TÉMOIGNAGE. “En découvrant des photos de ma fille nue sur le web, je suis partie en croisade...”
Quand Charlotte a appris que des images dénudées de sa fille Kayla étaient accessibles sur un site de revenge porn, elle s'est lancée dans un combat sans merci...
Installée dans une maison typique de la banlieue de L.A., Charlotte Laws est une maman des plus classiques : elle couve sa fille et est très amoureuse de son Britannique de mari... mais peut se transformer en lionne si on touche à ceux qu'elle aime. Hunter Moore, propriétaire du site de "revenge porn" (pornodivulgation en français) IsAnyoneUp.com, en a fait l'expérience. En janvier 2012, la fille de Charlotte, Kayla, découvre que des photos d'elle, nue, qu'elle avait dissimulées dans la boîte mail de son ordinateur et n'avait jamais envoyées à personne, sont en accès libre sur le site de Moore, accompagnées de liens menant à ses réseaux sociaux.
La jeune fille qui aspire à devenir actrice voit le monde s'écrouler sous ses pieds. Pire, elle reçoit insultes et messages scabreux de tout le pays. Elle se confie alors à sa mère, qui décide de l'aider à faire disparaître les malheureuses photos. "Ma fille était dévastée et avait l'impression que sa vie était ruinée. Je suis entrée dans une colère noire : pas question de laisser qui que ce soit lui faire du mal !" raconte la maman, déterminée à trouver une solution rapide.
"J'ai tout de suite vu que ce ne serait pas facile de l'avoir. Mais rien ne pouvait m'arrêter !"
Sauf que Charlotte ne connaît pas vraiment le phénomène du revenge porn, ces photos ou vidéos scabreuses postées sur les réseaux sociaux sans le consentement de la personne qui apparaît dessus. Une réalité qui la fait tomber des nues... Même si Internet existe alors depuis presque vingt ans, les réseaux sociaux, eux, n'en sont qu'à leurs balbutiements. C'est la jungle, aucune modération des contenus n'est effectuée. "Quand j'ai envoyé des messages à Moore pour qu'il retire les photos de ma fille de son site, il m'a rit au nez, se souvient Charlotte. J'ai tout de suite vu que ce ne serait pas facile de l'avoir. Mais rien ne pouvait m'arrêter !"
"Comme je me suis vite rendu compte qu'il me serait impossible de faire retirer les photos de Kayla en m'adressant directement à lui, j'ai commencé à contacter d'autres victimes de IsAnyoneUp.com afin de monter un dossier et de pouvoir me tourner vers les autorités compétentes, poursuit-elle. J'en ai trouvé une quarantaine, avec qui je me suis liée d'amitié. Le combat pour aider ma fille devenait une croisade qui allait sauver d'autres femmes..."
Charlotte a été critiquée, harcelée, insultée, Hunter Moore ayant divulgué son adresse et son téléphone sur les réseaux
Sauf que demander l'interdiction du site était impossible tant qu'il ne contrevenait pas à la loi. Mais en interviewant les victimes, Charlotte s'aperçoit qu'environ 40 % d'entre elles étaient sûres de ne jamais avoir envoyé leurs clichés à quiconque. "Elles se sont fait pirater leur ordinateur !", réalise-t-elle alors. Or le hacking est interdit et passible de prison. Elle apporte donc au FBI l'ensemble des éléments qu'elle a pu rassembler et, après trois années de harcèlement et de violences psychologiques, celui qu'elle a dans le viseur est arrêté et incarcéré pour vol de données personnelles.
Charlotte a été critiquée, harcelée, insultée, Hunter Moore ayant divulgué son adresse et son téléphone sur les réseaux. Elle a également été poursuivie par les fans du "ruineur de vie professionnel", comme il aimait à se définir. Mais elle n'a jamais lâché : "L'honneur de ma fille était en jeu. Il est aujourd'hui sauf. Kayla n'arrête pas de me dire qu'elle est fière de moi, et ça n'a pas de prix. Dans ma croisade, j'ai aidé plus de 500 femmes à se reconstruire après avoir été victimes du revenge porn. J'ai décidé d'en faire un des combats de ma vie. "
Grâce à la mère de Kayla, des lois de protections des données personnelles ont été mises en place dans 48 Etats américains
Actuellement, grâce à Charlotte, des lois de protections des données personnelles ont été mises en place dans 48 Etats (sur 50) des Etats-Unis. Pas étonnant qu'on la surnomme désormais la "Erin Brockovich du revenge porn". Netflix vient même de mettre en ligne un documentaire qui raconte son combat face à Moore. Son titre : L'Homme le plus détesté d'Internet.