"Tournant" ou "greenwashing" ? Le projet de loi sur l'industrie verte aux mains des députés
Le projet de loi visant à stimuler la réindustrialisation décarbonée du pays est examiné à partir de lundi en première lecture par l'Assemblée nationale, après sa large adoption au Sénat. Pour le ministre de l'Industrie, le texte constitue un "tournant" pour l'économie ; les députés LFI le qualifient, eux, de "coquille vide" et de "greenwashing".
L'éolienne Floatgen alimentant l'unité flottante de production d'hydrogène Lhyfe (invisible) sur le site d'expérimentation SEM-REV au large du Croisic, dans l'ouest de la France, le 26 juin 2023.
Le projet de loi sur l'industrie verte, visant à stimuler une réindustrialisation décarbonée du pays, est examiné depuis lundi 17 juillet en première lecture par l'Assemblée nationale, après sa large adoption au Sénat.
Les députés se sont saisis dès 16 h du dernier gros morceau à leur programme avant la pause estivale. Un texte emblématique pour l'exécutif, qui a fait de la reconquête industrielle une bataille prioritaire après la crise des retraites.
Il "constitue un véritable tournant pour notre économie" après une "ère de désindustrialisation massive", a plaidé le ministre de l'Industrie, Roland Lescure, en commission.
Pour encourager des installations d'industries sur le sol français et y stimuler des projets comme ceux du "Big five" – éolien, photovoltaïque, pompe à chaleur, batteries, hydrogène décarboné – le gouvernement met notamment sur la table des délais raccourcis pour les autorisations d'implantation et de nouveaux outils pour attirer l'épargne privée.
Une partie des mesures se concentrent sur la mobilisation du foncier avec des "mesures radicales" selon l'exécutif, qui a promis de mettre à disposition de l'industrie 50 sites dépollués.
"Épargne climat" pour les mineurs
En simplifiant et en accélérant les procédures, le projet de loi fixe l'objectif de diviser par deux le délai moyen pour obtenir une autorisation d'ouverture d'usine, aujourd'hui estimé à 17 mois.
Pour quelques projets "d'intérêt national majeur", désignés par décret, une procédure d'exception est prévue, donnant la main à l'État.
Le gouvernement met l'accent sur la mobilisation de l'épargne privée. Avec un nouveau produit pour les moins de 18 ans, le "plan épargne avenir climat", l'exécutif attend un milliard d'euros de collecte pour l'industrie verte.
En mobilisant aussi davantage l'épargne retraite et l'assurance vie, il espère un total de 5 milliards d'euros d'épargne privée.
Un label serait par ailleurs créé pour donner à des entreprises vertueuses un accès privilégié à la commande publique.
Au Sénat à majorité de droite, le texte avait été remanié pour associer davantage les collectivités, en particulier sur les projets industriels d'"intérêt national majeur". Mais inquiet de voir les procédures ralenties, le camp présidentiel a rectifié le tir par des amendements en commission.
Les députés ont aussi supprimé en commission un article imposant à l'État d'élaborer une "stratégie nationale" pour l'industrie verte jusqu'à 2030, qui avait également été ajouté par les sénateurs.
"Trous dans la raquette"
Au grand regret des oppositions, des mesures fiscales et financières, comme la création d'un crédit d'impôt pour soutenir des projets "verts", ne figurent pas dans le projet de loi et ont été renvoyées à la prochaine loi de finances.
"Petit texte" sans stratégie, "coquille vide", "greenwashing" (l'écoblanchiment en français, est une technique consistant à promouvoir une image plus responsable, éthique et écologique qu'elle ne l'est en réalité, NDLR) : les députés LFI ont annoncé lundi devant la presse qu'ils défendraient une "motion de rejet" du texte à l'ouverture des débats.
La députée insoumise Alma Dufour a présenté des contre-propositions : une "stratégie protectionniste" pour des filières indispensables à la "bifurcation écologique" ou encore un "impôt écologique sur la fortune".
Pour l'écologiste Charles Fournier, "on appelle industrie verte une industrie qui serait peut-être décarbonée, peut-être relocalisée", mais sans se soucier de savoir si elle "respecte les limites des ressources de la planète". Il a indiqué que son groupe soutiendrait la motion de rejet des Insoumis.
Le texte traduit une "vision libérale" et "rabougrie", dénonce le communiste Sébastien Jumel. L'objectif est d'"attirer les investissements étrangers en échange de cadeaux fiscaux voire de réduction de la vigilance environnementale", tacle de son côté le socialiste Gérard Leseul.
"Il y a des mesures qui vont plutôt dans le bon sens", estime la députée LR Virginie Duby-Muller, tout en déplorant des "trous dans la raquette".
La droite reproche notamment au texte de trop se focaliser sur le "Big five". "Pourquoi ne pas élargir ?", demande Mme Duby-Muller, qui aurait aussi souhaité que la question des importations soit traitée.
Au RN, le député Alexandre Loubet raille une "montagne (qui) accouche d'une souris".
Pour boucler l'examen du projet de loi, lesté de près de 1 600 amendements, des jours de séance ont été ajoutés les 22 et 23 juillet, repoussant la pause estivale des députés.
Avec AFP