Une lanceuse d’alerte accuse Facebook et doit témoigner devant le Sénat américain
Frances Haugen, ancienne employée de Facebook, affirme que la société a caché des études montrant que la fréquentation des réseaux sociaux pouvait augmenter les niveaux d'anxiété et de dépression de certains adolescents.
Elle s'appelle Frances Haugen, elle a pour la première fois témoigné à visage découvert dimanche 03 octobre lors d'une interview accordée à la chaîne CBS. Et elle répondra aux questions des sénateurs mardi.
Ses accusations sont dévastatrices. Frances est ingénieure, elle fut chef de produit chez Facebook où elle travaillait dans le département "intégrité civique". Une section chargée tout particulièrement de surveiller l'influence de contenus inappropriés sur le bon déroulement des élections. Frances Haugen a également eu accès à de nombreuses études internes commandées par Facebook. Elle en a d'ailleurs livré plusieurs au Wall Street Journal qui en a tiré des articles très embarrassants pour la firme de Mark Zuckerberg. Le quotidien a par exemple pu révéler que certains VIP étaient exemptés des règles de modération des contenus, et a dévoilé la mauvaise influence du réseau social Instagram sur les adolescents.
Il s’agit d’études menées sur trois ans tout de même par Facebook, d'où il ressort que pour un tiers des jeunes adolescentes mal dans leur peau, la fréquentation d'Instagram et de sa vision idéalisée des corps peut renforcer les idées suicidaires et augmente en tout cas les niveaux d'anxiété et de dépression. Des études connues du groupe, qui ont fait l'objet d'échanges en interne mais que la société de Mark Zuckerberg avait soigneusement cachées au public, jusqu'à ces révélations de la lanceuse d'alerte.
Le profit plutôt que l’intérêt général
Nouvelle étape mardi 05 ocotbre devant la commission du Commerce du Sénat, déjà très critique des négligences de Facebook et des risques pour les jeunes. Frances Haugen accuse le géant des réseaux sociaux d'avoir favorisé l'assaut contre le Capitole le 6 janvier dernier.
Elle révèle en effet que les algorithmes permettant de modérer de façon stricte les messages de désinformation ou les appels à la haine - des protections qui avaient été renforcées durant la campagne présidentielle américaine - ont été désactivés au lendemain du vote. Tout cela assure Frances Haugen par souci du profit qui fait fi du bien commun. Car, explique-t-elle, les contenus haineux, violents suscitent des réactions émotionnelles, positives ou négatives ce qui fait que les individus restent plus longtemps sur le réseau, voient plus de pubs et que cela génère plus d'argent pour Facebook. En bref, plus vous êtes exposés à la colère plus vous interagissez et plus vous consommez.
Il y a, estime Frances Haugen, et c'est ce sur quoi vont l'interroger les sénateurs, un conflit d'intérêt entre ce qui est bon pour le public et ce qui est bon pour Facebook. À l'appui de ses dires, des dizaines de milliers de pages de recherches internes à Facebook qu'elle a copiées et emportées. Ce qui lui permet d'affirmer que l'entreprise connaît les effets dévastateurs potentiels de ses algorithmes mais ne souhaite pas les modifier par pur intérêt.
La firme pèse aujourd'hui près de 1 000 milliards de dollars et son chiffre d'affaires a doublé en trois ans pour passer à 119 milliards dollars.