"Sensible et discret" : Arras rend un dernier hommage à l'enseignant Dominique Bernard
Les funérailles de Dominique Bernard, enseignant de 57 ans tué par un Russe radicalisé le 13 octobre, se sont tenues jeudi à Arras dans le nord de la France. Des centaines de personnes étaient présentes pour lui rendre un dernier hommage, ainsi que le président Emmanuel Macron, son épouse Brigitte et le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal. Plus tôt dans la journée, Dominique Bernard a été élevé au grade de chevalier de la Légion d'honneur à titre posthume.
Une foule a suivi les funérailles sur un grand écran installé sur la place de la ville à Arras, le 19 octobre 2023.
Dernier hommage. Des centaines de personnes ont assisté jeudi 19 octobre aux obsèques de Dominique Bernard – professeur poignardé à mort par un ancien élève devant son collège-lycée d'Arras, le 13 octobre – lors d'un attentat jihadiste qui a placé la France en état d'alerte.
"Sensible et discret, il n'aimait pas le bruit et la fureur du monde. Il aimait profondément ses filles, sa mère et sa sœur. Nous nous aimions", a déclaré son épouse Isabelle, elle aussi enseignante, devant un millier de personnes présentes dans la cathédrale d'Arras. Parmi elles, le chef de l'État Emmanuel Macron, son épouse Brigitte et le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal.
"Il n'aimait pas la foule et les honneurs, les cérémonies, qu'il avait en horreur", a-t-elle ajouté, égrainant la liste des nombreux artistes qu'il appréciait, de Gracq à Baudelaire en passant par Kubrick et Le Titien.
La cérémonie, présidée par l'évêque d'Arras, Mgr Olivier Leborgne, est retransmise sur grand écran sur une place du centre-ville, devant près de 600 personnes selon la préfecture du Pas-de-Calais. Une photo de l'enseignant est affichée sur la façade de l'hôtel de ville.
"Nous sommes désemparés, mais ensemble. Nous sommes là, abasourdis, mais refusant de nous laisser écraser", a lancé l'évêque.
"Ta silhouette, je la vois dans la salle des profs, je vois ta chemise, toujours, le gobelet que tu tiens, ton sourire malicieux parce que tu as un truc marrant à dire", a poursuivi une collègue, Aurélie. "Tu étais là pour (les élèves), ils l'avaient compris."
"Une belle personne"
Tué à 57 ans, Dominique Bernard a été élevé au grade de chevalier de la Légion d'honneur par la présidence de la République, selon un décret paru jeudi au Journal officiel. Le chef de l'État s'est entretenu avec sa famille avant la cérémonie.
De nombreux bouquets de roses avaient été déposés sur les marches menant à l'entrée de la cathédrale, où le cercueil a été accueilli par une trentaine d'enseignants et agents du collège-lycée Gambetta, théâtre du drame.
"M. Bernard était gentil, passionné, il aimait nous faire découvrir la littérature, il avait toujours des petites choses en plus à nous dire sur les auteurs qu'il nous présentait", témoigne, la voix tremblante, Maxime, un de ses anciens élèves, suivant la cérémonie devant le grand écran, accompagné de sa mère.
Mattheo Tenti, 18 ans, qui l'a eu comme enseignant en terminale, décrit "un prof vraiment sociable, relax, toujours à l'écoute des élèves quand il y avait des problèmes. Une belle personne".
Un important dispositif policier est déployé dans une grande partie du centre-ville, avec interdiction de circuler jusqu'à jeudi 15 h.
Le meurtre de Dominique Bernard, le 13 octobre, survenu presque trois ans jour pour jour après l'assassinat du professeur d'histoire-géographie Samuel Paty en région parisienne par un jeune homme radicalisé, a suscité une onde de choc, en particulier chez les enseignants.
Fausses alertes à la bombe
Une minute de silence a été respectée lundi dans tous les collèges et lycées de France en mémoire de Dominique Bernard et de Samuel Paty.
Dans un entretien mercredi à l'hebdomadaire chrétien La Vie, la mère et la sœur de l'enseignant, issu d'une famille catholique pratiquante, disent espérer qu'il "soit le dernier" professeur assassiné et que ce drame soit "un électrochoc" pour "que la France reste une terre d'accueil".
Le pays est passé en alerte "urgence attentat" dès le soir de l'attaque, menée par Mohammed Mogouchkov, 20 ans, un Russe radicalisé qui se revendique de l'organisation État islamique.
L'inquiétude s'est encore aggravée avec les meurtres lundi soir à Bruxelles en pleine rue de deux Suédois, un attentat revendiqué par un Tunisien ensuite abattu par la police.
Mohammed Mogouchkov avait semé la panique dans l'établissement d'Arras le 13 octobre au matin, deux couteaux en main, tuant Dominique Bernard avant de blesser trois autres adultes, dont deux grièvement, puis d'être interpellé.
Il a été mis en examen pour assassinat en lien avec une entreprise terroriste et écroué mardi soir. Son frère de 16 ans l'est pour complicité et un cousin de 15 ans pour abstention volontaire d'empêcher un crime.
Fiché pour radicalisation, il était suivi par la DGSI "depuis la fin du mois de juillet", selon Gérald Darmanin, en raison des liens avec son frère, emprisonné pour sa participation à un projet d'attentat visant l'Élysée, et son père, lui aussi fiché S.
Avec AFP