Championnats d'Europe de judo : où en sont les Bleus à neuf mois des JO ?
SUR LA ROUTE DE PARIS
Lors des championnats d'Europe de judo du 3 au 5 novembre, l'équipe de France a remporté neuf médailles, dont cinq titres. Si Clarisse Agbégnénou a déçu, tout comme Madeleine Malonga et Audrey Tcheuméo, d'autres, à l'image de Luka Mkheidze, ont brillé dans la course interne aux Bleus pour les JO de Paris.
Une pluie de médailles, cinq couronnes et quelques enseignements… Les championnats d'Europe de judo se sont conclus dimanche 5 novembre à Montpellier et la France a été au rendez-vous. Chez les femmes comme chez les hommes, des judokas ont fait un grand pas vers leur sélection olympique, l'objectif de Paris-2024 étant dans toutes les têtes.
Du côté de la Fédération française de judo, on se félicite avant tout d'un "bilan extraordinaire". Les Bleus repartent avec neuf médailles autour du cou, dont cinq en or, sur "quatorze catégories possibles [...], c'est magnifique, on ne peut guère faire beaucoup mieux", se félicite Stéphane Nomis, son président, sur franceinfo. "On est hyper contents de nos judokas", qui étaient "sous la pression".
Une pression causée notamment par la proximité des JO de Paris où les judokas et judokates français sont surtout en concurrence avec des compatriotes pour gagner le droit d'y concourir. En effet, dans cet art martial, la règle est impitoyable pour un pays aussi compétitif que la France : un seul représentant par pays et par catégorie de poids.
Si la route vers Paris est encore longue, ces championnats d'Europe étaient annoncés comme une première étape d'importance pour la sélection olympique. Passage en revue des performances bleues.
Sans concurrence
Si elle n'avait pas de concurrente de taille dans la catégorie des -48 kg, Shirine Boukli a tout de même marqué les esprits en remportant la première finale du week-end. Un troisième titre européen consécutif pour la native du Gard, glané chez elle. À neuf mois des JO de Paris, la judoka de 24 ans confirme sa bonne forme après sa médaille d'argent décrochée en mai dernier aux Championnats du monde de Doha.
Même histoire pour Amandine Buchard chez les -52 kg. Dominée pendant une majeure partie de la finale, la vice-championne olympique de Tokyo a fini par trouver l'ouverture sur un mouvement au sol au cours de la prolongation. Alpha Djalo a aussi répondu présent chez les -81 kg. À 27 ans, il s'est offert sa première médaille dans un championnat international après de nombreuses tentatives en revenant d'une blessure à l'épaule.
Celles et ceux qui ont pris l'avantage
Chez les hommes en -60 kg, la sélection olympique se jouera entre Luka Mkheidze et Romain Valadier-Picard. Avantage au premier désormais. Le pensionnaire du PSG a sans doute pris une longueur d'avance pour la qualification olympique sur l'autre Français engagé dans la catégorie, Romain Valadier-Picard, qui a tout de même décroché le bronze.
Dans la catégorie des -70 kg, Marie-Ève Gahié a aussi remporté une manche certainement décisive face à Margaux Pinot. Expéditive tout au long de la compétition, la championne du monde de 2019 a battu en finale la Russe Madina Taimazova par ippon en moins de deux minutes. "J'espère avoir fait un grand pas mais il faut continuer", a-t-elle déclaré.
Dans la catégorie des +100 kg, Romane Dicko a marqué son territoire. Toujours invaincue au niveau continental après ses victoires en 2018, 2020 et 2022, elle a battu en finale, comme l'an dernier, l'Israélienne Raz Hershko, numéro 1 mondiale de la catégorie, de manière expéditive.
"C'est un titre européen en plus (...), j'espère que j'en aurai encore plein, mais il y a une médaille olympique à aller chercher avant ça", a réagi la judoka de 24 ans, en concurrence pour la sélection aux Jeux de Paris avec Julia Tolofua, non retenue à Montpellier en raison d'une opération à une épaule.
Romane Dicko, qui s'était révélée aux Jeux de Tokyo en 2021 en allant chercher une médaille de bronze individuelle, avait confirmé dans la foulée en remportant les Championnats du monde de Tachkent en 2022 pour sa première participation, puis le Masters en fin d'année dernière. Mais un accident de parcours aux Mondiaux de Doha en mai dernier et la montée en puissance de Julia Tolofua, régulièrement médaillée au meilleur niveau et vice-championne du monde en titre, ont rendu la sélection pour les JO de Paris plus incertaine que prévue.
Tout reste à faire
Dans la catégorie des -90 kg, rien n'est joué. Repêché après la blessure de Maxime-Gaël Ngayap Hambou, Axel Clerget n'en a pas profité (non classé). Mais dans le même temps, Alexis Mathieu a été mal payé (7e) d'une journée où il a malmené le champion olympique géorgien Lasha Bekauri. Chez les -73 kg, Joan-Benjamin Gaba n'a pas brillé et finit non classé. De quoi laisser en suspens la question du représentant français dans la catégorie.
La prestation anonyme d'Aurélien Diesse (-100 kg) ne tranche pas non plus la question de la qualification olympique dans cette catégorie, même si les alternatives sont inexistantes.
Elles ont déçu
Madeleine Malonga, vice-championne olympique à Tokyo, et la revenante Audrey Tcheuméo, à la lutte pour le billet olympique en -78 kg, ont toutes deux raté leur rendez-vous. Méconnaissable, Tcheuméo s'est inclinée en repêchage, tandis que Malonga a été battue dès son entrée en lice.
"J'étais en retrait, je ne me suis pas libérée. Pourtant, je n'étais pas stressée. J'étais sur la retenue, sur le calcul, ce qui n'est pas mon point fort, et je n'ai pas réussi à relâcher le frein", a regretté Tcheuméo, double médaillée olympique. "Je sais que ce n'est pas la fin. Vu la façon dont j'ai travaillé, ce n'est pas possible que ça s'arrête là", a promis de son côté Madeleine Malonga.
Mais la plus grosse surprise est venue de Clarisse Agbégnénou. Légende en activité du judo français en -63 kg, elle a quitté les tatamis héraultais sans médaille. Samedi, elle n'a été que "l'ombre d'elle-même", a estimé son entraîneur, Ludovic Delacotte. "Il a manqué pas mal de choses."
Après avoir atteint les quarts de finale dans la difficulté, elle a été dominée par la Kosovare Laura Fazliu, numéro 2 mondiale. Beaucoup moins tranchante qu'à son habitude, elle s'est ensuite inclinée en repêchage face à la Hongroise Szofi Özbas au terme de la prolongation.
À l'issue de son élimination, la double championne olympique de Tokyo a exprimé "beaucoup de frustration". "Je suis très déçue mais je me dis que c'est aussi bien, je vais travailler, ça me met de la hargne", a-t-elle déclaré, tout en relativisant et assurant qu'elle reviendrait plus forte. "Je préfère perdre ici qu'aux Jeux."
L'autre monstre sacré du judo français, Teddy Riner, avait lui fait l'impasse sur les championnats d'Europe dans le cadre de sa préparation aux JO de Paris 2024, ses cinquièmes olympiades.