Tuerie de Chevaline : qui est le motard placé en garde à vue, sept ans après avoir été entendu comme témoin et mis hors de cause ?
Tuerie de Chevaline : qui est le motard placé en garde à vue, sept ans après avoir été entendu comme témoin et mis hors de cause ?
L'identité de cet homme n'a jamais été révélée. Il est interrogé depuis mercredi matin dans l'enquête sur le quadruple meurtre perpétré en 2012 à Chevaline, en Haute-Savoie.
Son portrait-robot avait été diffusé le 4 novembre 2013, plus d'un an après la tuerie de Chevaline. Un homme a été placé en garde à vuepour "assassinat" et "tentative d'assassinat", mercredi 13 novembre, dans cette affaire énigmatique. Son avocat, Jean-Christophe Basson-Larbi, a confirmé auprès de franceinfo que son client était bien le motard vu à l'époque près des lieux du quadruple meurtre. Il avait été retrouvé en 2015, deux ans après un appel à témoins. Interrogé par les gendarmes, il avait finalement été mis hors de cause. Pourquoi est-il de nouveau dans le radar de la justice ? Que sait-on de lui ? Eléments de réponse.
Un motard croisé par des garde-forestiers
Il faut remonter en 2012, après la découverte d'une famille décimée sur une route de campagne près de Chevaline, non loin du lac d'Annecy. Le mercredi 5 septembre, un Britannique d'origine irakienne de 50 ans, Saad Al-Hilli, son épouse de 47 ans et sa belle-mère de 74 ans sont trouvés morts dans leur voiture. Ils ont reçu plusieurs balles dans la tête. L'une des fillettes du couple est grièvement blessée tandis que la seconde, recroquevillée sous les jambes de sa mère, s'en est miraculeusement sortie physiquement indemne. Un cycliste de la région, Sylvain Mollier, 45 ans, probable victime collatérale, est également été abattu.
Ce jour-là, à l'heure approximative du quadruple meurtre (entre 15h15 et 15h40), un homme portant le bouc et coiffé d'un casque noir circule à moto sur la route de la Combe d'Ire, en partie fermée à la circulation. Il croise deux garde-forestiers de l'Office national des forêts (ONF), qui lui demandent de respecter l'interdiction et de rebrousser chemin. Le motard obtempère et redescend le sentier, passant devant le parking où une partie de la famille Al-Hilli et le cycliste ont perdu la vie.
Un entrepreneur originaire de Lyon, adepte de parapente
Après le témoignage des deux agents de l'ONF, les gendarmes de la section de recherches de Chambéry tentent de retrouver le motard. Dans l'impasse, ils lancent un an plus tard un appel à témoins et le portrait-robot d'un homme portant un bouc et un casque d'un type très particulier, alors fabriqué à 8 000 exemplaires. L'individu devient un suspect dans l'enquête.
Il est retrouvé en février 2015 et auditionné comme témoin par les enquêteurs. Les gendarmes sont parvenus à l'identifier grâce à son téléphone portable, qui a "borné" dans la zone du crime, et par l'exploitation d'images vidéo collectées peu après le drame.
Le motard explique alors qu'il est bien venu du côté de Chevaline, ce 5 septembre 2012, pour pratiquer sa passion : le parapente. La zone est effectivement connue pour ses spots de vol libre, entre le col de la Forclaz, la montagne du Charbon et la commune de Doussard. Il assure ne pas avoir fait le rapprochement entre sa présence dans la zone, la tuerie et son portrait-robot diffusé dans toute la France.
A l'époque, il est mis hors de cause. Comme le confiait un acteur du dossier à franceinfo, "son profil personnel et professionnel l'excluent de la liste des suspects à 95%". Son identité n'a jamais été révélée.
Des "vérifications d'emploi du temps" à effectuer
En annonçant le placement en garde à vue de cet homme d'une cinquantaine d'années par la section de recherches de Chambéry, mercredi matin, la procureure d'Annecy, Line Bonnet, a expliqué qu'il s'agissait de "procéder à des vérifications d'emploi du temps" et à "des perquisitions" à son domicile, dans la banlieue de Lyon. La garde à vue a été prolongée jeudi.
Sans dévoiler l'identité de l'intéressé, la magistrate a confirmé que l'homme figurait parmi quatre témoins "remis en situation" sur les lieux du drame il y a un peu plus de trois mois et chronométrés, sur la base de leurs déclarations. En septembre 2021, le périmètre de la zone de la tuerie a été bouclé pendant deux jours pour effectuer cette remise en situation des quatre témoins, dont le motard du portrait-robot.
Selon les informations de franceinfo, la cellule Diane (division des affaires non élucidées) du pôle judiciaire de la gendarmerie a également fait travailler l'algorithme de son logiciel Anacrim et des incohérences sont apparues.
Son avocat dénonce "une erreur judiciaire"
"Il s'agit d'une erreur judiciaire, mon client vit un calvaire", plaide sur franceinfo son avocat, Jean-Christophe Basson-Larbi. Face à quelques journalistes qui l'attendaient devant la gendarmerie de Chambéry mercredi soir, il a estimé que cette garde à vue n'était "pas justifiée" car son client avait "toujours eu à cœur de participer à la manifestation de la vérité".
"Il a le sentiment de nager en plein Kafka et il a le sentiment et d'avoir livré absolument tout ce qu'il savait", a-t-il ajouté.
Cet homme "n'a, à aucun moment, le profil de quelqu'un qui pourrait avoir commis de sang-froid, avec préméditation, un tel assassinat", a souligné son conseil, précisant devant la presse que "la position de ce monsieur [était] toujours la même : 'Je me promenais (...) mais je n'ai pas croisé la route de cette pauvre famille'."
Cette nouvelle garde à vue est un élément à prendre avec prudence tant les faux coups de théâtre ont été nombreux dans ce dossier. "Il ne s'agit que de vérifications", précise à franceinfo un gradé de la gendarmerie. La procureure, contactée jeudi par l'AFP, a elle-même invité à la prudence.