Tony Parker au Hall of Fame : "Même dans mes rêves les plus fous, je ne l'ai jamais imaginé"
Interview
Le meneur de jeu Tony Parker va devenir samedi le premier Français à entrer au panthéon du basket américain, le Hall of Fame. Alors que la promotion 2023 compte aussi l’Allemand Dirk Nowitzki et l’Espagnol Pau Gasol, l'ancienne star des San Antonio Spurs mesure avec fierté le chemin accompli.
"Quand je serai dans le musée à Springfield en train de faire mon discours, là, je vais réellement réaliser." Tony Parker a encore du mal à y croire. Samedi 12 août, il fera partie de la cuvée 2023 du Hall of Fame, devenant ainsi le premier Français à y entrer. À quelques jours de la cérémonie, la légende du basket a accordé une interview sur Zoom à quelques médias, dont France 24.
Tony Parker s'est notamment livré sur l'honneur qui lui est fait et sur son ressenti à l'idée d'entrer au Hall of Fame en compagnie de ses amis et rivaux Pau Gasol et Dirk Nowitzki. Il est aussi revenu sur le chemin parcouru depuis sa première licence pro au PSG, sa draft dans la prestigieuse NBA, ses quatre titres avec les Spurs et sa relation particulière avec le coach Gregg Popovich.
France 24 : Quand vous vous revoyez jeune basketteur à l'Insep, ou lors de votre première saison pro au PSG basket avec de longues minutes sur le banc derrière Laurent Sciarra en rêvant de la NBA, est-ce que dans vos rêves les plus fous, vous vous imaginiez avoir cette carrière et finir au Hall of Fame ?
Franchement, non. Et pourtant, je suis toujours le premier à dire à mes académiciens de toujours rêver en grand. Quand tu racontes ton rêve à quelqu'un et qu'il ne se moque pas de toi, c'est que tu ne rêves pas assez grand !
Franchement, même dans mes rêves les plus fous, je n'ai jamais imaginé entrer au Hall of Fame. À l'époque, le basket, c'était différent. C'était impossible. Aucun meneur européen n'avait réussi en NBA. Il n'y avait tout simplement pas d'Européens.
Aujourd'hui, être drafté, c'est presque devenu normal. À l'époque, c'était déjà tout un événement. Moi, je rêvais juste de la NBA et d'être le premier meneur européen à réussir. Mais de là à dire que je gagnerais quatre titres ou que je deviendrais le premier Européen à être MVP [joueur de l'année, NDLR] des finales, et maintenant cette entrée au Hall of Fame, c'est simplement incroyable. J'ai moi-même du mal à réaliser.
Qu'est-ce que ça représente d'être le premier Français à entrer au Hall of Fame, et notamment aux côtés de Pau Gasol et Dirk Nowitzki, également premiers représentants de leur pays ?
C'est quelque chose d'extraordinaire d'être le premier Français. J'ai toujours pris très au sérieux le rôle d'ambassadeur du basket français, du sport en général… Cela a toujours été ma motivation, montrer aux Américains que nous savons jouer au basket en France. Être le premier Français champion de la NBA et le premier à entrer au Hall of Fame, c'est la continuation.
Entrer aux côtés de Pau [Gasol] et de Dirk [Nowitzki], c'est vraiment un honneur. J'ai des relations sincères avec les deux. J'étais présent lorsque le maillot de Dirk a été retiré de sa franchise. J'ai joué avec Pau aux Spurs, et je le connais depuis mes quatorze ans, avec toute la rivalité que la France avait avec l'Espagne.
À l'époque, les Américains pensaient qu'il était impossible qu'un Européen devienne un "franchise player" [un joueur emblématique d'une équipe, NDLR]. Nous avons été les premiers à prendre en main nos franchises et à les conduire vers des titres. Et maintenant, quand je vois qu'ils n'hésitent pas à considérer des joueurs comme Nikola Jokic ou Giannis Antetokounmpo comme des "franchise players", je réalise le long chemin que nous avons parcouru.
Vous entrez également au Hall of Fame en même temps que Gregg Popovich, qui vous a coaché pendant quasiment toute votre carrière. Qu'est-ce que ça fait ? Quelles étaient vos relations au début, et maintenant ?
C'est une relation qui restera toujours très spéciale pour moi. C'est comme un deuxième père pour moi. Je suis arrivé tellement jeune à San Antonio, j'avais 19 ans et il m'a pris sous son aile. Il a pris un risque aussi : il a donné la balle à un meneur européen. Sa star, Tim Duncan, ne m'a pas parlé de la première saison. Il a pris un risque et c'est pour ça qu'on sera liés à jamais.
Tim Duncan l'avait bien résumé : je suis le joueur avec qui Gregg Popovich a été le plus dur de toute l'histoire des Spurs. Mais on a réussi tellement de choses ensemble… C'est presque marrant qu'on entre au Hall of Fame ensemble parce qu'ils auraient pu choisir n'importe quelle année pour Popovich… Je ne sais même pas si c'est déjà arrivé qu'un joueur entre en même temps que son coach.
Votre discours sera un moment marquant. Comment procédez-vous pour l'écriture ?
J'écris tout seul et je re-regarde les speeches que j'avais déjà fait à l'époque. Je regarde les joueurs qui m'ont inspiré : Michael Jordan, Magic Johnson. J'ai re-regardé ceux de [Tim] Duncan, [Manu] Ginobili… Je m'inspire un peu de tout le monde.
J'ai écrit pas mal de speeches dans ma vie. J'ai fait le "jersey retirement" de Duncan, celui de Ginobili. Mais là, ça n'a rien à voir. Tu retraces toute ta vie, quoi ! C'est un exercice vraiment pas facile. Je vais être très nerveux, je pense…
Vous avez gagné votre premier titre NBA en 2003 et votre premier titre avec les Bleus en 2013. Dix ans plus tard, en 2023, vous entrez au Hall of Fame. Qu'est-ce qu'on peut imaginer pour Tony Parker en 2033 ?
Je ne sais pas. C'est une très bonne question. Gagner l'Euroligue avec l'ASVEL [le club français dont il est président, NDLR] ?
Je suis né sous une bonne étoile et je suis très, très reconnaissant de tout ce qui s'est passé dans ma vie.
On a regardé le match de 2003 hier avec ma famille et mes amis. C'était trop marrant de me revoir là, à 21 ans, où j'étais inconscient de ce que je faisais. J'avais mis 26 points sur Jason Kidd. J'étais à des années-lumière de réaliser ce que j'étais en train de faire. D'ailleurs, je suis bien revenu sur Terre le match d'après, où je ne passe qu'un tir sur dix. Le premier titre, tu ne t'en rends pas compte. Ça va tellement vite. Champion NBA à 21 ans, c'était incroyable, quoi.
En 2013, gagner le premier titre avec l'équipe de France, c'était aussi quelque chose de vraiment spécial, c'était cool de revoir tout le monde. Et 2023 au Hall of Fame, on va encore vivre des moments incroyables qui seront gravés à jamais dans mon cœur. Et j'espère qu'en 2033, je pourrai célébrer quelque chose qui sera de ce niveau-là.