Après le crash d'une fusée Blue Origin, le programme spatial de Jeff Bezos en pause
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Isabelle Labeyrie et rédaction internationale
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La course à l'espace n'est pas un sport sans risque. Ce lundi 12 septembre, une fusée de Blue Origin, l'entreprise spatiale du milliardaire américain Jeff Bezos, s'est crashée au décollage au Texas.
Une minute et quatre secondes seulement après son décollage, pile au moment où Blue Origin atteignait sa pression maximale, le lanceur a dévié de sa trajectoire, ses propulseurs en flammes, avant d'aller piteusement s'écraser quelque kilomètres plus loi, "dans la zone dédiée aux aléas", a écrit le régulateur américain de l'aviation civile, la FAA. Il n'y a pas d'images de l'événement.
La bonne nouvelle, c'est que la capsule d'équipage s'est éjectée sans difficulté, projetée à une vitesse impressionnante. Ses parachutes se sont déployés, elle est redescendue sur terre un peu plus de sept minutes après l'accident. Pas très en douceur, c'est vrai, mais sans dommages. Elle a pu être récupérée et devrait pouvoir servir de nouveau.
Il n'y avait aucun astronaute à bord, c'était un vol inhabité qui devait servir à des projet scientifiques dont certains étaient financés par la Nasa : entre autres, une expérience d'intelligence artificielle pour enregistrer des données suborbitales ou des tests sur la façon dont la cire d'abeille peut être fabriquée dans l'espace pour créer des produits de propulsion plus propres.
Un accident rarissime
Ce genre d'accident reste rarissime. En tout cas pour ce programme New Shepard, qui envoie aussi des touristes dans l’espace et qui est réputé extrêmement fiable. C'était ainsi sa 23e mission, et jusqu'ici tous les lanceurs avaient pu être récupérés et réutilisés après avoir envoyé sans problème les capsules en vol suborbital (à une centaine de kilomètres). Personne, en tout cas, ne s'attendait à ce que ce vol parte en quenouille...
C'est un vrai coup dur pour l’entreprise du fondateur d’Amazon, qui peut compromettre ses ambitions d'envoyer toujours plus de monde dans l'espace. Le régulateur américain de l’aviation civile (FAA) a interdit tout nouveau décollage tant que les ingénieurs n'auront pas identifié et corrigé la cause du dysfonctionnement.
31 touristes déjà envoyés dans l'espace
Or, depuis plus d'un an, Blue Origin fait son beurre avec les vols habités. Le programme New Shepard a déjà emmené 31 touristes dans l'espace (dont notamment l’acteur incarnant l’emblématique capitaine Kirk de la série Star Trek, William Shatner), à bord de six vols différents de 10 à 15 minutes chacun. Jeff Bezos lui-même en a profité en 2021. Début août, l’entreprise avait envoyé avec succès la première Égyptienne et le premier Portugais dans l’espace. Le prix du billet n'est pas public, mais il n'est pas à moins de 200 000 dollars.
Évidemment, ce coup d'arrêt va faire le bonheur du principal concurrent de Jeff Bezos, Elon Musk, à la tête de SpaceX. Les deux hommes, deux milliardaires à l’ego aussi démesuré que leurs projets, aspirent au même rêve : s’installer durablement dans l’espace. Elon Musk qui - étonnamment cette fois - n'a pas eu de mot moqueur sur les réseaux pour son rival malheureux.
En 2021, la Nasa a choisi SpaceX pour construire l’engin d’alunissage qui conduira les prochains astronautes américains sur la Lune. Un juteux contrat à 2,9 milliards de dollars. Ca n'avait pas du tout plu à Jeff Bezos qui avait déposé un dossier de contestation. Sans succès. Quand il l'avait appris, Elon Musk avait comparé les fusées clouées au sol de son rival et problèmes érectiles ("Can't get it up (to orbit)", "Il n'arrive pas à la lever (pour la mettre en orbite)")
Jeff Bezos va toutefois pouvoir se consoler : il a d'autres projets, dont deux au moins sont autrement plus ambitieux que les vols suborbitaux. Il a toujours dans ses cartons la construction d'une nouvelle fusée, la New Glenn, qui elle pourra se maintenir en orbite autour de la terre.
Et le chantier de sa propre station spatiale, Orbital Reef, presque aussi grande que la Station spatiale internationale (ISS) qui doit prendre sa retraite au début des années 2030. Destinée à accueillir jusqu'à 10 passagers, astronautes, chercheurs, touristes, hommes d’affaires ou réalisateurs de cinéma. La Nasa a donné son feu vert, le projet est en phase de design.