Vidéo d'Emmanuel Macron avec des youtubeurs : "Une opération plutôt bénéfique", estime un spécialiste
"Le message politique passe toujours mieux quand il est sous le coup de l'humour et de la sympathie", a expliqué Romain Fargier, après la mise en ligne d'une vidéo réunissant le chef de l'État et deux youtubeurs très connus, McFly et Carlito.
"Le président de la République a utilisé des influenceurs réseaux sociaux pour apparaître sous un jour plus sympathique, sur le ton de l'humour et du sarcasme", a expliqué dimanche 2" mai sur franceinfo Romain Fargier, spécialiste des réseaux sociaux et d'internet en politique, doctorant au Cepel, le centre d'études politique de l'Europe latine de Montpellier. Les youtubeurs McFly et Carlito ont posté dimanche une vidéo avec Emmanuel Macron, qui a rapidement eu du succès.
franceinfo : Le président de la République cible-t-il les jeunes, et rien que les jeunes, en communiquant de la sorte avec des youtubeurs très en vue ?
Romain Fargier : Il a choisi McFly et Carlito, qui ne sont pas n'importe quels youtubeurs. Ce sont des véritables institutions sur YouTube pour les jeunes, puisqu'ils ont maintenant plus de 6,5 millions d'abonnés. Ils font partie des trois plus gros youtubeurs de France, donc c'est déjà un choix de cible très large, une audience très large. Surtout, le public de McFly et Carlito, ce sont essentiellement les moins de 34 ans. La couverture, dans les médias classiques, de cet événement sur YouTube, a été importante, donc il y a aussi un effet de halo vis-à-vis de cette opération marketing.
Le président de la République a utilisé ce qu'on appelle maintenant des "influenceurs réseaux sociaux", pour apparaître sous un jour plus sympathique, sur le ton de l'humour et du sarcasme. Les sondages montrent que les jeunes sont parmi les catégories de la population qui votent le moins. On entre dans une période électorale. Même si on ne sait pas encore tout à fait quelles sont les prétentions d'Emmanuel Macron, mais on a peu de doute là-dessus, c'est une opération plutôt bénéfique. En sciences politiques, le message politique passe toujours mieux quand il est sous le coup de l'humour et de la sympathie.
L'exercice est-il réussi ? A-t-il réussi à reprendre les codes de l'audience de McFly et Carlito, alors que le ton et la posture présidentielle ne sont pas forcément en tous points compatibles avec la démarche ?
Chez Emmanuel Macron, il y a eu une évolution. Un peu avant son élection à la présidence, sa communication sur les réseaux sociaux était plutôt institutionnelle, très protocolaire, il reproduisait essentiellement des discours qu'il postait sur les réseaux sociaux. Il y avait une certaine difficulté à adhérer aux codes des réseaux sociaux. Et on a vu depuis la crise sanitaire qu'il y a eu une évolution dans la communication, notamment par le biais de Gabriel Attal, qui avait ouvert une chaîne Twitch. Il y a aussi Jean Castex qui s'est exprimé sur Twitch, lors d'un live. Pour moi, le point de bascule fut quand il a parlé face caméra, comme un selfie, où il expliquait qu'il était malade, qu'il avait eu le Covid. Pour moi, il a changé dans la communication. C'était moins institutionnel, moins protocolaire. Il est plus proche des codes et des normes des réseaux sociaux.
Est-ce que ça veut dire qu'il faut s'attendre à ce que, potentiellement, Emmanuel Macron et les autres candidats à l'élection présidentielle de 2022 investissent toujours plus les réseaux sociaux ?
Les hommes politiques ont une vision ambiguë des réseaux sociaux, dont ils n'hésitent pas, souvent, à critiquer les dérives et à les pointer comme responsables de certains maux de la société. Mais il est vrai qu'à l'approche des campagnes électorales, ces mêmes hommes politiques investissent ces plateformes, ces réseaux sociaux, dans le but de communiquer toujours plus. Ces réseaux sociaux permettent à ces hommes politiques de contourner les temps de parole, notamment du CSA en campagne. Mais ça permet aussi de ne pas avoir de contradicteurs et de ne pas avoir ce qu'on appelle les "gatekeepers" en recherche, à savoir des filtres journalistiques ou des questions qui dérangent.