TEMOIGNAGE. "Atteinte du syndrome de Moebius, je suis née sans la possibilité de sourire"
Etre incapable de sourire à ceux qu'on aime était pour elle une malédiction. Stigmatisée dès l'enfance, Tayla est devenue athlète de haut niveau, et elle milite pour le droit à la différence.
Exprimer une émotion, traduire un sentiment par un sourire, une moue, est un moyen de communication spontané et naturel pour tout le monde. Mais pas pour Tayla Clement qui, depuis son plus jeune âge, souffre d'une maladie extrêmement rare, le syndrome de Moebius, qui ne touche qu'une personne sur 4 millions dans le monde. Ce trouble neurologique affecte les nerfs crâniens qui contrôlent l'expression du visage et les mouvements des yeux. Cela l'empêche de décocher le moindre sourire, de bouger les yeux de gauche à droite, de hausser les sourcils ou même de remuer la lèvre supérieure.
Très vite, à l'école, elle devient la cible des railleries de ses camarades, qui la tiennent systématiquement à l'écart des jeux à la récré, des anniversaires et de leurs échanges. "Les enfants venaient me crier au visage, disaient qu'ils avaient peur de moi, puis s'enfuyaient en riant. Ça n'a pas toujours été facile..." raconte la jeune femme originaire de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, qui avait été surnommée "the Droopy face" en référence au chien de la BD toujours grincheux.
Adolescente, Tayla a fait six tentatives de suicide...
A 12 ans, Tayla subit "une opération du sourire". Les médecins tentent de transplanter sur son visage des tissus mous de sa cuisse afin de recréer de la dynamique faciale. C'est un échec et la jeune fille est désespérée. "J'ai passé de nombreuses années à détester mon visage, à souhaiter avoir un sourire 'normal'. Et même à désirer ne plus exister, parce que cela me semblait plus facile que d'être en vie. Cela a beaucoup joué sur ma confiance en moi." Au cours de ces années terribles, Tayla fait six tentatives de suicide.
C'est le sport qui la sauvera. Pour s'évader, elle commence la natation à l'adolescence. Si elle parvient à remporter des médailles, sa fragilité psychologique la pousse à arrêter la compétition. Le syndrome de Moebius s'accompagnant souvent d'anomalies du squelette, Tayla a un pied bot. Et alors qu'elle a 18 ans, la Fédération paralympique de Nouvelle-Zélande la remarque et l'intègre à son équipe d'athlètes handisport régionale. Trois ans plus tard, en 2018, elle est une sportive de haut niveau et réalise un exploit en remportant la compétition de l'Etat de Victoria, à Melbourne. Encore un an plus tard, en mars 2019, durant les championnats nationaux de Nouvelle-Zélande, Tayla réussit un lancer de disque de 8,28 m : le record du monde de sa catégorie. La jeune femme devient une icône nationale.
"Cela m'a conduite au désespoir, mais cela m'a aussi donné l'opportunité d'être une inspiration"
Depuis, Tayla a quitté le sport de haut niveau, mais elle continue d'encourager les personnes qui souffrent d'anomalies faciales, via des conférences et en animant son compte Instagram. Son trouble neurologique ? Elle l'a accepté. "Je suis finalement heureuse que l'opération n'ait pas fonctionné. Oui, cela m'a conduite au désespoir, mais cela m'a aussi donné l'opportunité d'être un visage et une voix d'espoir et d'inspiration pour les autres, affirme-t-elle. Je sais maintenant que je suis née pour me démarquer." Et là, dans ses yeux, on voit un sourire.
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