TEMOIGNAGE. “DJ et grosse, j'ai bataillé pour me faire accepter dans le milieu musical”
On lui a souvent préféré les filles minces. Mais aujourd'hui, Barbara mixe à Paris, Bruxelles, Tel-Aviv ou Milan. Une victoire décrochée au prix de vexations et d'humiliations transformées en force.
"Je me définis comme grosse, comme ça, si on pense me blesser en me traitant ainsi, c'est raté", affiche Leslie alias Barbara Butch, son nom d'artiste. Cette assurance et ce naturel, elle les a toujours eus, mais les a perdus par moments au gré des réflexions familiales et des remarques d'employeurs peu délicats. Pourtant, Barbara n'a jamais eu de problèmes avec son corps et vivait plutôt bien avec. "Je n'ai pas été une enfant harcelée à l'école puisque mes kilos, je les ai pris au fur et à mesure à partir de 18 ans. Non pas que j'étais une grosse mangeuse, mais il y avait un facteur génétique, puisque mon arrière-grand-mère était très grosse. Et puis j'ai subi une relation amoureuse d'emprise, qui m'a traumatisée et m'a fait prendre du poids."
A l'époque, Barbara s'habille en taille 46 et sa compagne utilise ses rondeurs pour l'humilier. "Elle me disait : 'Mais qui voudra de toi après moi ? Regarde tes bourrelets. Tu n'es même pas capable de trouver un boulot.'" Ce n'était déjà pas facile de décrocher un emploi à cause de mon poids. Je cherchais dans la restauration et j'avais droit à des réflexions terribles comme : 'Allez plutôt postuler chez McDonald's, ça colle mieux avec leur image » ou « ce n'est pas possible, on va devoir réorganiser toute la salle et bouger les tables'."
"Je perdais misérablement 5 kilos, et puis j'en reprenais le double"
Barbara encaisse et grossit. "Je me suis mise à stocker alors que je ne mangeais pas plus. Je me suis créé une carapace avec mon corps pour me protéger des attaques." Viennent alors de petites remarques familiales se voulant sans méchanceté mais redondantes, et que Barbara finit par prendre au sérieux. "En réalité, c'étaient plus des injonctions de la société que ma famille répétait. J'entendais : 'Attention à la culotte de cheval, c'est difficile à perdre' ou 'pense à ta santé ', ou encore 'faudrait peut-être penser à une liposuccion'."
"J'ai donc tenté plusieurs régimes parfois draconiens comme les cures de jus pour contrôler mon corps. Je perdais misérablement 5 kg mais à quel prix ! Et puis j'en reprenais le double." A 23 ans, après une formation photo, Barbara revient à ses premières amours : la musique. Ex-saxophoniste, découragée par un professeur de conservatoire humiliant, Barbara veut renouer avec ce qui l'anime et décide d'ouvrir son propre bar musical à Montpellier. Elle y apprend à mixer ses premiers vinyles.
"Toi, t'es mieux dans les petits clubs, dans les caves"
"Puisque personne ne voulait de moi, j'ai créé mon propre emploi !" L'endroit rencontre un vrai succès et Barbara acquiert une notoriété qu'elle souhaite asseoir à Paris. Mais elle est à nouveau confrontée à la grossophobie, la stigmatisation des personnes obèses ou en surpoids. "J'ai vite constaté que les filles minces, munies d'une simple clé USB, réussissaient à décrocher des soirées très bien payées. Quand on parle de DJette, on s'attend à voir une fille hyper bien gaulée, les dents ultrablanches, lookée..."
Elle essuie alors des remarques cruelles. "Pour les shows de maisons de couture ou des événements comme le Festival de Cannes, il n'est pas rare que j'entende : 'On adorerait te programmer, mais tu comprends, pour l'image de la marque, c'est plus vendeur une personne mince', et dans les boîtes ou les bars, c'est plutôt : 'Toi, t'es mieux dans les petits clubs, dans les caves.' Comme s'il fallait que je me cache. Mais moi, j'ai envie d'être partout." Grâce à sa persévérance et à une "communauté du love" qu'elle a créée sur Instagram, où elle répond aux attaques par des cœurs, Barbara se produit aujourd'hui devant des milliers de personnes à travers le monde. "Tout est possible, et même si ça prend plus de temps, il ne faut pas se décourager. Moi je bouge, je danse, je fais de la musique, je me sens pleine de vie."
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