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Économie et marchés

Ce qu'il faut savoir sur les réserves stratégiques de pétrole

STOCKS D'ÉNERGIES Une photo non datée fournie par le département américain de l'Énergie montre des tuyaux de pétrole brut sur le site de Bryan Mound près de Freeport, au Texas. Il s'agit de l'un des quatre sites faisant partie de la réserve stratégique de pétrole des États-Unis. Face à une envolée des prix de l’essence à la pompe, Joe Biden a annoncé, jeudi, vouloir recourir à une partie de la réserve stratégique de pétrole américaine. Ces stocks, constitués pour parer à des situations d’urgence énergétique, ont déjà été utilisés par le passé pour diverses raisons aussi bien en France qu'outre-Atlantique. France 24 fait le point. Coup de chaud sur l’or noir. Alors que le prix du Brent a grimpé jusqu'à environ 139 dollars début mars – son niveau le plus élevé depuis 2008 – et se situait, jeudi 31 mars, à près de 110 dollars le baril dans les échanges en Asie, les prix à la pompe se sont envolés dans plusieurs pays. Aux États-Unis, le gallon (3,78 litres) se vend au-dessus de 4 dollars pour la première fois depuis plus de dix ans. Pour faire face à cette situation, Joe Biden a annoncé qu’il allait injecter “plus de 180 millions de barils” sur le marché aux États-Unis au cours des six prochains mois pour “soulager les ménages”. Quand le cours du pétrole s’emballe, ou quand une pénurie énergétique menace, plusieurs États peuvent ainsi recourir à leurs réserves stratégiques de pétrole. Ces dernières sont constituées pour faire face aux situations exceptionnelles pouvant représenter une menace sur les économies nationales. La réserve stratégique de pétrole (RSP) est soit directement détenue par un État soit par des compagnies pétrolières privées contraintes, par l’État, de constituer ces stocks, comme en Italie. Ces États – principalement importateurs de pétrole – se sont coordonnés, après le premier choc pétrolier de 1973, en adhérant à l’Agence internationale de l’énergie (AIE) afin d'être moins dépendants des variations des cours du pétrole qui fluctuent principalement au gré des décisions prises par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Cette dernière représentait 55 % de la production mondiale de pétrole en 1970, et encore 34,7 % en 2020. La RSP a été définie par l’AIE, précisant que “l’engagement en matière de réserves d’urgence de chaque pays participant” devait “porter le niveau effectif de ses réserves d’urgence à 90 jours” d’importations nettes. Les États-Unis, ainsi que plusieurs États européens dont la France, font partie des 31 pays adhérents de l’AIE. La plus grosse RSP au monde est américaine avec 568 millions de barils en stock en mars 2022, selon le dernier décompte du département américain de l'Énergie. La France dispose, quant à elle, de 18 millions de tonnes de pétrole gérées principalement par la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (Sagess). Les réserves stratégiques existaient avant le premier choc pétrolier de 1973 pour répondre avant tout aux besoins énergétiques des armées. Le pétrole a été considéré comme une ressource stratégique dès le début du XXe siècle par les États-Unis et le Royaume-Uni. En France, c’est la loi du 10 janvier 1925 qui vise à “sanctuariser un stock” pour le pays, comme l’explique Paul Kaeser, ingénieur militaire du Service des essences des armées. La première alerte énergétique pour les pays consommateurs de Brent a lieu après la crise du Canal de Suez (1956) “qui avait entraîné une baisse du flux pétrolier”, rappelle le journal Les Échos. Vient ensuite le premier choc pétrolier qui amène les États dépendant du pétrole à se coordonner par l'intermédiaire de l’AIE pour constituer des réserves stratégiques. C’est à l’État de chaque nation concernée que revient la décision de recourir à sa RSP, ce qui est arrivé à plusieurs occasions. Aux États-Unis, le président George Bush a pioché dans ce stock stratégique durant la première guerre du Golfe, en 1991 ; George W. Bush après le passage de l'ouragan Katrina, en 2005 ; et Barack Obama durant la guerre civile en Libye, en 2011. Avant jeudi, Joe Biden avait lui aussi déjà eu recours à la réserve de pétrole américaine en novembre 2021 pour tenter de faire baisser les cours du brut. La France a aussi eu recours à son stock stratégique de pétrole à plusieurs reprises, dans la majorité des cas pour tenter de contrer l’envolée des prix des carburants à la pompe ou alimenter les stations-service menacées de pénurie. Elle a ainsi utilisé l’équivalent de trois jours de réserve de pétrole (sur 115 disponibles) en 2016, au plus fort d’une contestation sociale qui avait amené un blocage important des raffineries françaises. Enfin, l’AIE peut aussi décider d’une action collective pour que ses membres mobilisent une partie de leur RSP dans des circonstances exceptionnelles. Ce fut ainsi le cas le 1er mars dernier quand, comme l’a écrit l’organisation internationale, “les 31 pays membres (...) ont accepté de libérer 60 millions de barils de pétrole de leurs réserves d'urgence afin d'envoyer un message unifié et fort aux marchés pétroliers mondiaux, à savoir qu'il n'y aurait pas de pénurie d'approvisionnement à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie”. Les RSP sont réparties différemment selon les territoires. Aux États-Unis, la RSP est concentrée dans une même zone géographique dans le Golfe du Mexique, répartie sur quatre sites tous à proximité d’un centre pétrochimique : Bryan Mound et Big Hill (au Texas), West Hackberry et Bayou Choctaw (en Louisiane). Leur localisation ne doit rien au hasard : le pétrole est stocké dans des cavernes de sel souterraines qui existaient déjà dans les années 1970 quand les États-Unis ont commencé à créer leurs stocks d’urgence. “En plus d'être le moyen le moins coûteux de stocker du pétrole pendant de longues périodes, l'utilisation de cavernes de sel profondes est également l'une des plus sûres sur le plan environnemental”, précise le département américain de l'Énergie – qui ajoute que ces sites ont été choisis “parce qu'ils offrent les moyens les plus souples de se connecter au réseau commercial de transport de pétrole du pays”. En effet, la RSP est regroupée dans trois réseaux géographiques de distribution par oléoducs sur la côte du Golfe, et chacun de ces systèmes d'oléoducs a accès à un ou plusieurs grands centres de raffinage, à des oléoducs de pétrole brut interétatiques et à des terminaux maritimes pour la distribution du pétrole brut. En France, la RSP est disséminée sur l’ensemble du territoire. On dénombre 98 sites pour le stockage stratégique de pétrole : 89 dépôts commerciaux, 8 raffineries et le site de Manosque (sud-est de la France). Ce dernier emplacement, composé de 30 cavités salines en sous-sol, représente un double intérêt stratégique : il a une capacité de plus de 9 millions de mètres cubes de stockage d’hydrocarbures et est relié à plusieurs infrastructures importantes, des raffineries et usines pétrochimiques de la zone Fos/Lavéra au Grand Port Maritime de Marseille, en passant par plusieurs réseaux européens de pipelines. >> À lire : Joe Biden dégaine l'arme à double tranchant des réserves stratégiques de pétrole

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