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"Sexisme" dans des vidéos YouTube : "On doit quand même à l’Antiquité un bon socle de misogynie", estime une historienne

"Sexisme" dans des vidéos YouTube : "On doit quand même à l’Antiquité un bon socle de misogynie", estime une historienne L'historienne Audrey Millet réagit à l'étude de la Fondation des femmes publiée ce jeudi, selon laquelle une importante part des vidéos les plus consultées de la plateforme YouTube renvoient une image hypersexualisée et dégradante des femmes. Selon cette chercheuse, le sexisme prend racine dans notre imaginaire dès l'Antiquité. Une étude de la Fondation des Femmes, qui a passé au crible les 200 vidéos les plus consultées sur YouTube en 2019 et 2020, dénonce le "sexisme en liberté". Si ce genre de contenus existe encore, c’est "parce que ça se vend", assure sur franceinfo ce jeudi Audrey Millet. Historienne et chercheuse à l’Université d’Oslo, elle estime qu’on "doit à l’Antiquité un bon socle de misogynie". Egalement autrice de "Le livre noir de la mode : création, production, manipulation", paru aux éditions Les Pérégrines en 2021, elle explique que depuis la fin du 19ème siècle, dès que la femme est envoyée "dans la sphère publique", on met "une pression supplémentaire sur son corps". franceinfo : cette représentation de la femme séductrice et celle de l'homme hyper viril, dans ce genre de clips, se pose la question de l'industrie musicale. Pourquoi ce genre de contenus continue d’être produit ? Audrey Millet : Parce que ça se vend. Parce qu’en fait, on est habitué. La femme est valorisée à partir de son corps, de son corps nu et de son corps déformé, avec une homogénéisation des corps qui intervient également avec de nombreuses modifications, une enveloppe corporelle qui est modifiée avec, par exemple, la chirurgie esthétique. On a l'impression que les choses évoluent peu ces dernières années. C'est aussi ce que vous constatez ? En effet, ça stagne. Déjà, parce que ça fait plus de 3 000 ans que les femmes sont, de toute façon, traitées comme un "corps débile", c’est le terme de l’époque. C'est-à-dire qui n’est pas fini. Elles ont une débilité, elles sont faibles. Et on les retrouve dès l'Antiquité, c'est-à-dire dans l’élite, dès qu’une femme est nue, soit elle est méchante, soit elle chante et elle essaie d’ensorceler des marins, comme avec les sirènes dans l’Odyssée, soit elle se noie, soit elle est violée. En fait, on doit quand même à l'Antiquité un bon socle de misogynie, même si le terme n’intervient qu’au XVIe siècle. Je pense notamment aux épigrammes du poète Martial, qui n'épargne ni les jeunes, ni les vieilles, ni les femmes mariées, qui leur fait tous les reproches possibles, aguicheuses, impudiques, celles qui ne se refusaient rien également. Cette représentation caricaturale est-elle forcément un terreau de violence ? C’est un terreau de violence parce qu'à chaque fois, les femmes sont critiquées. Et, cette faiblesse qui est admise scientifiquement, est reprise par les juristes, ce qui fait qu'elle est inscrite dans la loi. La femme doit être protégée parce qu'elle est débile. Et maintenant qu’on voit un peu plus le corps de la femme, depuis la fin du 19ème siècle, depuis qu'elle a dû aller travailler, depuis l'industrialisation, c'est-à-dire travailler dehors et se montrer en public, elle peut montrer son corps. Mais ça a eu comme conséquence le fait d'encore plus s'occuper de son corps, c’est-à-dire que l’élite, qui met son petit rouge à lèvres dans son sac à main, arrive en même temps que le droit de vote des femmes. Donc à chaque fois qu’on l'envoie dans la sphère publique, on met une pression supplémentaire sur son corps.

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