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Insolite et Faits divers

TEMOIGNAGE. Assassinat du père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray : "Je n’ai pas voulu bouger pour ne pas qu’ils ne viennent pas me finir", témoigne un rescapé de l'attentat

Assassinat du père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray : "Je n’ai pas voulu bouger pour ne pas qu’ils ne viennent pas me finir", témoigne un rescapé de l'attentat Le procès de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray s'ouvre lundi 14 février, devant la cour d'Assises spéciale de Paris. Il y a cinq ans ans et demi, le 26 juillet 2016, Guy Coponet assistait à la messe durant laquelle le prêtre, Jacques Hamel, a été tué. Guy Coponet fêtait ses 87 ans ce jour-là. Il en a 92 aujourd’hui. Ancien salarié d’une centrale de papeterie en Normandie, il a été marié pendant 68 ans à Janine, son épouse, décédée l'an dernier, qui était là aussi à la messe, dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, le 26 juillet 2016. Il raconte.  "La messe s’est passée comme d’habitude. Le père Jacques était content, il partait en vacances avec sa famille. Ça s’est déroulé normalement, on n’était pas nombreux, 5 ou 6, c’était pendant les vacances." "Ils avaient tout un fourbi. Il y avait des armes. Tout le monde est resté figé à l’endroit où il était. C’est à ce moment-là qu’un des deux m’a fait asseoir à un endroit et m’a mis entre les mains un appareil [un téléphone portable pour filmer l’attentat]." "Ils ont pris le père Jacques, il est venu le chercher dans les bancs. Ils ont commencé par le taper, beaucoup... Frappé, mis à genoux. Ils l’ont massacré là, le pauvre. Il s’est défendu avec ses pieds, comme il pouvait. Je l’ai entendu dire "arrière Satan", puis comme un ordre, "Satan, va-t-en". Alors ça s’est terminé, car le gars lui a ouvert la gorge." "A ce moment-là, ils se sont occupés de moi. Ils ont attrapé l’engin [le téléphone], ils l’ont pilé complètement, cassé à coups de pied. Ils m’ont demandé de monter à la hauteur de l’autel. Ils ont commencé par ouvrir, par là [Guy Coponet fait le geste d’ouverture de sa gorge par un couteau], le dos, le bras. Et puis ils m’ont jeté sur le côté de l’autel. Quand je suis arrivé en bas, sur les marches, j’ai pris un bon coup sur les côtes." "C’est mon ange gardien" Guy Coponet raconte : "On se pose des questions, on finit par penser à toute la vie qu’on a eu avant, prier tous ceux qu’on prie d’habitude, les Saints. Et puis c’est bizarre, dans les yeux j’ai vu une couleur que je ne connaissais pas. C’était un bleu, mais un bleu que je n’avais jamais vu. Et je ne l’ai jamais retrouvé d’ailleurs, la teneur de ce bleu-là. Pendant ce temps-là, j’entendais ce qu’il se passait. Les discussions qu’ils ont eu avec les sœurs [les religieuses qui assistaient à la messe]. Dans tout ça, il y a Sœur Danièle, en cours de route pendant ces explications avec les gars, elle est arrivée à sortir chercher du secours. C’est mon ange gardien." "Et puis ils ont continué de casser tout ce qui était à casser : arracher la croix de procession au mur, la statue de Notre-Dame-de-Fatima, la couronne, donner des coups de couteau sur l’autel… Il y avait du bruit, là. Jusqu’à ce qu’ils prennent les otages, les sœurs et mon épouse, pour sortir. Ça a été dramatique. Mon épouse avait un gars derrière elle pour sortir. Elle sentait quelque chose de froid dans son cou. Il a fallu qu’une policière l’attrape très vite, pour faire de la place aux policiers, là dehors, pour descendre celui qui était derrière elle. J’ai entendu le bruit. J’ai cru que c’était quelqu’un qui tapait dans la porte. Boum, Boum. Ca devait être les coups de feu dehors. J’étais toujours en prière. Et là j’ai vu passer une guêtre, d’un policier qui était entré dans l’église." Car il est toujours au sol, Guy Coponet ne voit que la chaussure du policier.  Comment se sent-il, 5 ans et demi après ? "Physiquement ça va. Côté moral, ça va toujours. Mais mon épouse est décédée l’année dernière. On s’aimait tellement. On prenait la vie comme un don. Alors ce moral-là, c’est difficile.On allait à la messe tous les deux une fois par semaine à l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray. Maintenant, en sortant de l’église, je vais au cimetière et je prie avec elle. Elle est toujours là. Ça a changé complètement notre vie, ce qu’il s’est passé le 26 juillet 2016. Bêtement, je vais dire, ça nous a fait grandir, on voit la vie autrement." Guy Coponet et sa fille Anne Garcia, le 3 février 2022. (LAURIANE DELANOE / RADIO FRANCE) Qu'attend-il du procès ?  "Il faut trouver les vrais responsables, ceux qui ont fomenté ça, qui ont fait le montage de ce massacre. C’est ceux qui ont donné des ordres, qui ont – à mon avis – complètement embrouillé la tête de ceux qui l’ont fait. Pour qu’un homme en arrive à ce point-là, à tuer quelqu’un, il faut qu’il y ait une ressource qui l’ait remonté à tel point que… Alors le procès, je ne dis pas punir, c’est même pas ça..." Guy Coponet soupire. "Peut-être qu’on aura un pardon de ceux qui ont provoqué tout ca ? Il faudrait que ca aille jusque-là, à la limite. Mais qu’est-ce qu’on va leur dire ? Comme dirait le Seigneur, "Ils ne savent pas ce qu’ils font"." Quatre hommes sont jugés dans ce procès : l'un pour complicité, Rachid Kassim, absent, il est présumé mort en Irak en 2017. Les trois autres pour "participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle". Ces trois accusés, de 25, 27 et 36 ans, seront présents au procès, ils encourent jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle. En tant que fervent catholique, a-t-il pardonné ? "Le pardon…" Il soupire encore. "Vous savez, si on ne pardonne pas, ca devient de la haine. Si on veut semer la paix, forcément, il faut faire le nécessaire pour pardonner. Alors je rentre dans cette ligne là. Ça permet de revoir les gens, d’accepter les choses. Oui, on pardonne. Mais ca nous a posé bien des questions, depuis 2016."

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