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Taux minimal d'imposition des multinationales : "C'est un accord tout à fait révolutionnaire", savoure l'économiste Christian Chavagneux

"C'est un accord tout à fait révolutionnaire", défend l'économiste Christian Chavagneux, éditorialiste à Alternatives Economiques, jeudi 1er juillet sur franceinfo après la signature par 130 pays d'un accord qui scelle le principe d'un impôt minimal de 15 % sur les bénéfices des multinationales. Cet accord "devrait nous rapporter autour de 7 milliards d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable", a-t-il poursuivi. Il prévoit aussi une répartition plus équitable des bénéfices entre les pays où sont situés les sièges de ces grands groupes et ceux dans lesquels ils exercent leur activité. C'est un volet qui vise directement les géants du numérique. "Tous les pays qui ne mettront pas en œuvre cet accord verront l'argent partir vers les fiscs étrangers. Ce ne serait vraiment pas une bonne politique". franceinfo : Cet accord est-il réellement historique comme le dit Bruno Le Maire ? Christian Chavagneux : C'est un accord tout à fait révolutionnaire parce qu'il pose sur la table deux grands principes qui n'existaient pas jusqu'à présent. Le premier, c'est que vous avez beau être une multinationale qui n'est pas présente en France, vous transférez artificiellement vos profits dans les paradis fiscaux et bien on va vous obliger à redonner des recettes fiscales à la France. Et puis, le deuxième principe révolutionnaire c'est qu'on instaure un taux minimum d'imposition des profits réalisés à l'étranger par les multinationales. Ces grandes firmes utilisent les paradis fiscaux pour être taxés à 1, 2, 3 %. Et bien l'accord dit que ce sera un taux minimum de 15 %. Donc, si elles sont taxées à 3 %, eh bien la France pourra prendre la différence entre 3 et 15 % et quand vous prenez tout ça, on a eu une note très récente qui nous dit comme l'a précisé le ministre, ça devrait nous rapporter autour de 7 milliards d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable. 130 pays seulement l'ont signé. Cela veut dire quand même qu'il y a des pays qui ont refusé de signer cet accord. Quelles peuvent être les conséquences pour sa mise en œuvre ? Aucune. Les conséquences seront pour eux. Effectivement, il y a 130 pays sur les 139. Malheureusement, il y a quelques pays européens, dont l'Irlande, la Hongrie et l'Estonie et quelques d'autres comme la Barbade, etc. Mais on n'a pas du tout besoin de leur accord pour appliquer cet accord. Parce que si le fisc français, demain dit : 'Vous êtes installés en Irlande et que grâce à l'Irlande, vous avez un taux de 3 à 4 %, je vais vous prendre la différence entre ces 3 à 4 % et les 15 %.' Et si l'Irlande ne le fait pas avec ces multinationales, ce seront des fiscs d'autres pays qui vont pouvoir récupérer l'argent. Donc tous les pays qui ne mettront pas en œuvre cet accord verront l'argent partir vers les fiscs étrangers. Ce ne serait vraiment pas une bonne politique.  Qu'est-ce qui fait que des pays importants ont finalement signé en bas de la page ? C'est la présence des Etats-Unis. Même si Bruno Le Maire, avec sa taxe GAFA, a failli faire planter toute la négociation, c'est la réalité. Heureusement que les Etats-Unis de Biden sont arrivés pour dire : 'On est prêts à appliquer cette taxe mondiale, à nos propres entreprises qui ont caché leurs profits dans les paradis fiscaux européens.' La France, l'Allemagne récupèrent de la base fiscale sur Google, sur Facebook, etc. Donc c'est parce qu'il y a le leadership des Etats-Unis que derrière l'Europe a un peu enchaîné. Vous voyez que même avec des périodes de tension aussi fortes qu'on en connait aujourd'hui entre les Etats-Unis et la Chine, on trouve les grands émergents, les Etats-Unis, la Chine qui sont capables de se rejoindre sur un grand accord qui va dans le sens du bien public mondial. On va rendre de la base fiscale, des recettes budgétaires à tous les grands pays. Nous allons en profiter, l'Allemagne également. Tous les grands émergents vont en profiter. On va pouvoir financer nos retraites, financer tout ce qu'on va vouloir. C'est vraiment un accord qui change les règles du jeu de la taxation des multinationales. Cela fait un siècle qu'on n'avait pas connu ça. Et les entreprises dans l'histoire, sont perdantes ou gagnantes ? Pour les entreprises s'il n'y avait pas eu d'accord, la France avait sa taxe GAFA, l'Australie a fait la même chose. Les Indiens ont fait la même chose. Les Italiens, les Anglais. On aurait eu une multiplication des taxes nationales qui font que ces grandes entreprises auraient été obligées de négocier avec je ne sais pas combien de fiscs dans le monde entier. Or là, y a un organisme qui fixe les règles, les mêmes pour tous, partout dans le monde. Il y a des milliers de multinationales qui sont concernées par ce taux minimum.Je pense que même si elles payent un petit peu plus d'impôts, eh bien c'est mieux pour elles.

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