Affaire du "violeur de la Sambre" : comment Dino Scala a-t-il pu passer entre les mailles du filet pendant 30 ans ?
Soupçonné de 17 viols, 12 tentatives de viol et 27 agressions ou tentatives d'agression sexuelle, le procès de Dino Scala se poursuit à Douai (Nord) avec les témoignages des parties civiles et des enquêteurs.
Un profil insaisissable. Au 3e jour du procès de Dino Scala, ce mardi 13 juin 2022, qui se tient depuis vendredi devant la cour d’Assises du Nord à Douai, les juges ont pu entendre les témoignages des premières parties civiles. Elles seront une cinquantaine à défiler à la barre pendant 10 jours : toutes l’accusent de viol, d’agressions sexuelles et de tentatives pendant plus de 30 ans.
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Lundi, la cour s’est, dans un premier temps, intéressée à la personnalité déroutante de Dino Scala. Il y a ainsi, d’un côté, le bon père de famille, le "papa poule", dit son épouse, un "homme au grand cœur", selon l’une de ses filles. Et puis, il y a de l’autre, le "pervers", "l’animal" décrit par ses belles sœurs. "Un homme, disent-elle, qui se glisse dans les draps par surprise, rôde autour des maisons..terrorise les femmes."
Mais pour Fanny Bruyère, avocate de neuf parties civiles, seul l’agresseur existe. Le reste n’est que de la poudre aux yeux. "Ce n'est pas une double personnalité, c'est une personnalité de pervers sexuel, d'agresseur sexuel qui essaie de se faire passer pour quelqu'un de bien, mais sur le fond, est une atrocité", juge-t-elle. Mais, "aujourd’hui, j’ai changé", assure Dino Scala, devant la cour. Il a ainsi présenté pour la première fois ses excuses et reconnu "des pulsions, quelque chose qui l’habite, dit-il, depuis ses 12 ans." Il a aussi évoqué pour la première fois des images, des doutes sur l’inceste qu’il aurait pu subir lui-même de la part de son père. Une "démarche de vérité", assure son avocate, que l'homme de 61 ans, ancien ouvrier et entraîneur de clubs locaux de football, compte tenir, selon elle, jusqu’à la fin du procès.
"On cherchait un monsieur moyen"
Reste une question-clé : comment celui présenté comme le "violeur de la Sambre" a-t-il pu passer entre les mailles du filet pendant 30 ans ? Mardi 14 juin, l'un des enquêteurs a retracé, à la barre, les 22 ans pendant lesquels il a traqué ce suspect, une véritable "génération d'enquêteurs" souligne ainsi Franck Martins. Lui, il a commencé en 1996, huit ans après les premières agressions. À l’époque, ce jeune policier est alors chargé de faire de la surveillance devant les usines de la zone frontalière pour repérer un éventuel suspect. Alors que le terrain de chasse imputé au "violeur de la Sambre" s'étend sur un rayon de moins de 30 km autour de cette rivière, qui traverse la frontière franco-belge, lui n’a, pour se guider, que quelques détails rapportées par les plaignantes : une odeur de cambouis, une voiture claire, un bonnet. Pour le reste, "on cherchait un monsieur moyen", explique l’enquêteur. Une description, dit-il, qui revenait souvent dans la bouche des victime.
Pendant plus de vingt ans, les techniques évoluent, mais l’enquete, elle, piétine. Jusqu’à ce jour de février 2018 : ce matin-là, les policiers repèrent une voiture près d’un lieu d’agression en Belgique et interpellent quelques jours plus tard le conducteur. "Quand on ouvert la portière, je me souviens de m’être dit, c’est le monsieur moyen, c’est le violeur de la Sambre. J’ai vu dans son regard qu’on ne s’était pas trompé", raconte l’enquêteur, encore ému.
L’ADN confirmera sa prémonition quelques heures plus tard. "Et là, poursuit Franck Martins, je lui ai dit en anglais 'Dino, this is the end', c''était la fin. C’était théâtral, reconnaît l’enquêteur, mais c’était pour moi un soulagement de me dire qu’il n’y aurait plus de victime". Le procès de Dino Scala doit se tenir jusqu'au 1er juillet.