Affaire Omar Raddad : trois questions sur les révisions de procès en France
Alors que la deuxième requête en révision de la condamnation d'Omar Raddad sera examinée jeudi par la Cour de cassation, franceinfo vous explique la procédure qui peut aboutir à rejuger une affaire et revient sur quelques affaires emblématiques où la réhabilitation de l'accusé a été rendue possible.
Cela fait bientôt 30 ans qu'Omar Raddad réclame son innocence. Ce jardinier marocain avait été condamné à 18 ans de prison en 1994 pour le meurtre de Ghislaine Marchal, pour qui il travaillait. Le message "Omar m'a tuer" (sic) avait été inscrit sur une porte avec le sang de la victime. Grâcié partiellement par Jacques Chirac en 1996 et libéré en 1998, Omar Raddad a depuis entamé un long combat pour sa réhabilitation.
La deuxième demande en révision de sa condamnation, sur la base de nouvelles analyses de traces d'ADN, sera examinée jeudi 25 novembre par la Cour de cassation. Mais quelles sont les conditions pour déposer une demande ? Y a-t-il déjà eu des affaires similaires ? On fait le point.
1En quoi cela consiste-t-il ?
Une demande de révision d'une décision pénale peut être demandée exceptionnellement si et seulement si un fait nouveau ou inconnu au moment du procès ressurgit. C'est la Cour de révision et de réexamen qui examine les demandes. Si elle est acceptée, le tribunal peut décider d'annuler la condamnation ou de rejuger l'affaire. Il est possible de faire sa demande de révision à tout moment, même si la personne condamnée est décédée ou s'il y a prescription des faits.
La procédure de révision d'une condamnation pénale en France n'existe que depuis 1945. Mais jusqu'en 1989, les conditions étaient très strictes, puisqu'il fallait un "élément nouveau" de nature à établir l'innocence. Depuis la loi du 23 juin 1989, le fait nouveau doit être "de nature faire naître un doute sur la culpabilité". De plus, la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence permet à l'accusé condamné a la possibilité de faire appel d’un verdict de cour d’assises. Auparavant, le jury populaire étant considéré comme infaillible, seul le pourvoi en cassation était autorisé. Enfin, un autre amendement porté par le nouveau texte de loi "Confiance dans l'institution judiciaire", qui devrait être promulgué le 15 décembre prochain, prévoit expressément l'introduction d'un nouveau cas de révision lorsque la culpabilité de la personne résulte d'aveux obtenus par la torture.
Qu'en est-il au civil ? La révision d'une décision de justice n'est possible que lorsqu'il y a eu fraude de la partie gagnante ou bien qu'une pièce décisive a été délibérément conservée. Dans ce cas, la demande doit être faite par par le biais d'un huissier devant la juridiction qui a rendu la décision initiale, que ce soit un tribunal judiciaire, de proximité ou une cour d'appel. Toute personne dispose de deux mois à compter du moment où elle se procure les éléments. Le délai varie pour les personnes vivant à l'étranger ou en Outre-mer.
2Est-ce exceptionnel ?
Les révisions de condamnations pénales restent rares en France dans les affaires criminelles. Depuis 1945, une dizaine d'accusés seulement ont bénéficié de leur vivant d'une révision et d'un acquittement : parmi eux, Loïc Sécher en 2011, Patrick Dils en 2002, Kader Azzimani et Brahim El Jabri en 2014.
Parmi les demandes qui ont échoué, l'affaire Seznec demeure l'une des plus grandes énigmes judiciaires du 20e siècle. Guillaume Seznec a été condamné au bagne en 1924 pour le meurtre du conseiller général du Finistère Pierre Quéméneur. Sans preuve, ni aveux, ni cadavre. L'homme a vainement tenté de faire réviser son procès en 1926. Après sa mort, sa famille a déposé une douzaine de demandes de révision, toutes rejetées.
Autre nom synonyme d'erreur judiciaire en France : Marc Machin. Accusé à tort du meurtre de Marie-Agnès Bedot sur le pont de Neuilly, en 2001, il a passé près de six ans derrière les barreaux. Victime d'une erreur judiciaire, il avait été acquitté en révision, en décembre 2012. Entretemps, l'auteur du meurtre, David Sagno, s'était constitué prisonnier en mars 2008, ce qui a permis l'annulation de la condamnation de Marc Machin par la Cour de révision. La justice lui a alors attribué 663 320 euros d'indemnisation.
3 Quels sont les cas les plus récents (et les prochains) ?
Outre l'exemple de Marc Machin, on peut citer les cas de Loïc Sécher, acquitté en 2011 après avoir passé sept ans derrière les barreaux pour un viol qu'il n'a pas commis, ou celui de Kader Azzimani et Brahim El Jabri, acquittés en 2014 après avoir été incarcérés respectivement 11 ans et demi et 13 ans pour le meurtre d'Abdelaziz Jhilal, à Lunel en 1997. Ils avaient été condamnés le 25 juin 2004 à 20 ans de réclusion criminelle par la cour d'appel de Perpignan.
L'une des affaires emblématiques qui pourrait donner lieu à une réhabilitation est bien celle de Raymond Mis et Gabriel Thiennot, deux chasseurs de Mézières-en-Brenne. Ils avaient été condamnés pour le meurtre du garde-chasse Louis Boistard, retrouvé le 31 décembre 1946 dans un étang de saint-Michel-en Brenne, dans l'Indre. Quelques semaines après, ces deux chasseurs étaient passés aux aveux, puis s'étaient rétractés. Les deux hommes ont ensuite expliqué avoir été forcés aux aveux par des actes de torture.
Depuis, un comité de soutien se bat pour qu'ils soient innocentés, mais six requêtes en révision ont été rejetées. Avec cette nouvelle loi, qui "prévoit un nouveau cas de révision lorsque la culpabilité de la personne résulte d’aveux obtenus par la torture", d'après les mots du ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, la révision du procès de Mis et Thiennot est possible. D'après France Bleu Berry, le comité de soutien compte déposer une septième requête de révision de leur procès. Une commission devra alors se prononcer sur la recevabilité de la demande.
Enfin, autre affaire majeure : celle de Dany Leprince. Le 4 septembre 1994, Christian Leprince, sa femme et deux de leurs filles, âgées de 7 et 10 ans, sont retrouvés morts dans leur pavillon de Thorigné-sur-Dué (Sarthe), massacrés à coups de hachoir. Solène, leur fillette de 2 ans, est la seule rescapée. Jugé coupable du meurtre son frère, sa belle-sœur et deux de leurs enfants, Dany Leprince avait été condamné à la perpétuité en 1997. Il est sorti de prison en 2012, mais réclame un acquittement.