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Rachat de la MGM par Amazon : ce sont les Gafa "qui dirigent le monde du divertissement", selon Pascal Lechevallier, spécialiste des médias

Amazon a annoncé mercredi le rachat des studios de cinéma américain Metro Goldwyn Mayer (MGM) pour 8,45 milliards de dollars (6,9 milliards d'euros). Ce rachat lui permet de mettre la main sur un épais catalogue de films et d'intensifier la concurrence avec ses rivaux Netflix et Disney. "Les Gafa sont en train de prendre le pouvoir à Hollywood", a affirmé mercredi, sur franceinfo, Pascal Lechevallier, spécialiste de la dématérialisation et des médias, président-fondateur de What’s Hot Media, agence de conseil en nouveaux médias. "Ce sont vraiment eux aujourd'hui qui dirigent le monde du divertissement." franceinfo : Est-ce qu'il faut s'inquiéter du rachat de la MGM par Amazon ? Pascal Lechevallier : La première constatation, c'est que les Gafa, les Google, Amazon, Facebook, Apple et Netflix, sont en train de prendre le pouvoir à Hollywood. Ils descendent du haut de la Silicon Valley vers Hollywood et ses studios. C'est une tendance qui se confirme de mois en mois. Et l'annonce du rachat par Amazon est une preuve de plus que ce sont vraiment eux aujourd'hui qui dirigent le monde du divertissement. Ils sont en train de mettre la main sur tous les joyaux qu'Hollywood a produits depuis maintenant une centaine d'années. Est-ce qu'on est obligé de croire Amazon quand ils disent qu'ils veulent préserver l'héritage, le catalogue de la Metro Goldwyn Mayer ? Oui, de fait. Puisque de toute façon, le catalogue est là. Les films sont visionnables, soit en télévision, soit sur des chaînes spécialisées. Ce catalogue, il existe, ils vont l'exploiter. Comment vont-ils l'exploiter ? On verra avec le temps. Mais ce qui va surtout compter pour Amazon, c'est ce qui va se passer à partir de maintenant. Et la grande nouveauté, c'est qu'un spécialiste du e-commerce va être obligé de travailler avec la salle. Là aussi, c'est quelque chose de très nouveau. MGM est un studio classique qui a toujours mis toutes les œuvres qu'ils ont produites, en particulier pour le cinéma, d'abord en salles, puis ensuite avec d'autres types d'exploitations, que ce soit la télévision, la vidéo, le DVD, et maintenant la vidéo à la demande. Est-ce que cela veut dire que le fonctionnement des sorties va changer ? Cette année, du fait du confinement et des difficultés des studios de trouver des débouchés à leurs films qui ne passaient plus par la salle, on s'est aperçu que la chronologie des médias américains, c'est-à-dire le délai qui existait entre la sortie salles et la sortie en vidéo à la demande, qui était de l'ordre 90 jours avant la pandémie, a disparu. Certains films sont sortis directement sur les plateformes, soit en vente à l'acte, soit dans les plateformes par abonnement du type Netflix ou Disney. Et ce phénomène s'est accéléré en 2021. Le studio Warner a décidé de sortir tous ces blockbusters directement sur sa plateforme aux Etats-Unis. Ce qui veut dire que le délai et le passage obligatoire par la salle n'est plus le mode principal en ce moment. Mais ce qu'on sait déjà, c'est que le délai entre la date de sortie salles et la première exploitation en vidéo à la demande est tombé entre 30 et 45 jours aux Etats-Unis. Il a été divisé par deux en moins d'un an. Donc, la tendance de court-circuiter la salle existe. Est-ce que ça veut dire qu'à court ou moyen terme, l'économie du cinéma va complètement changer en France ? Très sincèrement, non. D'abord parce qu'en France, on est protégé. Il y a une chronologie des médias qui impose des délais, lorsque vous avez un numéro de visa, et qui protège les exploitants et les distributeurs salles. Ce qui laisse un temps de visionnage dans la salle. Il faut également rappeler que la salle, c'est aussi un lieu de partage, émotif, spectaculaire, qu'on ne peut pas reproduire à la maison. Et si on revient à l'affaire Amazon, il faut savoir, par exemple, que la famille Broccoli, qui détient le cut-off final sur toutes les œuvres de James Bond, a déjà annoncé ce qu'il protégerait leur licence et que la salle était incontournable. Donc, tous les films ne vont pas se retrouver sur les plateformes du jour au lendemain. Mais c'est une tendance qui est très forte. Lorsque ces plateformes achètent des films, elles peuvent décider, sans discuter avec qui que ce soit, de leur mode d'exploitation. Et c'est ça aujourd'hui le danger pour les salles de cinéma. C'est que certaines plateformes préfèrent mettre les films directement sur leur service plutôt que de rentrer dans l'exploitation traditionnelle de la salle. On l'a vu avec Netflix, Disney l'a fait, Warner l'a fait. Et sans doute qu'Amazon le fera aussi à un certain moment.

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