TEMOIGNAGE. “Je suis née le jour où je suis devenue femme”
Béatrice Denaes a dû attendre l'âge de 63 ans avant d'être enfin bien dans son corps. De ses années de souffrance à la paix intérieure, elle se raconte dans un livre courageux.
Le 14 mars 1956 naît Bruno Denaes. Aujourd'hui, cet état civil a laissé place à Béatrice Denaes. C'est à l'âge de 6 ans que le petit garçon comprend que quelque chose cloche. "J'étais la risée des garçons, car je n'aimais ni les bagarres ni les jeux de ballon. Je ne me sentais bien qu'avec des filles. Petit à petit, j'ai réalisé que c'est ce que j'aurais dû être", relate Béatrice. Au collège, Bruno profite de sa passion, la photo, pour revêtir des vêtements de filles dans la pénombre de son petit labo-photo.
Au lycée, il se noie dans une suractivité et se retrouve enfin le week-end quand ses parents partent à la campagne. "C'étaient mes "sas de survie". Pendant que je faisais mes devoirs, j'empruntais les vêtements de ma mère. Vers 18 heures, à leur retour, j'étais comme Cendrillon qui devait abandonner sa belle robe", se souvient-elle. Devenu journaliste, il rencontre sa future épouse, Christine, en 1977. Un soulagement pour le jeune homme qui désespérait de pouvoir créer une famille.
"Si je n'avais pas eu ma famille, je n'aurais pas pu vivre ni même survivre"
Le couple se marie. Mais alors qu'il devrait nager dans le bonheur, Bruno craque quand son épouse tombe enceinte. "J'avais arrêté mes 'sas de survie' et j'étais très mal. J'aurais tellement voulu porter mes enfants, Elodie et Aurélien. [Mais] si je n'avais pas eu ma famille, je n'aurais pas pu vivre, et même survivre."
A 57 ans, il atteint ses limites. Et c'est Internet qui lui permet de mettre enfin des mots sur ce qu'il vit, à savoir la transidentité. "J'ai découvert que je n'étais pas seul dans cette situation. Je me suis aussi plongé dans le livre D'un corps à l'autre, d'Olivia Chaumont, qui expliquait sa transition."
"J'adorais mon métier, mais je ne me sentais pas le courage d'entamer ma transition alors que j'étais encore en poste"
Il est temps pour lui de partager la vérité avec son épouse. Après une phase de sidération et un sentiment de trahison, Christine finit par accepter les week-ends féminins de Bruno, qui attend trois ans avant d'en parler à leurs enfants.
"Cela s'est très bien passé. Mon fils, Aurélien, l'a même vécu comme une libération, car il comprenait mal mon absence de virilité et la relation très fusionnelle que j'avais avec sa sœur." S'il est heureux d'être enfin compris par ses proches, l'ancien médiateur d'antenne de Radio France ne révélera rien à son employeur : "J'adorais mon métier, mais je ne me sentais pas le courage d'entamer ma transition alors que j'étais encore en poste. Pour cela, j'ai attendu de partir en retraite à 62 ans."
"C'est un bonheur immense d'être enfin moi-même"
Le jeune retraité décide en février 2019 de subir une vaginoplastie et devient officiellement une femme. "Je voulais aller jusqu'au bout. Si je ne l'avais pas fait, j'aurais été comme une 'demi-femme'", explique Béatrice, qui traverse pourtant les mois suivants une crise identitaire et une profonde dépression.
Aujourd'hui, elle continue à prendre son traitement hormonal et suit des séances d'électrothérapie pour venir à bout de sa pilosité faciale. "Je vois aussi une orthophoniste, car je dois féminiser ma voix." Depuis un an, Béatrice va très bien : "Je m'assume complètement et mon entourage aussi. C'est un bonheur immense d'être enfin moi-même."
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