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Affaire Karachi : Édouard Balladur relaxé, François Léotard condamné à 2 ans de prison avec sursis

Combinaison de photos d'archives de l'ancien Premier ministre Édouard Balladur et de son ministre de la Défense François Léotard. La Cour de justice de la République a rendu, jeudi, sa décision dans l'un des volets de l'affaire Karachi et relaxé l'ancien Premier ministre Édouard Balladur. De son côté, François Léotard, son ancien ministre de la Défense, a été condamné à deux ans de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende. Plus de 25 ans après la campagne présidentielle malheureuse d'Édouard Balladur, la Cour de justice de la République a relaxé, jeudi 4 mars, l'ancien Premier ministre d'accusations de financement occulte, mais a condamné à du sursis son ex-ministre de la Défense François Léotard dans ce volet de la tentaculaire affaire Karachi. La justice "reconnaît enfin mon innocence", a réagi l'ancien Premier ministre, dans un communiqué prenant "acte avec satisfaction" de sa relaxe. "Je déplore qu'il ait fallu un quart de siècle de calomnies intéressées et organisées pour en arriver là", a-t-il ajouté. Édouard Balladur, aujourd'hui âgé de 91 ans, était absent au délibéré, comme son ancien ministre de la Défense, 78 ans. La Cour de justice de la République — juridiction controversée et la seule habilitée à juger des membres du gouvernement pour des infractions commises lors de leur mandat — a estimé que la preuve n'était pas "rapportée" de la participation de l'ex-Premier ministre à un système de rétrocommissions illégales versées en marge d'importants contrats d'armement. L'accusation estimait qu'une partie de l'argent de ces rétrocommissions avait servi à alimenter son compte de campagne. Elle avait requis le 2 février un an d'emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d'amende à l'encontre d'Édouard Balladur pour "complicité" et "recel" d'abus de biens sociaux. Mais la Cour a conclu que l'origine de 10,25 millions de francs ayant abondé le compte du candidat Balladur — "frauduleuse" selon le ministère public — n'avait pu être établie. La CJR, composée de trois magistrats professionnels et douze parlementaires, a suivi en revanche en tous points les réquisitions du ministère public pour condamner François Léotard à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende. Il a été reconnu coupable de "complicité" d'abus de biens sociaux. L'ancien ministre de la Défense a "joué un rôle central et moteur" dans l'imposition à deux entités détenues par l'État — qui négociaient la vente de sous-marins et de frégates à l'Arabie saoudite et au Pakistan — d'un réseau d'intermédiaires "inutiles" aux commissions "pharaoniques", les contrats d'armement étant alors quasiment finalisés. François Léotard a réagi à sa condamnation en écrivant, dans un communiqué : "J'ai honte pour la justice française et ses dérives dangereuses. Je défendrai toujours la liberté de la décision politique". Les arrêts de la CJR ne sont pas susceptibles d'appel. Mais François Léotard a annoncé qu'il allait se pourvoir en cassation. Dans le volet non gouvernemental de la même affaire, le tribunal correctionnel de Paris avait infligé en juin 2020 de sévères condamnations à l'encontre de six protagonistes, dont l'homme d'affaires Ziad Takieddine et d'anciens proches des deux anciens ministres. Tous ont fait appel. "Sans lien" avec Karachi Tout au long du procès, qui s'était ouvert le 19 janvier, Édouard Balladur et ses avocats avaient dénoncé des "accusations grossières", basées sur des "théories délirantes". Pour le ministère public, une portion des quelque "550 millions de francs" (soit "117 millions d'euros") effectivement versés au réseau d'intermédiaires avait alimenté en partie le compte de campagne du candidat Balladur, alors engagé dans une guerre fratricide à droite avec Jacques Chirac. Au cœur des accusations : le dépôt en espèces et sans justificatif de 10,25 millions de francs (1,5 million d'euros) sur le compte — déficitaire — du candidat, le 26 avril 1995, quelques jours après le retrait d'un même montant à Genève par les intermédiaires "inutiles", avait souligné le procureur général François Molins. L'ancien locataire de Matignon (1993-1995) a toujours affirmé que ces fonds provenaient de dons de militants et de la vente de gadgets lors de réunions publiques. Son ex-trésorier de campagne, René Galy-Dejean, avait invoqué à l'audience la piste des fonds secrets. Ces "différentes considérations sont insuffisantes pour établir l'origine" des fonds, a tranché la Cour. Face à ses juges, Édouard Balladur avait insisté sur le fait que son compte de campagne avait été "expressément validé" par le Conseil constitutionnel en 1995. Les soupçons de financement occulte de la campagne Balladur avaient émergé en 2010, au fil de l'enquête sur l'attentat de Karachi commis le 8 mai 2002, qui avait coûté la vie à 11 Français travaillant à la construction de sous-marins. Toujours en cours, l'enquête sur cet attentat a au départ privilégié la piste d'Al-Qaïda, puis exploré celle — non confirmée à ce jour — de représailles après l'arrêt du versement des commissions, une fois Jacques Chirac élu président.   Édouard Balladur a affirmé jeudi : "Il est en tout cas établi que cette affaire est sans lien avec l'attentat de Karachi qui a coûté la vie de onze de nos compatriotes en 2002, attentat dont vingt ans après, la justice a échoué à découvrir les motifs et les auteurs". Avec AFP

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