Agression d'Yvan Colonna en prison : ce qu'il faut retenir de la conférence de presse du procureur du Parquet national antiterroriste
Agression d'Yvan Colonna en prison : ce qu'il faut retenir de la conférence de presse du procureur du Parquet national antiterroriste
Jean-François Ricard s'est exprimé dimanche, quatre jours après la grave agression d'Yvan Colonna à la prison d'Arles. Il a notamment annoncé l'ouverture d'une information judiciaire à l'encontre de Franck Elong Abé, le détenu qui s'en est pris à Yvan Colonna.
"Une fois de plus, le fanatisme islamiste est à l'origine d'un crime terroriste dans notre pays", a annoncé Jean-François Ricard, procureur de la République à la tête du Parquet national antiterroriste (Pnat), lors d'une conférence de presse, à Paris, dimanche 6 mars.
Mercredi 2 mars, au matin, Yvan Colonna, détenu de 61 ans à la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône), a été victime d'une violente agression d'un codétenu, Franck Elong Abé. Condamné à la réclusion à perpétuité pour l'assassinat du préfet de Corse, Claude Erignac, en 1998, Yvan Colonna est encore, dimanche 6 mars, dans le coma, a confirmé le procureur.
Alors qu'environ 4000 personnes se sont réunies pour soutenir Yvan Colonna à Corte (Haute-Corse), dimanche 6 mars, franceinfo revient sur les principales annonces du procureur ce dimanche.
Le procureur ouvre une information judiciaire
Une information judiciaire va être ouverte pour "tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste" et "association de malfaiteurs terroriste", a annoncé le procureur national antiterroriste, dimanche.
L'enquête s'attachera à "retracer avec la plus grande minutie le parcours en détention" de l'agresseur, "déterminer la totalité de ses contacts, notamment parmi les personnes partageant son idéologie" et "éclaircir les éventuelles interactions (...) susceptibles d'avoir joué un rôle dans les faits", a précisé Jean-François Ricard.
Dès le jeudi 3 mars, le Pnat s'est saisi des faits pour trois raisons, explique le procureur. D'abord, à cause de la violence des faits, avec une "durée qui témoigne d'une intention homicide avérée et réitérée de l'auteur présumé". Ensuite, "l'exclusion de tout motif autre que celui résultant d'une conception religieuse extrémiste". Enfin, le parcours de l'intéressé, partisan de l'islamisme radical. Depuis 2014, Franck Elong Abé, 35 ans, est condamné pour plusieurs peines pour avoir mené des "actions armées aux côtés des talibans en Afghanistan courant 2011-2012". Il avait été arrêté à un passage frontière en octobre 2012, puis renvoyé en France en mai 2014 avant d'être jugé en 2016.
Huit minutes de coups et de suffocation
Retraçant minute par minute le déroulement de l'agression mercredi matin, le procureur a déclaré que "l'acharnement systématique déployé par le mis en cause" ne laissait "que peu de doutes sur son intention homicide".
Selon le déroulé des faits dressé par Jean-François Ricard, le 2 mars 2022, à 8 heures, Yvan Colonna s'est rendu à une salle de sport pour son rituel matinal quotidien. A 8h30, le détenu qui l'accompagnait est remonté en cellule. Yvan Colonna a alors poursuivi, "seul", ses activités sportives. "A chaque mouvement de détenu, les salles d'activité sont ouvertes et fermées" à clé, précise le procureur.
Depuis septembre 2021, chaque jour entre 8 h 30 et 11 heures, Franck Elong Abé est en charge du nettoyage des salles de sport. Le surveillant l'a laissé faire son travail et s'est positionné "entre les deux ailes qu'il avait à contrôler". Peu avant 10h25, Franck Elong Abe, à l'entrée de la salle de sport, a alpagué un surveillant, indiquant qu' "Yvan a fait un malaise". D'autres surveillants puis des soignants sont intervenus, alors que "Franck Elong Abé a feint d'aider les divers intervenants avant d'être reconduit en cellule".
Que s'est-il passé entre 10h10 et 10h25 ? Grâce aux enregistrements de la caméra de surveillance de la salle de sport, la "réalité" a pu être démontrée. A 10h13, Franck Elong Abe a pénétré dans la salle de sport, alors qu'Yvan Colonna faisait des exercices au sol. Il a changé un sac-poubelle et, trente secondes plus tard, "Franck Elong Abe s'est précipité sur Yvan Colonna et lui a sauté brutalement sur le dos". Pendant plus de 8 minutes, de violents coups ont été portés par Franck Elong Abe qui "a mis en œuvre des techniques de strangulation et d'étouffement, y compris en utilisant des sacs-poubelles et des serviettes."
L'agresseur a déjà été violent en prison
Jusqu'à l'agression, les deux hommes s'étaient déjà côtoyés, notamment lors d'activités sportives. Mais en garde à vue, Franck Elong Abé a reconnu les faits et "expliqué de manière réitérée son acte par ce qu'il considérait comme des 'blasphèmes'" énoncés par Yvan Colonna. Lors des jours précédant l'attaque, ce dernier aurait, selon l'agresseur, dit qu'il "crachait sur Dieu".
Bien que "les investigations ne fassent que commencer", le procureur souligne qu'au cours de sa détention, Franck Elong Abé a, "à plusieurs reprises, exprimé son idéologie radicale" auprès d'autres détenus. Il a parlé de "mécréants", se réjouissant de certains attentats, dont l'assassinat de l'enseignant Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) en octobre 2020.
L'agression d'Yvan Colonna n'est pas la première pour Franck Elong Abé, qui a déjà eu des "comportements violents envers d'autres personnes et lui-même", note le procureur. "De multiples incidents disciplinaires ont émaillé sa détention" dans les cinq premiers établissements où il est passé.
La garde à vue de Franck Elong Abé levée
La garde à vue de l'agresseur d'Yvan Colonna a été levée, dimanche. Le parquet va requérir la mise en examen de Franck Elong Abé et son placement en détention provisoire, a indiqué Jean-François Ricard.
Depuis son arrivée à Arles, en octobre 2019, il était passé par différents régimes : le quartier d'isolement jusqu'en avril 2020, puis un quartier spécifique d'intégration, avant d'être placé en détention ordinaire depuis un an, tout en conservant le statut de détenu particulièrement surveillé. Sa fin de peine était prévue pour décembre 2023.
Yvan Colonna est toujours dans le coma
Le militant indépendantiste corse, condamné pour avoir tué le préfet Erignac en 1998, se trouve dans le coma. Son pronostic vital est, à cette heure, "toujours engagé", a par ailleurs indiqué le procureur. Yvan Colonna avait été découvert par les surveillants en arrêt cardio-respiratoire. Les soignants du centre lui ont prodigué un massage cardiaque, puis injecté de l'adrénaline, avant que le Samu, puis l'hôpital, poursuivent les soins.