Rixe violente, mairie envahie, association dissoute... Que s'est-il passé à Val-de-Reuil ?
Plusieurs affrontements ont mis le feu aux poudres dans cette ville de 13 000 habitants de Normandie. Des tensions attisées par les récupérations politiques.
Comment la petite ville de Val-de-Reuil dans l'Eure s'est retrouvée au centre d'une affaire politico-sécuritaire ? Après une semaine de tensions entre habitants et de récupérations politiques, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé, lundi 13 septembre, la mise en place d'une procédure de dissolution de la Ligue de défense noire africaine. Plusieurs personnes ont également été interpellées. Franceinfo rembobine les événements en cinq actes.
1Une rixe éclate entre deux familles
Tout commence avec une dispute entre deux jeunes enfants, dans l'après-midi du dimanche 5 septembre. Une simple "bagarre de bac à sable" qui tourne rapidement au "différend entre parents", selon le maire PS de la ville, Marc-Antoine Jamet.
"On a d'un côté une famille kurde et en face, une famille d'origine franco-sénégalaise, résume l'adjointe au maire, Fadilla Benamara, au micro de France Bleu Normandie. Au lieu de trouver un terrain d'entente logique, [ces deux familles] choisissent de réitérer cette bagarre mais avec des molosses de 1,80 m avec des armes. Et ça se termine à l'hôpital."
Au total, plus d'une centaine de personnes s'affrontent et s'insultent dans la ville ce jour-là, jusque dans la nuit. Le père de l'enfant kurde est gravement blessé dans la bagarre, d'après Le Figaro. Deux personnes sont interpellées et un homme est incarcéré à l'issue de cette rixe, selon Jérôme Filippini, le préfet de l'Eure.
2Les tensions se poursuivent
La tension monte encore d'un cran à Val-de-Reuil, mardi 7 septembre, avec une manifestation "organisée sans la moindre autorisation" par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), selon le maire Marc-Antoine Jamet. Celle-ci rassemble environ 1 500 personnes et est ponctuée de "provocations racistes".
Six personnes sont interpellées après cette manifestation, certaines porteuses d'armes prohibées, de bâtons ou de machettes et "qui ont fait preuve de violence à l'égard des policiers", justifie le préfet de l'Eure, Jérôme Filippini, lors d'une conférence de presse lundi 13 septembre.
3Des manifestants envahissent la mairie
Le point d'orgue des tensions est atteint dans l'après-midi du samedi 11 septembre. Ce jour là, la Ligue de défense noire africaine (LDNA) appelle à un rassemblement devant l'hôtel de ville de Val-de-Reuil, en réponse aux insultes qu'auraient subies la mère d'un des enfants impliqués dans la rixe, une semaine plus tôt.
"Trente individus racistes et violents" ont alors "envahi la mairie" alors que des mariages étaient célébrés, rapidement "rejoints par 70 autres" personnes, raconte le maire Marc-Antoine Jamet sur Twitter. Les manifestants "arrachent la porte de la salle du conseil" et "bousculent une élue courageuse portant l'écharpe tricolore".
"Ils m'ont violenté. (...) J'ai vu mon médecin, j'ai des hématomes", affirme Fadilla Benamara, l'adjointe qui s'est retrouvée face aux manifestants, au micro de France 3 Normandie. "Ce qu'ils ont fait est minable." Quelques minutes après, à la sortie de la mairie, c'est le maire lui même qui est la cible d'un enfarinage de la part d'un manifestant.
4Le ministre de l'Intérieur réagit
Après ces événements, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé, lundi 13 septembre, qu'il allait engager la dissolution de la Ligue de défense noire africaine (LDNA). "Les discours de cette structure raciste appellent à la haine et à la discrimination", justifie-t-il sur Twitter.
Sur les réseaux sociaux, cette association se définit comme un "mouvement révolutionnaire pour la défense des droits des Afrodescendants et des Africains". Près de 300 000 personnes sont abonnées à sa page Facebook. Son président et fondateur se présente sur Twitter comme un "activiste politique, résistant panafricain, combattant de la liberté, révolutionnaire".
Plusieurs personnalités politiques, dont des membres du Rassemblement national, demandaient la dissolution de l'association, notamment depuis une manifestation organisée contre les violences policières en juin 2020 devant l'ambassade des Etats-Unis. "Ses actions causent des troubles à l'ordre public, comme ce week-end à Val-de-Reuil", a ajouté Gérald Darmanin.
5Le maire de la ville porte plainte
Lors d'une conférence de presse, lundi 13 septembre, le maire du Val-de-Reuil a fait part de sa volonté de porter plainte "car une ligne jaune a été franchie". La procureure d'Evreux Dominique Puechmaille a confirmé à l'AFP que des poursuites seraient "bien sûr" engagées une fois l'enquête terminée. "La situation est maintenant totalement gérée avec le renfort des autorités et de la police, la ville revient au calme !" a voulu rassurer Marc-Antoine Jamet.
Les violences qui ont eu lieu dans la ville ont également alimenté la polémique, avec la reprise de certaines images par l'extrême droite pendant toute la semaine. Marine Le Pen a ainsi dénoncé, dès le 7 septembre, des "affrontements communautaires". De quoi faire réagir le maire qui a regretté "trois incursions extérieures" dans cette semaine de tensions, celle de la Ligue de défense noire africaine, celle du PKK et celle du Rassemblement national.
"Ils ont divisé les gens et c'est mon travail de recoudre", a ainsi déclaré Marc-Antoine Jamet. Même ligne du côté du préfet de l'Eure. "Ce n'est pas au départ un affrontement communautaire et ça n'a pas vocation à être présenté comme un affrontement communautaire. Et ceux qui le font le présentent artificiellement pour leur propre avantage et essayent de travestir ce qu'est Val-de-Reuil", a cinglé Jérôme Filippini.