépissés au Royaume-Uni et dans certaines villes d’Espagne  Si le problème semble général, des solutions spécifiques ont été adoptées un peu partout en Europe.  Au Royaume-Uni par exemple, une loi dite PACE (Police and Criminal Evidence Act) mise en place depuis 1986 encadreles contrôles d'identité. Le pays, qui collecte de façon systématique des données concernant les contrôles de police en relation avec l'appartenance ethnique, a mis en place le principe du récépissé remis à chaque contrôle qui comprend notamment le nom du policier, le motif du contrôle, le code ethnique, l'heure de la fouille et ses raisons. À Londres, les données collectées indiquent que les agents de la capitale contrôlent en majorité des personnes blanches. Mais si l’on rapporte les chiffres à la population générale, on constate qu'une personne noire a 4,5 fois plus de risques d'être contrôlée qu'une personne blanche, indique un rapport britannique.   Comme au Royaume-Uni, l’Espagne a aussi misé depuis 2007 sur le procès-verbal remis à l’issue de chaque contrôle dans certaines localités. Le récépissé délivré renseigne sur la durée du contrôle, le motif, la nationalité, le sexe, l'âge et l'éventuelle infraction ainsi que le numéro de matricule de l'agent. Les données recueillies sur ces contrôles ont indiqué que le nombre de contrôles avait été divisé par deux et que la police était deux fois plus efficace dans ses choix. En revanche, l'expérience étendue à d'autres villes espagnoles a été abandonnée en raison de la forte opposition des forces de police à ce dispositif.  Les expériences américaines et canadiennes    Outre-Atlantique, d’autres expériences ont été menées avec plus ou moins de succès. Aux États-Unis, il n'existe pas de législation fédérale sur les contrôles d'identité, chaque État détermine ses propres pratiques. À New York, la police, qui doit avoir "un doute raisonnable" pour procéder à un contrôle, remet, elle, aux personnes concernées une fiche les informant de la procédure et de leurs droits. Aucun reçu n'est donné. Mais là encore, les dispositifs sont encore loin d’être satisfaisants car les profils de personnes noires ou hispaniques restent plus contrôlés que les autres, selon un rapport publié en 2020 par Data Collaborative for Justice. "Des efforts ont été déployés pour limiter certaines techniques policières aux États-Unis, comme l'interdiction de l'interpellation et de la fouille dans la ville de New York, souligne Jean Beaman, professeure américaine agrégée de sociologie à l'Université de Californie à Santa Barbara. C'est une grande victoire, mais en même temps, cela ne change pas les pratiques générales de profilage racial dans la police, dans le sens où ils sont plus susceptibles de penser qu'il y a davantage de soupçons d'activité criminelle" parmi les minorités ethniques.   Au Canada, pas de récépissé. Mais les contrôles d'identité nécessitent "un cadre juridique". Un badge d'identification bien visible figure sur les uniformes des policiers. Une politique volontariste de recrutement d'agents issus des "minorités" et des contacts suivis avec la commission locale des droits de l'Homme ont également été mis en place. Conséquence, les contrôles sont très respectueux. Mais là encore, les données sont implacables et révèlent une prévalence des contrôles des personnes issues des minorités. "En travaillant à la fois sur la France et sur le Canada, j’avais tendance à pas mal idéaliser ce qui se passait là-bas, confie Anaik Purenne. Il y a des années qu’ils ont mis en place des dispositifs spécifiques. Mais les enquêtes quantitatives disponibles montrent que le phénomène continue malgré tout".   Devant ce sombre tableau, existe-t-il des solutions propres à endiguer ce fléau ? "En France, la première solution serait déjà de reconnaître qu’il y a un problème de discrimination et d’ouvrir une réflexion pour en rechercher les causes. Mener une telle réflexion ne doit pas jeter l’opprobre sur une profession ou la remettre en cause car elle dépend, dans une large mesure, des politiques publiques qui sont mises en place par les gouvernements". 

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